Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Deviens ce que tu es (Nietzsche), Sujet pour lundi 07.11.2016 + compte-rendu + schéma

3 sujets de 1 à 3 (sur un total de 3)
  • Auteur
    Messages
  • #5392
    René
    Maître des clés
      Deviens ce que tu es

      L’invitation à « devenir ce que l’on est » suppose que nous ne sommes pas ce que l’on est. Alors que sommes-nous ? Une apparence, un visage social supposé plaire à son employeur, à sa famille, à ses amis, à sa petite amie ? Ou pire encore, se limite-t-on à n’être essentiellement qu’un écran plat sur Facebook ?
      L’invitation peut supposer également que nous sommes autre chose que ce que l’on est, mais quoi ? Un potentiel, oui mais de quel type ?

      Par ailleurs, pouvons-nous devenir autre chose que ce que nous sommes ? Autrement dit, en s’efforçant à être ce que l’on est, devenons-nous ce que nous avons toujours été ? Ce qui signifie en fait que nous cacherions à nous-même, et probablement aux autres, ce que nous sommes. Cette idée d’une réalité de soi cachée implique par ailleurs que ce que nous sommes existe déjà préalablement, et indépendamment de nous-même. Ce serait comme une sorte de programme, de disque dur pré-implanté dans le cerveau de notre enfance, ou peut-être dans notre vie intra-utérine, voire encore dans notre génétique.

      Devenir ce que l’on est suppose-t-il de devenir le programme que nous portons déjà en nous-mêmes ?

      Et pour vous, que signifie : deviens ce que tu es ? Que faites-vous pour devenir ce que vous êtes ? Existe-t-il d’ailleurs quelque chose qui empêche, contrecarre le devenir soi-même ? Essayons de clarifier ce que signifie cette invitation à devenir nous-même, et voyons où elle nous conduit.

      Ressources.
      Deviens ce que tu es. Dorian Astor invité des Nouveaux Chemins de la Connaissance.
      Philosophie : que cache la formule « Deviens ce que tu es » ? Une interview du philosophe Dorian Astor dans les Inrocks.
      Deviens ce que tu es. Une analyse d’un blogueur philosophe sur Paroles de traverses.
      Deviens qui tu es. Un tour d’horizon des philosophe de la fameuse formule. Paroles de traverses.
      Devenir soi, selon Hegel. Le slideplayer d’un étudiant.
      Peut-on souffrir des tragédies vécues par nos ancêtres ? Une conférence d’Isabelle Mansuy (neurogénéticienne) sur le rapport entre la génétique et la transmission des traumatismes psychologiques.

      Citations
      “La grandeur de l’homme, c’est qu’il est un pont et non une fin.” Nietzsche.

      “Partout où j’ai trouvé du vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître. Et la vie elle-même m’a confié ce secret : “Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même.” Nietzsche.

       On ne naît pas homme, on le devient » Erasme (1466 – 1536)

      « C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. » Louis-Ferdinand Céline (1894-1961)

      « Quiconque a le courage de paraître toujours ce qu’il est deviendra tôt ou tard ce qu’il doit être » J.J Rousseau (1712 -1778)

      « Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d’un autre (…) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Kant (1784)

      #5397
      René
      Maître des clés
        Compte-rendu
        Deviens ce que tu es

        Ambiance
        – Environ une trentaine de personnes était présente.
        – Quelques nouvelles personnes, dont certaines se sont exprimées
        – Les participants, en général, ont joué le jeu de la recherche, du questionnement partagé.

        Eléments du débat
        La contraction entre ce que tu es d’une part, et ce que tu deviens d’autre part est rapidement perçue et reconnue par tous, mais elle n’est pas formulée avec les mêmes concepts. Il semble que le débat piétinait un peu sur la définition des termes. Par exemple : l’homme est fait d’atomes (il est une physique) , et un autre participant de préciser : Démocrite en avait déjà eu l’intuition.
        Ø Or l’idée d’atome que forge Démocrite à son époque n’a rien à voir avec le concept de la physique moderne. Un même mot ne recouvre pas la même réalité selon les lieux et les époques. Dans notre cas, définir ce que l’on est comme une réalité de la physique, ou comme une idée philosophique ne renvoie donc pas à la même image de départ (au même « être » initial).

        Autres exemples, du point de vue de certains participants :
        Ø Nous sommes en grande partie façonnée par notre environnement. Mais pour d’autres participants, nous sommes surtout le résultat d’une contradiction, et pour d’autres encore, un principe énergétique qui transcende l’apparence des choses.
        ○ Chacune de ses idées de départ (l’être initial) demande à être précisée : L’environnement : est-ce les parents, l’école, la société, la nature ?
        ○ La contradiction : est-ce l’idée freudienne de l’inconscient, est-ce le concept du yin et du yang ?
        ○ L’énergie, est-ce selon une vision hindouiste, ou taoïste de la vie ?

        Le schéma ci-dessous résume dans les grandes lignes les idées partagées.
        > il y a ce que tu es
        > ce que tu fais (processus, moyens mis en oeuvre)
        > ce que tu deviens en termes de résultat

        Mais peut-être avons-nous négligé la question des valeurs ? Elles cadrent en effet les processus du devenir. Cela dit, une participante a précisé l’importance de l’expérience du sentiment d’unité que l’on peut vivre, et qui est une sorte de rendez-vous avec soi-même où s’annihilent les contradictions.

        Hypothèse : si on assume ce que l’on est, et si l’on n’est pas trop prisonnier de ses contradictions, il est possible que l’on puisse s’inscrire dans un « dépassement » de soi, un pont, comme disait Nietzsche.

        #5493
        Hélène
        Participant

          Bonjour René,

          Merci pour ce compte-rendu !

          Cette idée « deviens ce que tu es » présuppose que l’on porte potentiellement en soi la vérité de son être, une essence cachée, que l’on devrait atteindre, développer, une sorte d’entéléchie, donc, reposant sur un finalisme.

          On pourrait opposer à cela l’existentialisme, qui nie précisément cela : l’homme n’a pas d’essence, il est existence libre qui peut se tourner indifféremment vers telle ou telle fin.

          Je pense que l’existentialiste nierait chaque terme de cette formule : « deviens » (il n’y a pas d’impératif catégorique, pas de morale qui vaut mieux qu’une autre, l’homme choisit lui-même ses valeurs, sans justification), « ce que tu es » : il n’y a pas d’essence, l’homme n’est rien.

          Dans cette perspective, « deviens ce que tu es » est une sorte de formule pour fuir l’angoisse que ressent l’homme devant sa liberté (voir par exemple http://www.les-philosophes.fr/penseurs/letre-et-le-neant/Page-4.html) . Il s’invente une essence préétablie qu’il aurait à réaliser, et qui serait susceptible de le guider dans ses choix, lui donner une justification, une excuse.

          Il y a néanmoins un sens dans lequel cette formule est compatible avec l’existentialisme. Sartre remarque que l’homme finit par trouver son essence quand il meurt. Alors, la liberté n’est plus, le faisceau des possibilités a disparu, et l’on peut dire d’un homme : voilà ce qu’il a été, voici ce qu’il fut, on peut reconnaître son essence.
          Cette formule « deviens ce que tu es » exprime alors parfaitement cela puisqu’elle révèle que c’est dans un devenir que l’essence se réalise peu à peu, et que ce n’est qu’à la fin de celui-ci qu’elle est parfaitement constituée.

          Je ne sais pas si je suis claire, et si j’ai bien compris l’existentialisme 🙂

        3 sujets de 1 à 3 (sur un total de 3)
        • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.