Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › L’avenir est-il dans l’anthropocène ? Sujet du 09.12,2013 + restitution du débat
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4 décembre 2013 à 17h13 #4768
Notre sujet du 09.12.2013 :
« L’anthropocène » est un terme nouveau, popularisé par le prix Nobel de la chimie (1995) Paul Crutzen, et utilisé plus largement depuis par la communauté scientifique. Ce terme tente de définir une nouvelle ère géologique (comme l’ère du précambrien). Aujourd’hui, en effet, il n’existe aucun endroit sur terre ou dans les océans qui ne soit pas affecté par les déchets ou par l’activité humaine (empreinte carbone).
D’autres experts désignent ce moment comme celui à partir duquel l’activité humaine impacte l’environnement de façon telle que la régulation biologique naturelle ne suffit plus à maintenir un équilibre viable pour tous les êtres humains (les premières migrations climatiques peuvent être vues sous l’angle des premières victimes de l’effet de serre).
L’anthropologue , George Lebras voit dans l’« anthropocène » une fuite en avant technologique appelée également «l’effet rebond », c’est le moment à partir duquel l’homme se croit capable de résoudre par la technique tous les problèmes initialement générés par cette même technique.On comprend donc qu’il y a des problèmes de définition (qu’est-ce que l’anthropocène ?), il y a des questions techniques (avons-nous les moyens scientifiques et techniques de nous en sortir ?), il y a des problèmes humano-idéologiques (ne rien faire ou refuser la question demande de répondre à cette autre question : qui et quelles populations doivent s’en sortir ? et bien entendu, il y a une somme de problèmes philosophiques :
– Peut-on croire au progrès en dépit des conséquences que cela a sur les populations, du prix qu’on leur en fait payer ?
– Les problèmes sont mondiaux et les solutions locales, « l’idéologie de la décroissance » ne peut-elle être qu’anti-démocratique ?
– Les questions de la morale ou du sens de la vie se posent-elles de façon individuelle ou de façon collective (qu’est-ce qu’une éthique individuelle si elle ne s’inscrit que dans un « quant-à-soi » ?
– Peut-on faire de la science sans être « idéologue » ou bien « philosophe » ?
– De quoi sont responsables les décideurs (financiers, industriels, politiques) d’une part et, d’autre part, les intellectuels, les artistes et les citoyens ?)Si d’autres questions vous viennent à l’esprit, postez-les dans le forum ou lors de l’introduction, nous les prendrons en compte au moment du débat. Merci de vos contributions.
Les sources avec lesquelles je me suis documenté :
– Une contre-histoire de l’Anthropocène (La grande table – France-Culture)
– Univers science-TV sur Youtube Avec Alain Gras, anthropologue et sociologue, et Claude Lorius, glaciologue.
– L’article de Alternatives Économiques
– La chronique de Brice Couturier (France-Culture)
– L’article de Libération4 décembre 2013 à 19h20 #4769Si je me cantonne à la question du progrès technique, on peut douter que celui-ci suffise à endiguer ses propres nuisances. Si c’était le cas, alors l’éthique environnementale n’aurait pas lieu d’être. Il suffirait d’investir de l’argent au bon endroit pour résoudre les problèmes par un surcroît d’innovation. C’est ce que Jacques Ellul appelait le « bluff technologique ».
Pour l’illustrer, on peut prendre l’exemple de la disparition des abeilles. Les colonies d’abeilles disparaissent actuellement à l’échelle planétaire, à cause de la propagation de parasites et de maladies qui les détruisent. Ceux-ci parviennent à s’installer dans les colonies parce que les défenses immunitaires des abeilles sont amoindries par l’épandage de pesticides et d’engrais volatils.
Face à ce problème, il y a deux attitudes possibles.
1) Une attitude éthique, qui consiste à considérer que les abeilles ont une valeur intrinsèque au delà du service qu’elles rendent à l’humanité (via la pollinisation des plantes) et qui implique de réduire l’utilisation des engrais et pesticides (agriculture raisonnée, ou biologique).
2) Une attitude reposant sur le bluff technologique, qui consiste à développer des programmes de recherche pour fabriquer des insectes-robots de la taille des abeilles dans le but de les envoyer polliniser à la place des défuntes (programme de recherche d’un labo à Harvard, dont voici le lien : http://robobees.seas.harvard.edu). Au fond, les abeilles on s’en fout, tant que leur boulot est fait et que la survie de l’homme n’est pas menacée.
Je ne sais pas vous, mais moi l’option 2) me fait un peu froid dans le dos (sans doute ma technophobie irrationnelle…).
