Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Communiquer est-ce renoncer à la violence ? Eric Weil, introduit par Laura. Sujet pour lundi 09.08.2021
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5 août 2021 à 22h34 #6053Sujet : Communiquer est-ce renoncer à la violence ?
Merci Laura pour le sujet et ton introduction. Merci Laurence pour les questions et les définitions.La violence, dans la polyvalence de ces manifestations, exprime toujours un exercice inapproprié́ de la force. Qu’elle soit relative à un phénomène atmosphérique (la physique) ou aux échanges vitaux dans les organismes, lesquels se manifestent sur le plan physiques et psychologiques, la violence apporte des changements significatifs par rapport à la situation qui précède son exercice, ce sont des dommages, des processus chimiques, de la douleur physique ou de la souffrance psychique post-traumatique. Sur le plan historique, politique et sociétal, toute révolution a fait un usage inapproprié́ de la force en enfreignant des lois préexistantes. Selon Hannah Arendt la violence est constitutive du pouvoir. Dans le domaine des échanges, que ce soit parmi les animaux ou les humains, la violence peut-elle être partiellement limitée, voire évitée grâce à la communication ?
Autrement dit, pouvons-nous postuler que communiquer implique renoncer à la violence ?
Le texte qui suit a été rédigé par Eric Weil en 1974. Le philosophe français est persuadé que la pensée exprime par nature le refus de la violence et que parmi les humains, le dialogue présuppose une reconnaissance de l’autre et l’acceptation du risque d’une possible mise en discussion personnelle.« En vérité, le problème qui se pose à celui qui cherche la nature du dialogue n’est nul autre que celui de la violence et de la négation de celle-ci. Car que faut-il pour qu’il puisse y avoir dialogue? La logique ne permet qu’une chose, à savoir que le dialogue, une fois engagé, aboutisse, que l’on puisse dire lequel des interlocuteurs a raison, plus exactement lequel des deux a tort: car s’il est certain que celui qui se contredit a tort, il n’est nullement prouvé que celui qui l’a convaincu de ce seul crime contre la loi du discours ne soit pas également fautif (…). La logique, dans le dialogue, émonde le discours. Mais pourquoi l’homme accepte-t-il une situation dans laquelle il peut être confondu? Il l’accepte, parce que la seule autre issue est la violence, si l’on exclut, comme nous l’avons fait, le silence et l’abstention de toute communication avec les autres hommes: quand on n’est pas du même avis, il faut se mettre d’accord ou se battre jusqu’à ce que l’une des deux thèses disparaisse avec celui qui la défendue. Si l’on ne veut pas de cette seconde solution, il faut choisir la première, chaque fois que le dialogue porte sur des problèmes sérieux et qui ont de l’importance, ceux qui doivent mener à une modification de la vie ou en confirmer la forme traditionnelle contre les attaques des novateurs. Concrètement parlant, quand il n’est pas un jeu, le dialogue porte, en dernier ressort, toujours sur la façon selon laquelle on doit vivre. On? C’est-à-dire les hommes qui vivent déjà en communauté, qui possèdent déjà ces données qui sont nécessaires pour qu’il puisse y avoir dialogue. Ils sont en désaccord sur la façon de vivre, parce qu’ils sont en accord sur la nécessité d’une façon: il ne s’agit que de compléter et de préciser. Ils acceptent le dialogue, parce qu’ils ont déjà exclu la violence. ».
Éric Weil, Logique de la philosophie (voir extrait ici, dans blog péda. ac de Bordeau)Questions :
Autre au dialogue, existent-ils des autres moyens de communication qui permettent de renoncer à la violence ?Références possibles :
– L’analyse du texte d’Eric Weil par un professeur de philosophie (pdf)
– « E. Weil et nous » Une philosophie à l’épreuve de la réalité. Article Cairn de Francis Guibal
– Figures de la violence et de la modernité. La philosophie d’Eric Weil. Article de Gilbert Kirscher. Open Editions.
– Arthur Schopenhauer : L’art d’avoir toujours raison (l’audiobook ici, durée 56mn)
– Arthur Schopenhauer : L’art d’avoir toujours raison. Expliqué par le Précepteur.
– Platon, Gorgias. Leçon d’un Mooc
– Emmanuel Levinas, Difficile liberté. Colloque Akadem (aller à la mn 40)
– Hannah Arendt, qu’est-ce que la politique ? Jacques Meunier dans la Revue Le Débat. Durée 4mn
– La nature du pouvoir selon Hannah Arendt. Article de Bernard Quelquejeu. Cairn info
– Henry David Thoreau, La désobéissance civile. Les Chemins de la connaissance. France Culture.
– La désobéissance civile, une radicalité constructive. Site IreneesProlongement : Ce texte nous questionne sur la possibilité de limiter l’exercice de la violence sur le plan verbal dans un échange linguistique entre les hommes. Est-il possible aussi sur des autres niveaux de relation ? Et sur le plan politique ? Est-ce qu’il y a encore d’autres moyens de renoncer à la violence qui ne passent pas par le langage ? Les animaux peuvent-ils renoncer à la violence ?
Ci-dessous, des définitions et une analyse du sujet par Laurence
1) COMMUNIQUER
= sortir de soi, arrêter de se sentir seul, demander l’aide ou l’opinion d’autrui, s’ouvrir à l’opinion, de l’autre.
= faire des signes en direction d’autrui, approcher quelqu’un par des signes. = alerter, signaler.
