Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Pensées critiques, anti-covid et anti conspirationnistes de la gestion du Covid. › Où sont passés les philosophes durant la pandémie ? Question de Jean-Pierre Bianchi
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23 août 2021 à 12h27 #6066
Jean-Pierre Bianchi pose la question sur facebook :
En dehors de Barbara Steigler (voir ici son intervention au Festival littéraire, mars 2021), il semble en effet que peu de philosophes discutent ouvertement de la gestion de cette « syndémie » (virus ou autre pathogène associé à un ensemble de vulnérabilités : populations âgées, pathologies chroniques, hypertension, l’obésité, le diabète, cancer, etc. et qui tue ses derniers), et non à une pandémie. D’où le fait que nous vivons en Pandémie, un nouveau territoire biosanitaire, ainsi nommée par la philosophe. La grande majorité des autorités et des intellectuels s’inclinent sans un regard critique devant ce phénomène de masse. Pourquoi ?
Voici, un début de réponse personnelle
Elle s’appuie sur trois axes :
1° Le principe d’économie psychique et le rapport à soi, à sa préservation.
> Problématique de la connaissance de soi.
2° La complexité des savoirs et le rapport à leurs productions (qui produit du savoir et pour quoi ?)
> Problématique de l’épistémologie et de la capacité à s’orienter dans la pensée, dans la complexité des savoirs.
3° Le rapport à l’autorité et l’autonomie de penser
> Problématique du vivre ensemble, de son rapport aux autres et à la société (son organisation, son système politique, son économie)
> > Savoir s’émanciper de ses tutelles, apprendre à vivre en société et contribuer à son changement.1° L’économie psychique : elle relève d’un principe de préservation de son équilibre interne. On y a recours presque automatiquement quand le milieu est perturbé. Or, en situation d’incertitude, chacun se raccroche à ce qui lui permet de « tenir bon », à ce qu’il croit être « bon ».
En philosophie : problématiques de l’identité articulées à celles des valeurs, de l’éthique.Ce mobile, typiquemet instinctif, archaïque, se trouve renforcé par le fait que les médias donnent le ton (France Culture, Le Monde, Libération, Mediapart, etc…).
Autrefois, avant qu’ils ne soient phagocytés par la finance et le management de la production d’infos, ce quatrième pouvoir devait résulter d’une liberté et produire de la liberté (de penser, par comparaison des faits et de l’interprétation des faits) : rendre publics les faits, en vérifier l’exactitude, les différentes versions, produire des analyses différenciées, nuancées, avec différents degrés de spécialisation, de profondeur, de mises en scène des enjeux.
Aujourd’hui, les métiers du journalisme sont précarisés, tandis que le journaliste de présentation des journaux est adoubé et grassement rémunéré par les pouvoirs en place. Les enquêtes et les analyses (si elles ont lieu) ne se font plus que par écrans interposés. Le journalisme est ainsi déconnecté du terrain, de la réalité effective des choses, les uns ne font plus que reprendre ce que les autres ont dit ou rédigé. Je m’épargne dans ce paragraphe la critique bien connue de la presse à sensation et les chaînes d’infos continues, elles ne visent qu’à retenir captif l’attention des auditeurs, à les scandaliser. Ces médias ne sont que le relais de puissances économiques pour conforter les populations dans la non-pensée.2° L’incapacité réelle ou auto-infligée de juger de la complexité de la science, de la recherche en médecine, de la santé publique.
Bernard Stiegler (le papa de Barbara) le dénonçait déjà. La formation des intellectuels (des universitaires) s’apparente aujourd’hui à celle de techniciens : on suit des procédures. Autrement dit, on ne forme plus ou pas assez à la recherche des enjeux, à la compréhension des problèmes qui émergent à la suite des solutions envisagées, on ne forme pas assez à la transversalité des savoirs. Le monde ressemble ainsi à un agglomérat de groupes disciplinaires en compétition entre eux. L’infectiologue est en compétition avec l’immunologue, le psychologue avec le sociologue, l’épidémiologiste avec le démographe, alors que pour lire la réalité de notre monde, pour en interpréter la complexité, tous les savoirs ont leur importance et se complètent davantage qu’ils ne s’opposent.