Pour ouvrir le débat, et sortir du dualisme entre éthique environnementale / innovation technique que j’ai instauré de prime abord pour amorcer la réflexion, on peut évidemment noter que toutes les innovations ne se valent pas du point de vue du « bluff » qu’elles opèrent. Par exemple, on peut innover dans les engrais et les pesticides, de manière à en produire qui n’impactent pas ou peu l’environnement. L’innovation nous permet de ne pas modifier notre pratique, tout en annulant la nuisance. Mais c’est là que l’effet rebond intervient.
Cette notion est plus complexe à manipuler que celle de bluff technologique, car elle fait conjointement appel à des connaissances en écologie, en psychologie et en économie. En gros, l’idée de l’effet rebond, c’est qu’en remplaçant une technologie nuisante par une autre moins polluante, cela décomplexe les comportements et qu’au final on finit par accroître notre usage global des technologies, ce qui implique une compensation dans un jeu à somme nulle.
L’illustration la plus courante concerne les économies d’énergie. Lorsqu’on diffuse des technologies moins gourmandes en énergie, on peut supposer que cela va alléger les consommations au niveau global. Chaque foyer pourvu d’engins moins gourmands en électricité va consommer moins, et arithimétiquement on va moins consommer collectivement. Mais dans les faits, on observe que la part d’énergie que les machines moins gourmandes ont permis d’économiser est dépensée ailleurs (soit que l’argent économisé est dépensé dans l’achat d’une machine supplémentaire venant agrémenter le foyer, soit qu’on laisse les machines allumées alors qu’on ne s’en sert pas, etc.). Il y a un rebond : l’énergie économisée d’un côté est finalement dépensée d’une autre manière.
6 décembre 2013 à 14h49 #4771on peut innover dans les engrais et les pesticides, de manière à en produire qui n’impactent pas ou peu l’environnement. L’innovation nous permet de ne pas modifier notre pratique, tout en annulant la nuisance. Mais c’est là que l’effet rebond intervient. En gros, en remplaçant une technologie nuisible par une autre moins polluante, cela décomplexe les comportements et, au final, on finit par accroître notre usage global des technologies, il y a un rebond : l’énergie économisée d’un côté est finalement dépensée d’une autre manière.
La différence entre « le bluff technologique » et « l’effet rebond » est bien mise en évidence dans tes exemples, Philippe, merci.
J’ignore cependant s’il faut attribuer aux abeilles une éthique intrinsèque, si oui, pourquoi alors ne pas en attribuer une aussi aux moustiques ?
L’éthique ne semble avoir de valeur qu’en fonction d’interactions, voire de conséquences qu’impliquent à différents degrés la vie humaine. Par exemple, les grands prédateurs sont « attachants », et la disparition des tigres toucherait à notre sentiment esthétique. Faut-il pour autant leur accorder un éthique intrinsèque, sachant en particulier que l’habitat des grands prédateurs vient concurrencer le plus souvent l’habitat humain ?« L’effet rebond » semble décrire un processus inéluctable d’aggravation, nous y sommes déjà : l’aspiration de chacun à l’amélioration de sa vie (et on ne peut reprocher cette aspiration aux deux tiers des pays émergeant et émergés de la planète) se combine à une compétition exaspérée des marchés, laquelle se répercute sur les populations.
L’anthropocène peut-il être ce moment où « l’humanité » prend conscience de son destin partagé ?
6 décembre 2013 à 18h22 #4772Dans le titre, j’aurai envie de demander précisions quant au terme « avenir ». L’avenir de qui/quoi? De l’espèce humaine? De la biosphère/Gaïa?
Pardonnez-moi de revenir sur cet exemple d’abeilles mais je trouve qu’il est parlant. Tous les hommes semble s’accorder pour dire que les abeilles sont « utiles ». En faisant partie de la biosphère (tout comme les moustiques), elles ont « droit » à la vie et sans doute un rôle à jouer dans la partition de la grande symphonie qu’est la vie sur Terre.
[En y repensant, j’ai quand même de la peine avec les mots que j’ai mis entre guillemets et encore plus quand on parle de « valeur » même si on l’entend comme « qualité » ou « importance ». Il me semble que c’est faire preuve d’un certain anthropocentrisme.]On s’accordera sur le fait que l’homme cause beaucoup de tort à l’environnement et cela impacte fortement la biosphère. On peut aussi se dire que sélection naturelle en marche, les espèces les plus fragiles (dont l’homme) disparaitront pour laisser place à des espèces plus adaptées (des insectes?). En regardant l’histoire de la vie, on remarque que nos amis les dinosaures ont eux aussi causés beaucoup de tort à l’environnement de l’époque et je doute fort que certains d’entre-eux prennaient en compte cet état de fait. Pourtant, après leur disparition des formes de vie ont pu prendre leur essor. Tout ça pour dire que la vie est toujours plus forte, elle trouvera sa voie avec ou sans le hommes.
