Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › De l’inégalité indépassable à l’impossible équité ? Sujet proposé par Luc pour lundi 28.09.2015
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23 septembre 2015 à 17h23 #5296De l’inégalité indépassable à l’équité impossible ?
Sujet présenté par Luc. Merci Luc B)
Les économistes sont nombreux à parler des inégalités : Daniel Cohen, Thomas Piketty, Joseph Stiglitz, David Graeber, Marcus Miller. Ils font souvent référence au déclin de la classe moyenne. Ce symbole d’une sorte de fin des inégalités (ou du moins de leur atténuation) n’aurait même, si on en croit Jacques Attali, bientôt plus aucun rôle à l’horizon de l’histoire (sauf à « renaître » lors de l’hypothétique retour d’une « hyper-démocratie »). Mercredi dernier, c’est F Lordon, autre économiste, qui parlait sur France culture de son dernier livre, qui traite de l’Etat (« Imperium », éditions « les lien qui libèrent »).
Cette question des inégalités (et de la place des économistes dans la philosophie sociale et les médias) n’est pas nouvelle. Déjà en 1974, un autre économiste : Richard Easterlin a travaillé sur le sentiment de bien-être. Sa théorie a été souvent résumée à ce paradoxe qui porte son nom : le paradoxe d’Easterlin.Explication
Ce paradoxe établit qu’une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique reste sans influence sur l’évolution du bien être de sa population. Il ajoute que l’évolution de ce bonheur est en réalité à mettre en corrélation relative, avec celle de la richesse des membres les plus fortunés de la société. En clair, ce sont ces derniers qui sont les plus heureux mais uniquement, parce que l’augmentation de l’inégalité leur permet de progresser économiquement plus vite que le reste de la population.En résumé :
. Quand la survie n’est plus une préoccupation, quand la liberté et la sécurité sont acquises, la croissance économique n’a plus d’effet direct sur le bien-être de la population. Ce qui permet de comprendre pourquoi les Uruguayens par exemple, se disent plus heureux que les Luxembourgeois, alors que ces derniers sont 5 fois plus riches qu’eux.
. Notons que cela paraît être contredit par le fait qu’à l’échelle mondiale, il semble que l’argent fasse le bonheur. Ces mêmes Luxembourgeois sont plus riches, et ils se disent plus heureux que les Jordaniens, qui sont plus riches, et se disent plus heureux que les Burkinabés. (source : Sacks, Betsey, Stevenson et Wolfers). Selon Easterlin, plusieurs causes expliquent cet état de fait :
. Les gens s’habituent à la hausse de leur niveau de vie et en retirent de moins en moins de bonheur : c’est ce qu’on appelle l’adaptation hédonistique. On parle aussi de « pressoir de l’adaptation ».
. Les individus ont tendance à se comparer à leurs voisins et à être « jaloux » : l’argent ne les rend heureux qu’à condition d’en avoir plus que le voisin.L’affaire Volkswagen dont on a parlé récemment, est un bon exemple. En truquant les performances écologiques de ses voitures, sur fond de course à la consommation (sans jeu de mots) et à la croissance, cette entreprise vient de voir ses cours chuter de 25 % (plusieurs milliards d’euros de pertes pressenties). Le problème, c’est que certains économistes estiment que la décroissance n’est pas la solution. Selon Claudia Senik (« l’économie du bonheur, au Seuil) la satisfaction pourrait être plus faible, avec des inégalités accrues et si les normes de consommation perdurent. Le problème Volkswagen est-il l’illustration de ce que les inégalités engendrent ? La fuite en avant peut s’avérer quasi mortelle.
D’où ces questions :
. De quelle liberté pouvons-nous nous prévaloir, dans les grands cycles économiques ?
. De quoi la richesse nationale qui s’accroîtrait, serait-elle le garant, en fin de compte ?
. Faut-il préférer « cultiver son jardin » ? (Position que D Graeber (la dette : 5000 ans d’histoire, édition « les liens qui libèrent ») juge hypocrite. Voltaire ne se préoccupant selon lui, nullement de l’origine de son argent (pourtant lié au trafic d’esclaves) et préoccupé uniquement de sa liberté et de sa tranquillité intellectuelles).
. Et pour finir : les ressources de notre petite planète pourraient-elles soutenir l’effort que demande la « mise à niveau » égalitaire pour tous ? La question des flux migratoires en est un rappel. Cette harmonie ne sera-t-elle pas détruite, aussitôt qu’elle se fera ?
Ressources proposées
– Voir ici les interventions de Daniel Cohen (talentueux économiste) sur France-Culture, par exemple : Faut-il s’habituer à vivre sans croissance ?
– Voir ici les interventions de Thomas Piketty sur France Culture (best seller mondial).
– Voir ici les interventions de Frédéric Lordon (sociologue et économiste engagé) sur France Culture.Ressources liées à l’inégalité
– D’où vient l’inégalité ? Dans le Gai Savoir par Raphael Enthoven
– Jusqu’où peut-on supporter l’inégalité ? Dans « Du grain à moudre » (France Culture)
– Les inégalités de revenu en débat. Dans L’économie en question (France Culture)Ressources liées au bonheur et à l’économie
– Conférence audio à la Sorbonne de Claudia Senik :« De l’économie du bonheur » (sur la page qui s’ouvre cliquez sur « Accéder à l’enregistrement audio intégral », puis placez le curseur audio sur 15 mn après le début pour écouter le début de la conférence)
– La grande table 2ème partie (France-Culture) : La croissance est-elle la condition du bonheur ?
– L’économie en question (France-Culture) : L’économie du bonheur, bilan 2012 -
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