Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Les vertus de l’égoïsme ? Présenté par Patrick, à partir de la Fable des abeilles. Sujet prévu lundi 25.04.2016

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    René
    Maître des clés
      Les vertus de l’égoïsme ?

      Patrick introduira son sujet sur les vertus de l’égoïsme, en attendant, il nous invite à découvrir ou à relire la « fable des abeilles » de Bernard Mandeville, 1670 – 1733.
      Vous en trouverez une version abrégée ci-dessous, + un lien vers une version intégrale.

      Une fois n’est pas coutume, je vous laisse en premier lieu avec les ressources que ce sujet m’a suggérés.

      Ressources :

      Une brève mise en contexte de la fable de Mandeville sur le site « divergences »
      Une analyse approfondie de la fable des abeilles par Hervé Mauroy (Université de Valenciennes) sur RESS.
      Faut-il condamner l’amour de soi ? Par Simone Manon sur philolog
      Individualisme et égoïsme (Tocqueville) par Simone Manon sur son philolog
      A quoi servent les riches ? La Grande table de Caroline Broué sur France Culture.
      La philosophie de l’entreprise. Les Nouveaux chemins de la connaissance. France Culture.
      Adam Smith, penseur des sentiments moraux, les Nouveaux chemins de la connaissance. France Culture.
      L’économie entre la science et l’idéologie (Adam Smith). Brice Couturier. France Culture.
      Où est la faim dans le monde d’aujourd’hui ? Bruno Parmentier dans Planète terre sur France Culture.

      Ci-dessous, une version abrégée de : La fable des abeilles

      >> La version intégrale est en ligne (cliquer ici)

      Une vaste ruche bien fournie d’abeilles,
      Qui vivait dans le confort et le luxe,
      Était aux yeux de tous la mère la plus féconde
      Des sciences et de l’industrie.

      Jamais abeilles ne furent mieux gouvernées,
      Elles n’étaient pas asservies à la tyrannie
      Ni conduites par la versatile démocratie,
      Mais par des rois, qui ne pouvaient mal faire, car
      Leur pouvoir était limité par des lois.

      On se pressait en foule dans la ruche féconde,
      Mais ces foules faisaient sa prospérité.
      Des millions en effet s’appliquaient à subvenir
      Mutuellement à leurs convoitises et à leurs vanités,
      Tandis que d’autres millions étaient occupés
      À détruire leur ouvrage.

      Les fécondes approvisionnaient la moitié de l’univers,
      Mais avaient plus de travail qu’elles n’avaient d’ouvriers.
      Quelques-unes avec de grands fonds et très peu de peines,
      Trouvaient facilement des affaires fort profitables,
      Et d’autres étaient condamnées à la faux et à la bêche,
      Et à tous ces métiers pénibles et laborieux,

      Tandis que certains s’adonnaient à des carrières
      D’autres n’ont pas d’autres fonds que de l’effronterie,
      Comme aigrefin, pique-assiète, proxénète, joueur,
      Voleur à la tire, faux-monnayeur, charlatan, devin,
      Et tous ceux qui, ennemis du simple travail, se débrouillent
      Pour détourner à leur profit le labeur
      De leur prochain, brave homme sans défiance.
      On appelait ceux-là des coquins,
      Mais les gens graves et industrieux étaient tout pareils;
      Dans tous les métiers et toutes les conditions il y avait de la fourberie,
      Nul état n’était dénué d’imposture.

      C’est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice
      Le tout était cependant un paradis.
      Cajolées dans la paix, et craintes dans la guerre,
      Les plus grandes canailles de toute la multitude
      Ont contribué au bien commun.

      La fable des abeilles : nous voulons de l’honnêteté

      « Grands dieux! Si seulement nous avions de l’honnêteté! »
      Jupiter transporté d’indignation,
      Finit par jurer dans sa colère « Qu’il débarrasserait cette ruche braillarde de la malhonnêteté. »
      C’est ce qu’il fit. À l’instant même celle-ci disparaît
      Et l’honnêteté emplit leur coeur.
      Là elle leur montre, tel l’arbre de la connaissance,
      Des crimes qu’ils ont honte d’apercevoir,
      Et que désormais en silence ils avouent
      En rougissant de leur laideur,
      Comme des enfants qui voudraient bien cacher leurs fautes,
      Mais qui par la couleur de leurs joues découvrent leurs pensées,
      S’imaginant, quand on les regarde, qu’on voit tout ce qu’ils ont fait.

      La fable des abeilles: le déclin
      Mais, ô dieux! Quelle consternation,
      Quel immense et soudain changement!
      En une demi-heure, dans toute la nation,
      Le prix de la viande baissa d’un sou par livre.
      L’hypocrisie a jeté le masque

      Regardez maintenant cette ruche glorieuse, et voyez
      Comment l’honnêteté et le commerce s’accordent.
      La splendeur en a disparu, elle dépérit à toute allure,
      Et prend un tout autre visage.
      Car ce n’est pas seulement qu’ils sont partis,
      Ceux qui chaque année dépensaient de vastes sommes,
      Mais les multitudes qui vivaient d’eux
      Ont été jour après jour forcées d’en faire autant.

      À mesure que l’orgueil et le luxe décroissent,
      Graduellement ils quittent aussi les mers.
      Ce ne sont plus les négociants, mais les compagnies
      Qui suppriment des manufactures entières.
      Les arts et le savoir-faire sont négligés.
      Le contentement, ruine de l’industrie,
      Les remplit d’admiration pour l’abondance de biens tout simples
      Sans en chercher ou en désirer davantage.

      Il reste si peu de monde dans la vaste ruche,
      Qu’ils ne peuvent en défendre la centième partie
      Contre les assauts de leurs nombreux ennemis.
      Ils leur résistent vaillamment,
      Ils triomphèrent non sans pertes,
      Car des milliers d’insectes avaient été tués.
      Endurcis par les fatigues et les épreuves,
      Le confort même leur parut un vice,
      Ce qui fit tant de bien à leur sobriété
      Que, pour éviter les excès,
      Ils se jetèrent dans le creux d’un arbre,
      Pourvus de ces biens: le contentement et l’honnêteté.

      Morale
      Seuls les fous veulent, Rendre honnête une grande ruche.
      Jouir des commodités du monde,
      Etre illustres à la guerre, mais vivre dans le confort
      Il faut qu’existent la malhonnêteté, le luxe et l’orgueil,
      Si nous voulons en retirer le fruit.

      La faim est une affreuse incommodité, assurément,
      Mais y-a-t-il sans elle digestion ou bonne santé?
      Est-ce que le vin ne nous est pas donné
      Par la vilaine vigne, sèche et tordue?

      Ainsi on constate que le vice est bénéfique,
      Quand il est émondé et restreint par la justice;
      Oui, si un peuple veut être grand,
      Le vice est aussi nécessaire à l’État,
      Que la faim l’est pour le faire manger.

      La vertu seule ne peut faire vivre les nations
      Dans la magnificence; ceux qui veulent revoir
      Un âge d’or, doivent être aussi disposés
      À se nourrir de glands, qu’à vivre honnêtes.

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