Le débat devrait donc s’orienter sur l’avenir de l’espèce humaine…6 décembre 2013 à 19h06 #4773René :
Par souci de cohérence éthique, il est possible d’octroyer une valeur intrinsèque aux moustiques si on en octroie une aux abeilles par ailleurs. Le tout est de ne pas confondre la valeur qu’on octroie à l’espèce et celle qu’on octroie aux individus. Considérer que le moustique a une valeur intrinsèque en tant qu’espèce ne nous empêche pas d’en détruire quelques uns lorsqu’ils nous nuisent (principe de légitime défense, en quelque sorte). Le tout étant que cette interaction létale au niveau des individus soit justifiée et ne conduise pas à faire disparaître l’espèce entière. En outre, les moustiques ne sont pas – à ma connaissance – en voie de disparition par notre faute…
Ceci dit, il semble effectivement difficile d’accorder une valeur intrinsèque à des organismes dont nous sommes les proies. C’est une belle mise à l’épreuve des principes !
Ensuite, tu affirmes que l’éthique ne peut faire autrement qu’être anthropocentrée. C’est précisément contre cette affirmation que la notion de valeur intrinsèque se pose. On peut constater d’une part une tendance forte de l’être humain, à savoir tout évaluer en fonction de ses intérêts vitaux et pratiques, sans pour autant affirmer que cette tendance est indépassable. Effectivement, il est difficile de justifier une obligation morale quand on n’y trouve individuellement et collectivement aucun bénéfice matériel. Mais on peut y trouver une attitude philosophiquement signifiante (on peut trouver ça beau, signifiant, inspirant, touchant, etc.). Et on peut éduquer les enfants pour qu’ils y soient sensibles. C’est une chose de constater la force de la norme, et une autre de s’y résigner. Idem pour les pays en voie de développement. A mon avis, c’est une erreur de considérer qu’ils auraient un droit irréprochable à tous adopter l’american way of life. Je pense qu’il convient de raisonner de manière globale, en fonction des besoins et aspirations réels de chacun (en sortant de ce mythe d’un développement inéluctable) et s’arranger pour que les biens soutenables soient distribués de manière équitable. Je suis personnellement prêt à m’engager dans cette voie et réduire ma consommation pour faire advenir cela. Je t’accorde qu’il est peu probable que ça arrive, à cause du manque d’éducation et de fraternité au niveau international, mais je préfère me projeter dans un avenir de ce type qu’envisager tout de suite le pire.
6 décembre 2013 à 19h26 #4774Fabien :
Supposons un instant que tu sois sérieux en comparant l’homme et « le » dinosaure.
1) Le dinosaure n’a pas été à l’origine d’une extinction massive des espèces vivantes de son temps. L’homme oui.
2) Tandis que l’homme est un prédateur omnivore qui « nuit » à une grande quantité d’espèces vivantes du simple fait qu’il se nourrit à grande échelle de végétaux et d’animaux. Certains dinosaures étaient herbivores et mangeaient des végétaux, d’autre dinosaures étaient carnivores et mangeaient soit d’autres dinosaures, soit des poissons ou des mammifères. Ainsi la pression exercée sur l’environnement de part et d’autre n’est pas comparable. Les mécanismes de régulation étaient plus prégnants du temps des dinosaures.
3) N’ayant jamais inventé l’agriculture et l’élevage, du temps des dinosaures il y avait encore une régulation autonome des écosystèmes. Lorsque la nourriture des dinosaures venait à manquer parce qu’ils avaient exercé une prédation trop intense du fait de leur croissance, certains mourraient de faim ce qui permettait aux ressources de se reconstituer, etc. De nos jours, les espèces sauvages sont en voie de disparition, ce qui ne nous empêche pas de continuer à croître en nous nourrissant d’aliments issus de l’élevage et de l’agriculture.
4) Les dinosaures ont disparu semble-t-il à cause d’une astéroïde ayant heurté la terre, ce qui a épaissi l’atmosphère et fait mourir la plupart des végétaux. Si l’homme disparaît au terme d’un processus dont il est l’origine (changement climatique suffisamment important pour éradiquer toute vie humaine sur Terre, par ex.), on peut se demander si l’impact sur la vie en général ne sera pas encore plus grand que la chute d’une astéroïde, qui demeure un événement assez ponctuel finalement (l’atmosphère s’assombrit quelques années, tout au plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Dinosaure#Extinction).
5) Ne crois-tu pas qu’on puisse attendre de l’homme un peu plus de jugeote que nos ancêtres ? Enfin, comme disait Socrate, tout ce que je sais, c’est que je ne saurien…
7 décembre 2013 à 21h18 #4776Ah ah ah, excellente réponse Philipe! 😆
Je n’ai rien a redire sur tous tes points.
