Cafephilos Forums Les cafés philo Pensées critiques, anti-covid et anti conspirationnistes de la gestion du Covid. Barbara Steigler et Emmanuel Todd, Les enjeux idéologiques, politico-économiques Bibliothèque Idéale juin 2021

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    René
    Maître des clés
      Débat entre Barbara Steigler et Emmanuel Todd


      Quelle responsabilité politique dans la gestion de la crise du Covid ?

      La responsabilité politique est en première ligne dans la gestion du Covid, mais par quels aspects ? Sa bureaucratie, ses institutions, son incompétence, la gestion de son budget, l’organisation de la recherche, sa politique de santé publique, la formation de ses élites…etc ? Tout cela est probablement à prendre en compte. Mais, fondamentalement, le gouvernement Macron (à la suite de ceux qui précèdent) est guidé par une idéologie qui frise entre un post-néolibéralisme et le libertarianisme. Cliquer ici, les enjeux du débat se développent vers la mn 20 et 35, mais le début est bien également.

      Ma prise de notes :
      mn 7. Question n°1 : Selon vous (Stiegler et Todd), comment comprendre la gestion de la pandémie, qu’induit-elle ?
      – Barbaras Stiegler : je suis complètement désespéré sur l’issue de cette crise. La critique aujourd’hui est perçue comme déviante par l’ensemble des médias et par ceux qui nous gouvernent. Par ailleurs, le contraste entre une destruction qui s’accélère et le silence des gens est assourdissant, notamment la non-prise de parole de ceux qui ont accès à la parole publique (absence de contre-poids).

      – E. Todd (ironique) : De mon point de vue, la démocratie n’existait déjà plus (perte de souveraineté monétaire, d’autonomie législative). Le silence est effectivement hallucinant (mais on est en état de choc). Mais le taux d’abstention aux régionales est un bon signe d’insoumission ou d’indifférence à la comédie politique.

      mn 17 : Question n°2 : Les corps intermédiaires se sont vidés, a-t-on eu alors une sorte de face à face entre les citoyens et le gouvernement mettant en oeuvre une « biopolitique » (gestion des corps, de la santé, des âmes peut-être) ?
      – B. Stiegler : A-t-on d’un côté un Etat tout puissant et de l’autre des citoyens atomisés ?
      L’Etat est très impuissant face à ce virus (qui n’est pas si problématique), mais si on détruit l’hôpital public avec une politique d’austérité, une pandémie, c’est ingérable. Ils ont fabriqué les conditions de leur impuissance. L’Etat est en même temps toute puissance car il a réussi à nous enfermer d’un claquement de doigt et il a pulvérisé toute vie collective.
      Il s’agit d’un Etat autoritaire s’adressant à des « foyers » de type idéal : deux parents s’occupant de l’éducation de leur 2 enfants. Les autres typologies de foyer (monoparentaux, familles nombreuses, précaires, sans emploi ou travaillant sans cesse, etc.) sont des déviants. Ce modèle est un marqueur du néolibéralisme.
      Rapidement, le néolibéralisme fêtera bientôt son centenaire, on distingue deux modèles :
      1° le modèle libertarien et la phobie de l’Etat incarné par Reagan et Tacher (l’Etat ne gère que l’armée, les douanes, la police, les questions de sécurité). Typologie anglo-saxonne.
      2° Un modèle libéral mais de type centralisateur, autoritaire. Selon ce modèle, l’Etat gère tout (l’éducation, la santé, l’économie, la justice, la police etc..) sur un mode vertical. Il part du principe qu’il doit diriger les citoyens car ils sont immatures, incapables de prendre de bonnes décisions. Typologie européenne (France, Allemagne, Italie…)

      – E. Todd : Je suis d’accord avec cette analyse de B. Steigler, ce sont des libéralismes « culturels », mais celui anglosaxon est en train de se réformer, tandis que le modèle autoritaire français est un libéralisme pour « rire », sans instinct de liberté ni politique ni économique qui ne peut déboucher que sur du ridicule. Ceux qui nous gouvernement se croient libéraux, ils détricotent les lois, les institutions, la gestion des administrations publiques, la monnaie mais d’en haut, et en contraignant toutes les libertés. De fait, la caste des Hauts Fonctionnaires est formée à réduire la dépense des fonctionnements publics, mais par principe, sans cohérence idéologique avec le libéralisme, ils détruisent l’économie réelle, privée et le marché. Ils jouent au libéralisme en détruisant tout.
      Max Weber reconnaissait au régime parlementaire la capacité de contrôle de la bureaucratie, mais avec la crise, on a assisté à la disparition totale de l’assemblée et des partis. Le cauchemar de Max Weber s’est réalisé par la gestion toute puissante du pouvoir par la bureaucratie.