2) LA VIOLENCE = la brutalité
= le rejet
= la destruction
3) RENONCER
= dire « non », refuser de faire comme avant.
= choisir de laisser tomber cette possibilité pour faire un autre choix. = définitif, sans retour en arrière.
= décision qui vient de la volonté éclairée.
4) Analyse logique :
= l’un équivaut à l’autre, suppose l’autre ou exclut l’autre :
• – Si j’ai A (communiquer), cela revient à /équivaut à B (renoncer à la violence) => si j’ai A (communiquer, j’exclus B (user de la violence)
• – Si j’ai A (communiquer), cela suppose B (renoncer à la violence) => selon la définition que je donne de A et de B, A rend possible l’existence de B.
= l’un définit l’autre entièrement
Définition Larousse de COMMUNIQUER Verbe transitif du latin communicare
1. = transmettre. Donner à quelqu’un un savoir, un don, faire qu’il ait ce savoir, ce don, cette qualité, etc.
2. = inoculer. Faire partager à quelqu’un un sentiment, un état, faire qu’il ait le même sentiment, qu’il soit dans le même état.
3. = confier, dire, révéler. Faire passer quelque chose à quelqu’un pour qu’il en prenne connaissance. Ex : Le service de la Préfecture nous a communiqué votre dossier.
4. / contraire de taire. Faire savoir quelque chose à quelqu’un, le lui révéler, lui en donner connaissance ; transmettre, divulguer : Communiquer des renseignements confidentiels à un concurrent.
5. Transmettre une maladie à quelqu’un, le contaminer.Définition CNRTL :
I] Sens Transitif
1. Faire partager quelque chose à quelqu’un (une observation, une impression personnelle, un savoir, un sentiment).
2. Se communiquer : « Un autre se communique à moi par des signes qui se croisent avec des signes de moi » (Marcel, Journal métaphysique,1918, p. 146).
« Il y a des personnalités qui ne savent pas se communiquer, qui tout à la fois se révèlent trop et pas assez » (G. Sand, Mélanges,1843, p. 357).
3. Le sujet désigne une chose, sans idée d’intention. Transmettre par contact plus ou moins direct avec ce, celui, celle qui bénéficie de la transmission.
II] Sens intransitif
1. Être ou entrer en relation plus ou moins directe avec quelqu’un. Ex : Le besoin, le désir, le refus de communiquer.
2. Quand deux ou plusieurs personnes communiquent entre elles ; communiquer ensemble. « Les autres députés communiquaient entre eux, riaient, se faisaient des signes » (A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 162).
Citations
« Admettre que la mort est cela [cessation réelle de la vie personnelle], c’est supposer que les conditions normales dans lesquelles une conscience peut communiquer avec d’autres consciences sont aussi celles qui lui permettent de communiquer avec elle-même » (Marcel, Journal métaphysique,1920, p. 234).Des présupposés à la question
Présupposé n°1 : A partir du moment où je décide de m’ouvrir à la communication, je renonce à la violence.
Suffit-il de communiquer pour ne pas être violent ?
La CNV (Communication Non Violente) définit par Marshall B. Rosenberg est : « Le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d’en faire autant »
Apprendre à communiquer (dans nos interactions et par le langage) c’est apprendre à faire connaitre et partager ce que je pense et ce que je ressens sans contraindre l’autre. Cela renvoie au fait que parfois, je souhaite communiquer mais je ne le fais pas de la bonne façon (communication violente). Cela explique pourquoi la communication n’est pas toujours non violente. Présupposé n°2 : La violence trouve son origine dans un manque de communication.
Que faut-il faire pour renoncer à la part de violence présente dans la communication ?
Pour supprimer la violence dans la communication il faudrait savoir écouter. L’écoute est un renoncement à l’action immédiate et une ouverture à ce qui se déroule dans le moment présent. Le dialogue permet de prendre du recul par rapport à la situation. Cela semble paradoxale si l’on comprend le fait de communiquer comme le fait de sortir de soi un signe à destination d’autrui. Présupposé n°3 : Communiquer n’est possible que si je sais m’écouter
La communication avec soi même est-elle un présupposé de la communication avec
autrui ?
Savoir s’écouter c’est comprendre dans nos émotions, celles qui nous poussent à user de la violence pour résoudre une situation de stress. Plus je sais m’écouter, plus j’arrive à écouter les autres et à comprendre quel est le vrai problème qui s’exprime en eux et dans une situation donnée. Mais la violence est-elle toujours un mal ?Renoncer à la violence suffit-il pour avancer ?
1) La violence permet de faire avancer certains problèmes que la communication ne peut résoudre. Faire bouger les lignes en utilisation la force permettrait de palier à des dialogues sans fin et sans conséquences.
2) J’use de la violence quand toutes les techniques de communication se sont avérées inefficaces.
3) Quand j’utilise la violence, je souhaite que l’issue me soit personnellement favorable. Quand j’utilise la communication (à l’exception de la manipulation) je laisse autrui décider avec moi du sort de la situation. Elle peut m’être favorable ou défavorable.
Ccl : que ce soit par la communication ou par la violence, l’homme est rivé sur la fin de son action. Ainsi, elle accepte la violence comme solution à la situation.
D’autres logiques qui condamnent l’usage de la violence viseraient à laisser tomber la volonté d’agir. Renoncer à vouloir résoudre la situation et laisser les choses se faire sans résistance c’est-à-dire sans tentative de changer l’état de fait ni l’ordre des choses. -
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