En fait, mon propos était de dire par l’absurde que nous devrions aborder le sujet sous l’angle de l’avenir de l’espèce humaine et non de la « vie » car il y aura toujours des formes de vie sur Terre tant que notre planète continuera de tourner. On pourrait à la limite creuser le sujet en proposant de discuter de l’homme cybernétique, de la colonisation de nouvelles planète ou de l’avenir de l’homme « in silicio » mais c’est de la science-fiction et ça partirait dans tous les sens.
Un précision cependant quant à dernier point, je doute de la « jugeote » de l’espèce humaine. Soyons honnêtes, nous sommes plus réactifs que proactifs. Beaucoup de gens pensent: « après moi le déluge ».
Je suis cependant contre les personnes qui s’opposent constamment au développement des nouvelles technologies sous prétexte du sacro-saint principe de précaution. Quitte à aller dans le mur, autant essayer de changer la trajectoire, même si c’est pour tomber dans le ravin.8 décembre 2013 à 22h40 #4777Oui, il s’agit bien de l’avenir des êtres humains qui se pose derrière la question de l’anthropocène, un questionnement en pure abstraction de l’avenir d’une planète dépeuplée d’humanité n’aurait d’intérêt que pour des biologistes ultra passionnés, et finalement, déconnectés 😉
Il me semble que le problème de l’éthique intrinsèque à accorder aux espèces reste posé.
L’idée d’éduquer à la beauté, aussi précieuse me semble-t-elle, est finalement motivée par une « attitude philosophique », c’est-à-dire, une attitude à travailler sur soi, à ne pas tout réduire à ses intérêts, à s’éveiller devant l’inconnu, etc. Autrement dit, en raison d’une pédagogie tout à fait louable (éduquer à la beauté), les espèces sont alors à considérer comme un matériau à préserver.En resituant l’homme au centre (aussi anthropocentrique soit-il 🙂
Ces questions pourraient faire débat, faut-il préserver :
– les espèces qui sont menacées de disparition ?
– celles qui sont douées de sensibilités ?
– celles qui nous sont utiles (comme les abeilles) ?
– celles qui répondent à des critères esthétiques ?
– celles, précisément, qui sont inutiles et nuisibles (pour nous rappeler notre
vulnérabilité) ?
– toutes les espèces, ou une grande partie d’entre elles en réponse au principe de précaution ?
– toutes les espèces, ou une grande partie d’entre elles afin de sauvegarder des espaces aussi vierges que possible de l’emprunte humaine ?En somme, quelques soient les raisons invoquées, la perspective anthropocentrique est déplacée, éventuellement éloignée, mais ne peut pas être éliminée. En dernières instances, en regard à la pression des pays émergeant (et en dépit des quelques uns convaincus par la décroissance), « l’humanité » n’échappera pas au devoir d’évaluer. La question étant alors d’aligner les bons critères, de prendre en compte la bonne hiérarchie des valeurs : faut-il préserver la beauté, l’honnêteté, les rapports de coopération, faut-il stimuler les rivalités, la croissance, radicaliser les rapports de force, favoriser la liberté, le consentement, l’éducation, le cynisme, une méritocratie contre une autre, etc. ?)
9 décembre 2013 à 5h30 #4778Quitte à prende le risque d’être un peu hors sujet, si je prends comme point de repère la correspondance macrocosme-microcosme, n’est-on pas là aussi, dans la question de la relation sujet-objet; à savoir, est- ce que je traite la nature, mon environnement comme un objet, que j’asservis, que je contrôle, que j’utilise à mes propres fins sans contrepartie ou bien comme un sujet ?
Ce mode de faire est très récent dans notre histoire, il me semble. Les Indiens, par exemple, avant d’être chassés de leurs terres par les Blancs avaient une vision de la nature très différente de la nôtre.
Sans devoir revenir à un monde sans électricité, (ou du moins tant que cela est possible) et, ou vénérer la mère Terre chaque fois que l’on tue une poule ou que l’on arrache une plante, on pourrait néanmoins s’interroger sur notre manière de cohabiter avec notre environnement.
On sait très bien que notre société d’accumulation court à sa perte et l’on persiste, refusant de voir ce qui se pointe à l’horizon. Même les catastrophes climatiques actuelles ne nous font pas réagir.
Et même si cela doit prendre quelques générations, n’est ce pas avant tout par l’éducation que l’on pourrait amener un vrai changement, pour autant que cela ne soit pas trop tard.
On est en principe majoritairement d’accord sur les valeurs liées au respect de l’autre dans nos relations. Pourquoi cette dichotomie dans notre relation aux espèces animales par exemple ?
