Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › La philosophie est-elle une thérapie ou une recherche de la vérité ?, sujet du lundi 29.02.2016 + Résumé des interventions de trois participants
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24 février 2016 à 16h06 #5334La philosophie est-elle une thérapie ou une recherche de la vérité ?
La question m’est suggérée par l’article d’une interview que m’a transmis un ami, it’s in English, en voici une traduction librement adaptée :
« On a pu observer dernièrement un regain d’intérêt pour la philosophie stoïcienne, et en particulier, pour ses aspects thérapeutiques. Je suis sceptique à ce sujet, à mon avis, la philosophie est véritablement une activité d’enquête, elle s’efforce avant tout de comprendre ce qui est. Il n’y a donc aucune garantie pour que la découverte de la façon d’être des choses, nous soit bénéfique sur un plan psychologique : il se pourrait même que les choses empirent. Comme Friedrich Nietzsche l’a souligné,
Il est fort probable que l’être humain ne puisse affronter les vérités les plus profondes qui l’attendent, sans risquer de rendre son existence insupportable. Qu’en pensez-vous ? »
(Lien vers l’interview ici)Reprenons à notre compte la question de cet article, et voyons si vérité et thérapie font bon ménage : la philosophie, sert-elle à penser ou à panser ? B)
Citations
– « La vérité est une sorte d’erreur, faute de laquelle une certaine espèce d’êtres vivants ne pourraient vivre »
(Nietzsche, La volonté de puissance, 1888).
– « La vérité n’est pas une fille qui saute au cou de qui ne la désire pas. »
Arthur Schopenhauer.
– « Nous regardons d’abord le monde à travers une vitre sale, sale de nos préjugés, de nos illusions, de nos mensonges, de nos passions. «Nous voyons alors ce que nous pensons au lieu de penser ce que nous voyons.» […]À force d’attention, de rigueur, nous pouvons laver un peu la vitre, mais ce nettoyage se limite à la face intérieure; la face extérieure ne peut être nettoyée que par les douloureux détachements auxquels les grandes expériences de notre vie nous invitent. «Pauvres fronts humains baignés de sueur.»
Henri Bergson (reformulé par l’Agora) L’original se trouve ici, (Le rire).
– « J’ai 22 ans ; je suis en possession d’un diplôme universitaire, j’ai une grosse voiture, je suis entièrement indépendant financièrement, et en ce qui concerne ma vie sexuelle ou mon statut social, j’ai plus d’opportunités que je n’en peux saisir. La seule question que je me pose, c’est : « quel est le sens de tout ceci ? »
Témoignage d’un étudiant américain.Des ressources (merci à Nadège de les avoir cherchées pour nous :ohmy:
– La philosophie comme thérapie, Nkolay Omelchenko. Revue Cairn
– La philosophie comme thérapie. Résumé d’une conférence de Jean-Louis Ciami
– Philosophie et histoire de la médecine mentale (Plan d’un cours de Pierre Henri Castel, université de Genève)
– Des tanières & des terriers, les refuges de la psyché (Gregorio Kohon). Revue de presse scoop de Didier Molinié.
– Philosophie et méditation par Fabrice Midal (philosophe) Un article dans l’Hebdo
– Vivre en philosophant, exercices spirituels et thérapies de l’âme. Jean Greisch, Une revue de presse
– La philosophie comme thérapie de l’âme (André-Jean Voelke), un compte-rendu sur Persee
– Une définition de la philosophie (Encyclopédie de l’Agora)
– Les enjeux de la notion de vérité. Maphilo24 mars 2016 à 21h08 #5341Compte-rendu du débat
Ambiance
– Environ 25 personnes étaient présentes.
– La mise en chauffe (l’accroche des problèmes) ne s’est pas faite si facilement. Pourtant, on sentait que se dégageaient des idées intéressantes. Il fallait en fait dépasser le piège que nous tendait la question en nous imposant dans sa formulation un choix : la philosophie, thérapie ou recherche de vérité ?
Merci à Myriam, Nadège et Frédéric de s’être prêtés au jeu de résumer leurs interventions se rapportant au débat de ce soir. Cela peut constituer une autre manière de rédiger nos comptes-rendus.Myriam :
La philosophie est bien antérieure à la thérapie psychologique, et donc elle ne peut être réduite qu’à être une thérapie.
En revanche, les thérapies récentes se sont construites avec ce qui existait déjà, dont la philosophie.Des philosophies de l’être humain sous-tendent nécessairement les visées thérapeutiques, les connaître s’avère capital pour savoir au nom de quelle éthique on va être soigné.