Dans les faits, chaque discipline tend à s’hyperspécialiser au point de créer des sous-domaines tout aussi complexes les uns que les autres, tandis que les structures d’enseignement (les écoles, les universités) rivalisent entre elles pour s’attirer les meilleurs étudiants, faire du rendement. A terme, il importe surtout d’être le premier (école n°1, étudiant n°1), et non de mettre en contexte le savoir, de le concevoir comme un bien au service de l’intérêt général.
En philosophie, ce champ se rapporte à l’épistémologie, mais également à celui de toutes les sciences humaines en général.3° Le rapport à l’autorité et à l’autonomie de penser.
Lorsqu’on renonce à construire sa propre pensée (à penser par soi-même, voire contre soi-même – Gaston Bachelard), on ne peut s’en remettre qu’aux autorités ou plutôt, à ce qui fait autorité pour soi. Ce qui fait autorité pour soi se forge directement à partir de l’opinion de l’environnement dans lequel on vit. Mais, et nous revenons à notre point de départ, ce qui fait autorité pour soi peut être motivé par nos désirs inconscients. Ces derniers sont plus ou moins corrélés à nos intérêts immédiats, à l’influence des médias, à la pression économique et à la politique du gouvernement. La problématique générale consiste à préserver la cohérence de soi et à la mettre en rapport avec celle de son groupe d’appartenance. On reconnaitra ici la peur d’être ostracisé, mais aussi le principe du désir mimétique (René Girard), lequel prédéfinit les logiques et les affects de notre groupe d’appartenance.
En philosophie : voir les rapports à l’autorité (Hannah Arendt), mais aussi, John Dewey (le Public et ses problèmes), Hartmut Rosa. Voir également la philosophie politique, la justice (John Rawls, Amartya Sen) et le champ de l’anthropologie sociale, de la psychologie.Et il y aurait d’autres choses à dénoncer dans notre société. Mais elles ne sont que des leviers des trois logiques que nous venons d’évoquer :
1° principe d’économie psychique et rapport à soi,
2° complexité des savoirs et rapport à leurs productions,
3° rapport à l’autorité et à l’autonomie de penser.
Soulignons néanmoins l’impact des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazone, Microsoft), leur puissance est omniprésente, elle pénètre tous les domaines de notre vie (professionnel, économique, politique, éducationnel, social, privé, intime). Ces multinationales sont les modélisateurs du monde en train de se faire. Leurs stratégies et leurs capacités financières rivalisent avec celles des États, leurs dynamiques s’insinuent dans nos consciences, nos comportements, nos espaces de vie, elles s’emparent de notre temps par les ordinateurs, les objets connectés, elles pré-dessinent, programment et créent le monde d’individus épars dans lequel nous vivons. Les gouvernements du monde s’entendent avec les dirigeants des Gafam pour que chacun des deux (les uns surviennent les autres) se maintienne et renforce sa position de domination sur les populations. Rien n’arbitre les forces de coersition des gouvernement et les logiques égémoniques et purement économiques des Gafams. Rien, sinon des soulèvements sociaux étouffés dans l’oeuf et rapidement réprimés .