On fait comme si on avait encore le choix entre la croissance et la décroissance. Alors, qu’elle (la décroissance) me semble inévitable, c’est juste une question de temps. Ou alors, et ce serait vraiment regrettable, on s’adaptera lorsque l’on n’aura plus le choix, quitte à perdre en route une grande partie des espèces végétales, animales et humaines. On peut bien parler de sélection naturelle mais c’est un choix plutôt mortifère à mon goût alors que l’on est ultra informés et que l’on a de ce fait la possibilité d’agir.14 décembre 2013 à 2h52 #4782Restitution du débat : L’avenir est-il dans l’anthropocène ?
Pour les pressés, consultez les remarques en bas du messageRappel des questions de départ :
– Il y a des problèmes de définition (qu’est-ce que l’anthropocène ?)
– Il y a des questions techniques (avons-nous les moyens scientifiques et techniques de nous en sortir ?)
– Il y a des problèmes humano-idéologiques (ne rien faire ou refuser la question demande de répondre à cette autre question : qui et quelles populations doivent s’en sortir ?
– et il y a une somme de problèmes philosophiques :
– Peut-on croire au progrès en dépit des conséquences sur les populations ?
– Les problèmes sont mondiaux et les solutions locales, « l’idéologie de la décroissance » ne peut-elle être qu’anti-démocratique ?
– Les questions de la morale ou du sens de la vie se posent-elles de façon individuelle ou de façon collective (qu’est-ce qu’une éthique individuelle si elle ne s’inscrit que dans un « quant-à-soi » ?
– Peut-on faire de la science sans être « idéologue » ou bien « philosophe » ?
– De quoi sont responsables les décideurs (financiers, industriels, politiques) d’une part et, d’autre part, les intellectuels, les artistes et les citoyens ?)Restitution du débat (résumé des interventions) :
– S’intéresser aux vivants sans y inclure les êtres humains me semble intéressant.
– La question est à comprendre dans ce sens : l’humanité peut-elle survivre à l’anthropocène, c’est-à-dire à elle-même ?
– Est-ce un concept scientifique ou politique ? En effet, la définition est formulée à partir des nuisances causées à l’être humain.
– C’est une question « scientifique » avec des implications politiques immédiates.
– Aujourd’hui, seul 1% des espèces disparait, alors que les grandes extinctions du passé en ont entrainé plus de 90%.
– C’est le rythme de disparition des espèces qui n’a jamais été aussi élevé dans tous les événements précédents, et non son taux de 1%.
– L’homme est amené à disparaitre quoi qu’il en soit.
– De penser la vie sans être humain écarte les enjeux le concernant, et donc met fin au débat.
– Pourquoi arrêter l’évolution à l’être humain tel qu’il est, il évoluera encore, peut-être en autre chose.– Nous allons évoluer en étant couplés à des machines/ordinateurs. Ces derniers sont capables de meilleures performances que l’être humain. Par effet de feedback, ils nous transforment.
– Ce que je mets au centre de tout, c’est la pensée mais pas l’être humain, ce dernier n’est qu’un support.
– Isaac Asimov donne le relais à des robots mais l’être humain reste au centre de l’évolution
– L’environnement ne peut plus absorber les déchets que nous générons en raison de la surpopulation, si nous n’étions qu’un seul milliard, tout irait bien.
– Cette proposition correspond au prologue écrit par Claude Levis Strauss en 1954, il y avait environ 2 milliards d’individus à cette époque, et il considérait la surpopulation comme étant l’un des plus graves fléaux à affronter.
– Il est politiquement incorrect de dire que la pollution est liée à la surpopulation.
– On peut s’entendre sur une analyse qui justifierait la décroissance démographique mais pas sur la décision politique qui la mettrait en œuvre, aucun Etat ne la planifierait.– On n’a jamais vu un pays décroître sur le plan démographique tout en conservant un PNB positif. Un pays avec moins de populations s’appauvrit également sur le plan économique, c’est pour cette raison que les pays occidentaux font appel à des immigrants.
– Si le problème est vu sous l’angle de la surpopulation, cela pose la question : qui sélectionne ceux qui doivent vivre ?
– Les pays émergés et émergents aspirent au même niveau de vie que nous.
– Ce que nous décrivons sont des conséquences, le problème provient de notre modèle de société basé sur le profit, le rendement et l’enrichissement sans fin. A partir de là, il n’y a pas de partage, ni même sur le plan des nuisances et déchets qui incombent aux dominés.
– On peut penser que des gens se sacrifient, comme les banquiers lors de la crise de 29 (rire de l’audience).
– Je crois que les films de zombies qui, aujourd’hui enregistrent les plus hautes recettes du box office, sont un signe de nos sociétés qui refusent la mort, ce fut le thème de « Les intermittences de la mort » de José Saramago, prix Nobel de littérature.– Le réchauffement climatique cause déjà des migrations, elles seront massives pour tous les pays côtiers.
– L’être humain a trompé la nature au lieu de laisser faire une régulation normale.
