Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Peut-on exister sans imiter (ou prendre pour modèle) personne ? (René Girard) sujet proposé pour le lundi 16.11.2015

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #5311
    René
    Maître des clés
      Peut-on exister sans imiter (ou prendre pour modèle) personne ?

      A l’origine de nos désirs, il y a un élan (une pulsion désirante), mais cette pulsion désirante ne se fixe sur un objet (une voiture, des vêtements, une maison, une profession, une quête religieuse, un désir amoureux… ) que parce qu’une autre « personne » désire également ce même objet. René Girard (anthropologue) nomme cette personne, « le médiateur », il est celui par qui l’objet de notre désir est révélé. C’est le principe du « désir mimétique », nous ne désirons une chose que parce qu’un « médiateur », à qui nous nous identifions (à la place de qui nous nous imaginons être), la désire.
      Lors de notre prochain débat, explorons cette idée pour voir où elle nous conduit.

      Fondamentalement, le postulat de René Girard peut nous inviter à nous poser la question : peut-on exister sans imiter personne ?
      Cette imitation est-elle à l’origine des violences, de toutes les violences (sociales, religieuses, militaires, économiques…) ? C’est également l’une des autres thèses de René Girard.

      René Girard, académicien introduit par Michel Serre, est mort le 4 novembre 2015.

      Ressources
      Un site de référence sur les thèses de René Girard
      Le désir mimétique par Simone Manon sur Philolog
      La lecture de Girard selon Maria Stella Barberi (Philosophe-politique, traductrice de René Girard), pour faire le lien avec les violences de notre société.
      De nombreux liens sur France Culture ici.
      René Girard par Enthoven (A voix nue) sur France Culture encore.
      Regardez les premières minutes de cette vidéo. On y voit le désir mimétique d’enfants dans une crèche, et les agressions qui en découlent :-).

      Citations
      – « La tendance mimétique fait du désir la copie d’un autre désir et débouche nécessairement sur la rivalité. » (La Violence et le Sacré, René Girard,1990)
      – « Pour qu’un groupe humain perçoive sa propre violence collective comme sacrée, il faut qu’il l’exerce unanimement contre une victime dont l’innocence n’apparaît plus, du fait même de cette unanimité. » (La Route antique des hommes pervers, René GirarD, 1985)
      – « La tendance à effacer le sacré, à l’éliminer entièrement, prépare le retour subreptice du sacré, sous une forme non pas transcendante mais immanente, sous la forme de la violence et du savoir de la violence. » (La Violence et le Sacré, René Girard,1990)
      –  » L’heure vient même où qui vous tuera estimera rendre un culte à Dieu. » (Le bouc émissaire, René Girard,1982)

      #5312
      René
      Maître des clés

        Que se passe-t-il quand la distance (culturelle, géographique ou spirituelle) entre l’imitateur et le modèle devient négligeable ? Réponse : ils risquent de désirer les mêmes objets.

        Les objets susceptibles d’être « désirés ensemble » sont de deux sortes. Il y a d’abord ceux qui se laissent partager. Imiter le désir qu’inspirent ces objets suscite de la sympathie entre ceux qui partagent le même désir : nous sommes en régime de médiation externe. Il y a aussi les objets qui ne se laissent pas partager, objets auxquels on est trop attaché pour les abandonner à un imitateur : nous sommes en régime de médiation interne. La convergence de deux désirs sur un objet non partageable fait que le modèle et son imitateur ne peuvent plus partager le même désir sans devenir l’un pour l’autre un obstacle dont l’interférence, loin de mettre fin à l’imitation, la redouble et la rend réciproque. C’est ce que René Girard appelle la « rivalité mimétique », étrange processus de « feedback positif » qui sécrète tous les excès de la jalousie, de l’envie et de la haine.

        René Girard appelle « médiation double » la relation où le médiateur devient à son tour un sujet de désir en devinant le regard que le sujet désirant jette sur lui. Ce regard jaloux ravive (ou éveille) le désir que le médiateur a pour l’objet convoité par son admirateur. C’est alors le sujet qui devient médiateur et le médiateur qui devient sujet. Cette relation oppose farouchement deux rivaux qui ne veulent pas reconnaître qu’ils s’imitent l’un l’autre, et qui cherchent alors tous les deux à prouver l’antériorité de leur « propre » désir. Mais ces rivaux amoureux, qui font les délices de la littérature, peuvent devenir des jumeaux de la violence ; leur rivalité ridicule peut se régler dans le sang (crime ou suicide). Nous quittons alors la littérature pour entrer dans le cauchemar de la « guerre de tous contre tous » (Hobbes).

        Autres citations :
        «L’amour, comme la violence, abolit les différences.»
        (Des choses cachées depuis la fondation du monde)

        «Chaque fois qu’elle [la violence] surgit en un point quelconque d’une communauté, elle tend à s’étendre et
        à gagner l’ensemble du corps social.»
        (La Violence et le Sacré)

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