Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › L’hypocrisie, vertu des relations sociales. Présenté par Karine pour lundi 26.07.2021
- Ce sujet contient 0 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 3 années et 9 mois.
-
AuteurMessages
-
21 juillet 2021 à 22h28 #6045Prochain sujet mis en débat (lundi 26) : L’hypocrisie : vertu des relations sociales ?
Merci Karine pour ta propositionDéfinition : du grec hupocrisis / hupocrinein – Interpréter, répondre, jouer un rôle dans une pièce. Déguisement de son vrai caractère par lequel on manifeste des vertus ou des sentiments qui ne nous appartiennent pas.
L’Hypocrite (l’acteur antique dans une pièce de théâtre) est dissimulé derrière un masque fixe représentant un personnage traditionnel (Dionysos, Prométhée, etc…)
————————–
Notre morale condamne l’hypocrisie, alors que la pratique sociale l’impose.
Voilà une belle hypocrisie, qui a le mérite de montrer l’essence de la comédie humaine. « Tu ne mentiras point », dit-on, et dans le même temps : « Tu mentiras pour ne pas vexer Untel, pour conserver l’estime de tes professeurs et de ton employeur, pour ne pas contrevenir aux normes, pour ne pas te voir exclu, banni de la société, par tes pairs et finir tout seul »
La situation serait invivable s’il n’existait des codes d’usage, que l’enfant a quelque peine à assimiler les premiers temps, mais il se rattrape vite !
Peut-on en conclure que l’hypocrisie est la vertu ordinaire de l’homme civilisé. Qui supporterait le ‘fâcheux’ qui se mêle de dire ce qu’il pense, ce qu’il désire, ce qu’il hait ? Donner comme précepte moral de dire toujours et partout la vérité, comme le fait Kant, c’est ruiner l’édifice social, créer la guerre perpétuelle – et rendre l’activité politique impossible.
Machiavel : le Prince dira le vrai et le faux selon les circonstances, selon le jeu de la « fortuna », suivra la morale et la transgressera selon les nécessités de l’efficacité politique. C’est qu’il a d’autres devoirs que le commun des mortels.
La véracité se voit de la sorte ramenée à la sphère du privé, entre amis éventuellement, dans les limites de la tolérance individuelle.
La véracité doit commencer de soi à soi : savoir et pouvoir se dire à soi ses propres motivations, désirs, inquiétudes, doutes et insuffisances. C’est ici que l’illusion, la tromperie, les faux-semblants, les mensonges sont si difficiles à débusquer. Alors ne parlons pas trop vite de véracité, de véridicité, d’authenticité et de franchise. Ce sont là qualités rares dans la vie intime et subjective, exceptionnelles dans la vie privée, impossibles dans la vie publique.
Chacun peut s’accorder sur les bienfaits, et même la nécessité de l’hypocrisie : art du vivre-ensemble, plaisir de raconter et d’embellir, refuge à l’abri duquel se reposer et possibilité de s’inventer. A part Rousseau (à qui de très bons critiques se sont déjà attaqués), peu pense qu’il faille, et qu’on puisse, tout montrer de soi ou tout dire à l’autre.
Mais la question se pose : y a-t-il une passion de la vérité, éternelle ou exacerbée aujourd’hui, qui est nécessairement l’ennemie du mensonge ?
Ou pourrait-on envisager d’aimer et la vérité et l’hypocrisie, de pratiquer à la fois l’une et l’autre ?
Mais comme l’hypocrisie est condamnable en droit parce qu’elle rend impossible la confiance entre les hommes qui est indispensable pour la vie morale et sociale des hommes comme John Stuart Mill le soutient dans L’utilitarisme du mensonge en général, elle ne peut qu’être utile qu’en dernier recours. Autrement dit, c’est comme moyen pour parer à un danger et non comme attitude dans la vie que l’hypocrisie n’est pas condamnable.Questions :
L’hypocrisie est-elle le fondement du « vivre ensemble » ?
L’hypocrisie a-t-elle un rôle social nécessaire ?
Ne serait-elle pas ‘moins pire’ que son opposé : la sincérité absolue ?
Peut-on faire l’éloge de l’hypocrisie sans attaquer la vérité ?
Qu’est-ce qui différencie l’hypocrisie du mensonge ?
Dans quel cadre, l’hypocrisie ne serait-elle pas condamnable ?
Peut-on « mi-dire » ? (Lacan)Citations :
« L’hypocrisie est un hommage que rend le vice à la vertu » (de La Rochefoucauld)
« Les mœurs sont l’hypocrisie des nations » (Balzac)
« L’hypocrisie est seulement un hommage à l’intérêt » (Eduard Douwes Dekker)
« L’Homme n’est donc que déguisement, mensonges, hypocrisie et en soi-même et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son cœur » (Blaise Pascal)
« Il est des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou trainer l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose » (Oscar Wilde)Des ressources
– Rousseau – l’homme est-il égoïste par nature ? Un cours de 7mn du Roseau Pensant.
– L’altruisme efficace Peter Singer et L’argument de la Bugatti. Vidéo de 11mn de M. Phi.
– Ce qui fait mal à l’âme. Michel Terestchenko, philosophe. Conférence de la société de philosophie Uriage). 40mn.
– Introduction à l’Altruisme Efficace. Vidéo de 4.37
– De l’égoïsme à la pitié. Les Chemins de la philosophie (Shopenhauer).
– Égoïsme ou altruisme ? Article de Michel Terestchenko. Cairn Info.
– L’égoïsme nietzschéen face à la morale des « premiers ». Article d’Antoine Colombani. Sens Public
– Individualisme et égoïsme. Tocqueville. Article de Simone Manon dans Philolog
– Aristote, de l’égoïsme. Extrait de texte + explication. Ethique à Nicomaque.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat :
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache non pas à affirmer son opinion, mais à expliquer la raison de sa pensée. En effet, c’est sur la base des argumentations, que l’on met en lien avec la question/le thème de départ, que l’on tente de faire progresser le débat, c’est-à-dire, d’en clarifier les enjeux.
– Si possible, on tente d’identifier les thèses, les problématiques sociales, éthiques, philosophiques qui sous-tendent son argumentation.
– On évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins. -
AuteurMessages
- Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.