– Les fourmis sont plus nombreuses que nous mais elles ne détruisent pas la planète.
– L’homme est une maladie, un virus qui se propage (agent Smith de Matrix). L’homme est une aberration de la nature qui s’est doté des moyens de survivre en domestiquant la nature à son seul profit. Pourquoi la nature a-t-elle créé l’homme ? Pour se suicider elle-même.(rire)
– On ne sort pas de l’anthropocentrisme, les virus, précisément, utilisent l’homme pour coloniser la planète.
– Les visions « téléologiques » de la nature n’ont plus cours aujourd’hui (la vie avec un but, un objectif prédéfini dès l’origine). La nature ne nous attend pas pour générer des extinctions massives. C’est un mythe que de penser que la nature s’auto-régule. A chacune des grandes ères sont associées des espèces dominantes qui ont généré leurs propres déséquilibres entrainant l’effondrement de la phase d’équilibre précédente.
– La nouveauté aujourd’hui vient du fait que nous sommes la première espèce à « penser » les réponses que nous renvoie la nature.
– Les pays à la démographie la plus galopante (Afrique) ne sont pas les pays les plus polluants. Le problème est heideggérien, nous ne savons pas où nous allons avec des techniques de plus en plus aboutis.
– La mémétique considère que, au-delà des gènes, ce sont les éléments de culture et les idées qui se transmettent. A nouveau, nous n’avons de « valeurs » qu’en raison de ce que nous véhiculons.– L’espèce humaine n’est pas intelligente en ce sens où elle est la seule à faire ce qu’elle sait ne pas devoir faire.
– Pas d’accord, selon Descartes, la véritable preuve de la liberté humaine est la capacité de l’homme à produire du mal volontairement. L’animal, par comparaison est, lui, déterminé. De fait, il ne commet pas de mal.
– La solution consiste à éliminer l’être humain.
– Sauf que c’est une élimination du problème, ce n’est pas une réponse ou une résolution du problème.
– On peut résister à notre société de consommation et nous orienter vers la décroissance.
– Je note que la Chine a remis en cause sa politique de l’enfant unique, précisément pour assurer le renouvellement des générations et inverser sa pyramide des âges.
– Les hypothèses de décroissance ne tiennent pas debout à large échelle (au niveau de la planète, elles ne peuvent « faire politique ».
– Il y a un intérêt à nommer cet ère « l’anthropocène », d’une part parce qu’on l’objective dans les sédiments et la chimie de notre environnement, d’autre part, en la nommant, on crée une culture commune du « danger » ou du contexte dans lequel on vit. De fait, nous sommes interconnectés. Sans nommer cette ère, on laisse les pratiques du sauve-qui-peut et du chacun pour soi faire « société ».– L’homme ne crée rien, il faut laisser décanter la nature et l’espèce humaine disparaître.
– Si on veut aller dans ce sens, du point de vue de la vie ou de Sirius, rien n’a d’importance, mais du point de vue de nos manières de vivre, il y a quand même un problème, non ?
– Le premier hôte de la terre, c’est la bactérie, nous sommes donc le problème à traiter.
– Nous n’arrivons pas à penser les défis d’aujourd’hui, nous ne pouvons penser l’inconnu.
– Lorsque les femmes apprennent à lire, elles font moins d’enfants. Ce ne sont pas les programmes de planification des naissances, aussi violents soient-il, qui ont été efficaces, mais l’élévation du niveau d’éducation. L’éducation renforce l’autonomie de la pensée. Mais pourquoi les gens, dans les pays occidentaux font moins d’enfants ? Personne ne le sait vraiment. Est-ce en raison de l’avenir qui est incertain ou est-ce qu’en étant mieux éduqué, on donne plus de valeur à l’enfant et on en veut moins ? Il y a une perception du monde dans lequel on vit qui invite à des positionnements qui dépassent notre seul désir en tant que personne. On cale notre désir avec ce que l’on perçoit du monde. Ce sont des processus qui nous conduisent à nous autoréguler.
-La nature semble vouloir se sauvegarder, notamment par les femmes et leurs sacrifices.
– On peut s’arracher à la nature précisément.– L’histoire de l’être humain et des civilisations est un arrachement continuel à la biologie et aux déterminismes de la nature (la maladie, la faim, la rivalité avec les autres espèces, etc.). Le simple de fait d’être parvenu à instaurer des « lois » comme groupe humain ou comme civilisation implique cet effort de se référer à autre chose qu’à la simple impulsion d’aller comme ça va ou de se conduire comme des « animaux ».
– On a envie que la pensée progresse, mais de se projeter sans enfant arrête la pensée, on stoppe l’idée de transmission.
– Je corrige la question : «qui doit s’en sortir » en « qui peut s’en sortir » ?
– Les plus riches vont s’en sortir.