En revanche, à la place de thérapie, on peut parler de mieux être.
ex: pyramide de maslow
L’homme cherche à aller mieux, à répondre a ses besoins, une fois que l’homme a comblé ses besoins primordiaux (physiologique, appartenance..etc), reste l’accomplissement de soi, d’ou la recherche de réponses à ses angoisses existentielles via la philosophieLa philosophie vue comme un outil de recherche de vérité.
Dans ce cas, la manière dont est utilisé l’outil dépend de l’homme qui le manie. Comme un couteau peut être utilisé pour se nourrir ou pour se blesser…
L’homme apprend la douceur et la violence dés son plus jeune âge, ce qui conditionne ensuite sa capacité à être doux avec lui même, à se faire du bien, ou au contraire à se faire violence.Une thérapie est en quelque sorte un apprentissage à la douceur, (un apprentissage o ! combien difficile)
Quelqu’un de violent utilisera donc la philosophie pour ce faire du mal. ex: je suis néant, donc je ne suis rien, donc ca ne sert a rien que je m’investisse dans ma vie…
Quelqu’un capable de douceur avec lui même utilisera la philosophie pour se faire du bien. Ex: nous sommes tous néant, je peux donc prendre du recul face a mes problèmes quotidien puisque rien n’est si grave. Que de pression en moins, ma vie ne sert uniquement qu’à moi, à mon plaisir et aux buts que je lui donne….Certains philosophes sont-ils sombres, ce qui les porte à produire une philosophie sombre ? Ou est-ce leur philosophie qui les a rendu sombres ?
Que se serait-il passé si Nietzsche avait eu un thérapeute ?
Une invitation à lire le très bon livre de Irvin Yalom : Et Nietzsche a pleuré,Venise, 1882. La belle et impétueuse Lou Salomé aborde le Dr Breuer, ancêtre de la psychanalyse et mentor du jeune Sigmund Freud. Elle vient solliciter son aide pour son ami, Friedrich Nietzsche. Encore inconnu du grand public, le philosophe traverse une crise profonde due à ses relations orageuses avec Lou Salomé et à l’échec de leur ménage à trois avec Paul Rée. Un pacte secret, orchestré par Lou Salomé, se noue entre le Dr Breuer et Nietzsche sous le regard du jeune Sigmund Freud.
Tout est là pour une magistrale partie d’échecs entre un patient extraordinaire et son talentueux médecin. Mais qui est le maître ? Qui est l’élève ? Qui soigne qui ? Et c’est à une nouvelle naissance de la psychanalyse, intense, drôle et machiavélique, que nous convie Irvin Yalom.Nadège :
Contrairement à ce qu’on imagine en général, les débuts de la philosophie visaient « la thérapie de l’âme » et selon ceux qui depuis les années 90 se penchent sur la question, l’objectif premier de la philo a été détourné.Cette dé-spiritualition de la philosophie, s’est faite progressivement dès le christianisme en passant par Descartes jusqu’à certains universitaires d’aujourd’hui.
Le philosophe renonce à revendiquer la figure de la sagesse pour devenir un intellectuel ne s’intéressant qu’à la discussion théorique.Selon Hadot « les directeurs de conscience ont mis les philosophes au chômage spirituel »
La philo s’est retrouvée limitée à une activité théorique et abstraite car la réalisation des buts de la vie devait passer par les formes de la vie chrétienne.
Pour la religion chrétienne, la finalité de la vie humaine ne peut être atteinte par la raison seule et la nature, mais par l’intervention de grâce divine.Pour Foucault, c’est à partir Descartes qu’il suffit d’être un sujet capable de voir ce qui est évident pour accéder à la vérité .
La philosophie interroge les conditions et les limites de l’accès du sujet à la vérité, mais elle aurait perdu « l’objectif premier de la philo: se transformer pour vivre mieux » .Frédéric :
L’angoisse qu’exprime un grand nombre de questions existentielles, comme par exemple « Pourquoi vais-je mourir ? » ne peut être abordée qu’à travers la philosophie. En ceci la pratique de la philosophie est une thérapie, que son issue rapproche cependant de soins palliatifs agréables.
Définir la philosophie comme une quête de vérité me paraît par ailleurs condamné d’avance: Une réflexion approfondie sur le sujet montrant que toute vérité est locale et temporaire, au sein de systèmes globalement incohérents.
Que reste-t-il : le plaisir de construire des réseaux de liens minimisant leurs contraintes, ce qui de toute évidence est notre activité fondamentale.
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