      mn 35 : L’enjeu du débat
      – B. Stiegler : Je suis en désaccord car le nouveau libéralisme s’inscrit dans une histoire : dans les années 30, avec la crise de 29, les libéraux comprennent que la loi du « laisser-faire le marché » ne fonctionne pas, il faut donc l’organiser. A partir de là, les libéraux passent la maîtrise de l’ouvrage aux Etats, la prise de conscience est « mondiale ». Main dans la main, les libéraux et les gouvernements transforment ainsi les règles du droit pour créer un espace de compétition et nous transformer nous, les citoyens, en agents – consommateurs – en compétition entre eux et avec le monde.
      Autrement dit, Adam Smith s’est trompé, il faut fabriquer des agents, par exemple dans les systèmes éducatifs, il faut gagner sa place, augmenter son rang (ce n’est pas l’émancipation, les Lumières, etc.). En santé, il faut innover, optimiser, mais non pas prendre soin, soigner. Un vaccin innovant a plus de chance de l’emporter qu’un traitement peu coûteux.
      Le second libéralisme (néolibéralisme) est devenu de plus en plus puissant à partir des années 80 et depuis, on nous a fait comprendre que le sens de l’histoire, c’est la globalisation. On légitime les inégalités et ce néolibéralisme est en conflit très fort avec le libertarianisme (le laisser-fairisme). Ce n’est donc pas un néolibéralisme pour rire, il est structuré et structurant, c’est un courant de penser (une idéologie par le fait). Ex. Les enseignants à l’université passent leur temps à classer les étudiants, c’est une vaste entreprise de sélection compétitive, un tri social
      mn 44 : Barbaras Stiegler explique comment elle est devenue une paria parmi les siens (les enseignants) et comment, finalement elle se corrompt vis à vis du système, vis-à-vis des siens, mais finalement, au profit de qui ou de quelle valeur ?

      mn 44.50 E. Todd (bon joueur) refuse d’être en désaccord avec B. Stiegler, et voit dans ces formes de libéralisme, le fruit de sa recherche anthropologique sur les systèmes familiaux. L’ordo-libéralisme est corrigé par la culture allemande (Hayek), il s’apprend, il est mis en place, tandis que pour les anglo-saxons, le libéralisme relève d’un comportement spontané. Il y a une contradiction structurelle profonde dans les comportements : la liberté ne s’institue pas d’en haut de façon autoritaire.

      mn 50. B. Steigler : Obama et/ou Hilary Clinton / Trump sont tous des néolibéraux, comme ceux qui gouvernent la France : les populations sont en retard, il faut pratiquer une ingénierie sociale, il faut les « nudger » (influencer par incitations masquées). Ce corpus idéologique est quasi généralisé, indépendamment des frontières.

      mn 55. E. Todd : Je partage votre point de vue… Néanmoins, ce qui a changé, ce sont les stratifications éducatives. Partout le niveau s’est élevé et on retrouve soit un système autoritaire qui veut « conditionner » (éduquer) la population d’en bas, soit un libéralisme « naturel » qui consiste à abandonner les gens à leur destin (aux USA, on laisse les gens sur le bord de la route sans chercher à les transformer). Mais le champ mondial, avec la Chine temporairement triomphante, peut faire évoluer les pratiques. Il importe de « sentir » ce qui vient, tandis que saisir les concepts communs (les formes de néolibéralisme commun à la modialisation), mais ce n’est pas ce qui va nous indiquer ce qui va se passer (les rapports de force qui vont se dessiner).

      Ma conclusion : le néolibéralisme est partout, même s’il s’exprime de manière un peu différente selon les pays, en fonction de la culture (tradition) de l’autorité qui les anime et selon les niveaux d’accès à l’éducation donnés aux populations. Dans les faits, entre les deux extrêmes qui suivent, on constate les Etats qui infantilisent leur population et qui veulent les « dresser » (les éduquer à marche forcer, les conditionner, c’est le néolibéralisme d’aujourd’hui) et de l’autre, les Etats qui pratiquent le « laisser-faire » (libertarianisme anglo-saxon) : ceux qui ne s’en sortent pas se débrouillent entre eux, personne ne s’en occupe, qu’ils fassent ce qu’ils veulent.
      La France, elle, est en train de sortir de l’histoire sur un mode autoritariste suiviste (subissant la mondialisation), un néolibéralisme pour rire, mais qui ne fait pas rire du tout.

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