– Je propose qu’on sauve que ceux qui s’expriment dans ce débat.
– Le carbone a été capturé dans les couches de la terre dans le passé, ce sera pareil dans quelques millions années, donc je ne vois rien de grave.
– Ce qui est grave c’est qu’on fait crever des milliers d’êtres humains en considérant que rien n’est grave.
– Il y a des marres de plastics dans l’océan, lesquels créent de nouveaux écosystèmes (de nouveaux espoirs ?)
– On évacue la responsabilité des personnes.– On ne peut dire si la pollution est négative dans l’absolue, en effet, elle peut se révéler à terme, positive.
– L’enthropocène me fait penser à la théorie de René Girard sur la violence et le sacré. Les populations, entraînées dans une compétition radicale, manquent de s’autodétruire, s’accablent elles-mêmes, et créent un nouveau dieu. Mais à la différence qu’aujourd’hui, nous sommes des êtres rationnels en ce sens où nous n’inventerons pas un nouveau dieu.
– C’est lors d’âges interglaciaires que les changements les plus propices pour la vie semblent se produire, l’expansion de l’humanité s’est produite lors de température supérieure de celles d’aujourd’hui. Le pire n’est pas certain et nos errements prospectifs sont dus à nos limites.
– Le Giec, c’est 800 scientifiques qui font consensus.
– Quand on se situe que du point de vue scientifique, on dissout la morale, c’est un problème.
– Et par ailleurs, on ne peut pas construire une morale en ne regardant que le présent, la morale se définit en fonction de conséquences qui, en fait, nous dépassent et concernent les générations futures. Cependant, si l’on se projette dans un futur trop lointain, on ne se sent plus concerné.
– C’est la première ère qui peut potentiellement disparaitre mais qui peut aussi « penser », comparativement aux dinosaures. Sur le plan moral et celui de la liberté, on peut choisir d’être agissant plutôt que subissant. Je pense aussi au roman de Barjavel (La nuit des temps) dans lequel les hommes délèguent à des machine les décisions les plus importantes, notamment qui doit survivre ? (Quel est le couple le mieux à même de reconstruire l’humanité ?)
– Il y a un refus de responsabilité alors que l’on pourrait utiliser notre capacité à penser.
– Quand on pense aux morales des tribus ou civilisations passées, leurs représentations du monde les discréditent d’entrée (les morales chrétiennes et religieuses). Les morales n’ont pas la capacité à envisager le futur. Du point de vue de la science, on s’abstient de toute morale car on reconnait notre incapacité à en construire qui soit durable, qui puisse voir loin. S’abstenir du point de vue de la science est réaliste et sage.– Si on s’abstient d’une science qui fait de la morale, devons-nous néanmoins nous abstenir de morale et d’éthique sur le plan de nos organisations sociales ?
– Si la conscience du danger était réelle et à moyen terme, peut-être que les choses pourraient changer.
– Il n’y a rien de choquant au fait que des civilisations disparaissent, c’est arrivé dans le passé, cela se passera encore.
– Les espèces adoptent des stratégies biologiques, les hommes doivent adopter des stratégies intellectuelles.
– On devrait introduire le typhus et le choléra en même temps que les loups.
– Notre incapacité à fonder un savoir scientifique «indiscutable » justifie un laisser-aller, une pratique par les usages, lesquels font normes et valent les sacrifices humains qu’ils engendrent. C’est un pari, l’audace se paie au prix d’une humanité dont on n’évalue pas le coût.
– Je crois qu’il y a un problème à penser le monde comme étant le seul produit de notre « conscience » (réduit à notre seule création/production humaine).
– J’ai le sentiment qu’il nous est demandé de repenser les sources de la beauté, de l’esthétique et de l’éthique. Où prenons-nous les sources du vivre, de la joie, du beau, si nous ne sommes pas guidés par cela, alors qu’est-ce qui nous guide ?Remarques : il y a eu un certain nombre d’interventions qui « évacuent » l’homme du problème : il faut éliminer l’humanité.
Ces interventions éliminent la question sans lui apporter de réponse, si elles se répètent trop, elles nuisent à la réflexion et au débat en général. Elles indiquent probablement la difficulté à s’approprier un problème encore trop immense ou trop neuf.Les interventions qui questionnent la validité scientifique des constats sont par contre à prendre avec sérieux : peut-on interpréter l’évolution climatique de la planète comme étant négative ? Ceux qui pensent que l’humanité et le climat sont indépendants évacuent le fait que des êtres humains sont déjà victimes de migrations climatiques.
En sommes, se pose la question de savoir comment vivre sur une planète dont les ressources diminuent, avec une démographie qui reste croissante, tout en maitrisant nos rejets dans l’atmosphère et notre impact sur l’environnement ?
Tandis que, par ailleurs, les pays émergeant, émergés et occidentaux se livrent une bataille acharnée pour augmenter leur PNB et leurs parts de marché. En fait, tout indique que nous allons vers une aggravation de la situation.
Nos modèles de société devront changer au prix d’un coût humain dont « on » refuse, a priori et pour l’instant, de « penser le prix ».Je retiendrais trois interventions :
– C’est la première ère qui peut potentiellement disparaitre mais qui peut aussi « penser », comparativement aux dinosaures.
– Quand on se situe que du point de vue scientifique, on dissout la morale, c’est un problème.
– Où prenons-nous les sources du vivre, de la joie, du beau, de l’éthique ? Si nous ne sommes pas guidés par cela, alors qu’est-ce qui nous guide ?Et vous, quelles sont les trois ou quatre interventions que vous retiendriez ?
Cafphilodu09.12.2013Lenthropocnelesschmas.pdf14 décembre 2013 à 16h05 #4783Pour l’essai, 2 schémas (cartes) de relecture des interventions :Une sériation des pensées (un exemple pour l’illustration)
Une carte mentale des problématisations :
14 décembre 2013 à 20h04 #4784Quel boulot de dingue René ! Merci!
Pour répondre à ta question, ce n’est pas tant les interventions que je retiendrai mais surtout de voir à quel point cela part dans tous les sens et nous jouons tous avec les mots :blink:. Il est aussi amusant d’attribuer telle ou telle intervention à tel ou tel individu.
Je retiendrai cependant le paradoxe:
1) L’homme est manifestement la première espèce qui peut « penser » / projeter sa disparition.
2) Or, en projetant la disparition de l’homme, « penser » le concept de vie pour des organismes incapable de le faire ne fait pas sens. « Penser », est-ce une « in/action » triste? (désolé pour la formulation un peu bancale sensé faire référence à Spinoza).
3) Si notre avenir n’est pas « rose », qu’est-ce qui nous fait avancer? Qu’est-ce qui nous guide?
(Voilà donc une bonne transition pour le sujet de lundi prochain!)19 février 2015 à 3h34 #5191Pour nos contemporains, l’idée d’“anthropocène” est récente (Paul Crutzen forgea le terme en 2000, mais on trouve des équivalents dans l’ “Ecoumène” (Christian Grataloup), l’anthropozoïque (Stoppani, 1873), la noosphère (de Chardin, 1922, Vernadsky, 1936), l’érémozoïque (Wilson, 1992) ou l’anthrocène (Revkin, 1992).
La conception familière en Occident d’une histoire vue comme segment orienté entre un zéro – dans un passé inimaginable – et une fin – dans un avenir impensable – renvoie au stade final d’une évolution qui découle du rôle central pris par l’humanité dans le destin géologique et écologique, c’est-à-dire aujourd’hui culturel, de la Planète. Ce sprint final consacrerait une suite de destructions entamée par nos ancêtres chasseurs-cueilleurs qui balançaient leurs déchets dans la « nature », jusqu’à la modification actuelle du climat.
D’autres imaginent au contraire la prise de conscience tardive de ce que signifie cette évolution. Serait-elle l’infirmation partielle de la thèse de Nicolas Copernic au 16e siècle, qui privait la Terre de sa position privilégiée au centre de l’Univers et renvoyait les hommes à sa périphérie?
La scission arbitraire entre nature et culture comme concepts autonomes dans les sciences classiques sous nos cieux invite-t-elle à recentrer notre vision des choses, à reconstruire un paradigme plus cohérent, par l’exclusion des conceptions monodisciplinaires et le recours à la méthode transdisciplinaire, pour circonscrire des systèmes complexes et appliquer des stratégies holistiques?
La crise des sciences humaines et sociales qui résulte de cette bifurcation appelle sans doute à une forme de réconciliation entre celles-ci et les sciences naturelles, dans la recherche de modèles complexes et globaux des savoirs. La perdurance des facteurs culturels enracinés dans les structures familiales, idéologiques ou religieuses relativise l’universalité des conceptions du genre humain et la gestion collective du globe. Les impératifs du développement économique et la maîtrise de l’évolution du climat s’entrechoquent, la poursuite de la croissance et l’accroissement des inégalités tout autant, les conflits interculturels nourris des imaginaires obscurcissent l’idée d’une politie mondiale.
Se dirige-t-on dès lors vers l’effondrement ultime de la civilisation comme conséquence de l’ “ecocide” en cours? Aurons-nous le temps de concevoir, sinon d’engendrer, aucune “hominisation”, au delà de la civilisation, à l’heure où les identités s’affrontent dans un combat mortel qui nous renvoie aux duels des mythologies anciennes?
Voir texte joint de David Held sur un sujet connexe, à paraître dans « Cosmopolis », 2015/1.
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