Autre exemple, l’organisation et le financement de la recherche médicale. On le voit dans la gestion de cette pandémie, la logique implantée par l’économie de la recherche conditionne les motivations et les résultats obtenus : seule la recherche prometteuse d’investissements, celle de grossir des intérêts financiers énormes, est encouragée. L’objectif recherché : augmenter sa capacité d’emprise sur les clients, doubler ses concurrents ou les racheter, tout comme les Gafams. De ce point de vue, la santé publique n’est plus un bien commun mais un lieu de profits maximalisés. Je ne vais pas prendre l’exemple des molécules qui sont passées dans le domaine publique (ivermectine, plaquenil, etc) et pour lesquelles aucun laboratoire n’investit dans la recherche clinique en vue de leur repositionnement. Prenons cet autre exemple, celui des bienfaits du jeûne. De façon évidente, aucune industrie de santé ne tirerait de bénéfice à lancer des recherches sur ses vertus. Cette pratique, pourtant reconnue médicalement et depuis l’antiquité, gagnerait à être plus largement enseignée, étudiée et mis en pratique pour le bien-être de tous.Revenons à la pandémie. Pourquoi la « vérité » des faits n’est pas questionnée, alors que tels que les médias en font la publicité, les faits rapportés sont contradictoires ? Par exemples, le nombre de décès varie d’un facteur 20 ou plus selon les pays comparés, mais cette différence est rarement mise en avant et elle n’est jamais étudiée de manière approfondie. Même constat pour les essais cliniques et les effets du confinement, les études conduisent toutes à des conclusions contradictoires. Ces contradictions, et le nombre de victimes qui en découle par les décisions prises, témoignent de la gestion politique de cette pandémie et non de la dangerosité du virus. Ce n’est pas la science qui est fautive, mais une manière d’en avoir organisé sur un plan mondial les logiques d’intérêts. En effet, dans un monde où le savoir est en partage, on doit considérer que celui-ci s’affine en approfondissant les questions qu’il pose, non en générant une confusion par ce qu’il est convenu d’appeler une info-démie
Une synthèse
Ainsi, les raisons pour lesquelles l’éthique de la santé, celle de la médecine, celle du politique et des médias ne sont pas questionnées, semblent tenir dans une synergie des comportements et des systèmes qui s’opposent entre eux. Dès lors, chacun se trouve au carrefour d’un lieu de contradictions, il fait parti d’un ou de plusieurs groupes d’appartenance (privé, social, économique), tout en se trouvant en rivalité ou menacé par d’autres groupes d’appartenance. De fait, la tendance est forte de s’enfermer sur soi et d’estimer que chacun lutte pour sa survie. Dans ces conditions de vie stressante, les ouvertures et les questionnements ne se font plus qu’à la marge, mais ils n’en demeurent pas moins possibles et nécessaires. En témoignent les soubresauts de notre société (café philo, nuit debout, gilets jaunes, cafés des libertés, Zad, etc), mais aussi les manifestations hebdomadaires dans de nombreuses villes de France. La multiplication des coachs de vie témoigne également de ce besoin d’une quête de sens, d’un besoin d’ouverture et de se construire différemment, avec autonomie.Une ouverture ?
La question qui peut se poser alors est : que l’on soit dans un groupe d’appartenance ou un autre, au bénéfice de quelle idée de l’être humain agissons-nous ? Au bénéfice de quelle idée de l’être humain philosophez-vous ?
Cet apprentissage du « savoir-penser à la marge », pouvait venir préférenciellement des philosophes, mais pas spécialement, pas de ceux qui sont en tous les cas, « patentés »ou médiatisés. Il provient plutôt de tous ceux qui se donnent le courage de penser avec autonomie. La philosophie peut y aider certes, mais pas davantage que les autres disciplines. Ce courage de penser relève souvent d’un oser-être plutôt que d’un savoir-faire. En effet, le savoir-faire (le savoir-penser avec rigueur et méthode) peut s’apprendre au fur et à mesure où l’on reconnait son « autonomie de penser » et où on la met en acte. Il s’agit de ne pas se cantonner dans un quant à soi, de dépasser la peur du jugement, de s’efforcer de rendre claire et accessible à autrui une pensée souvent acquise par « intuition », par perception (voir Deleuze). Il s’agit de s’ouvrir à des pratiques transversales, de s’intéresser à ce qui se fait autour de soi. Il s’agit peut-être de sortir de son stricte domaine de spécialisation, de mettre de côté son ambition personnelle. Objectivement, on peut commencer à lire et à apprendre à lire des auteurs dont on ne partage pas les avis, s’interesser aux savoirs sur lesquels ils fondent leur position. On peut rechercher la façon dont les savoirs s’articulent entre eux, ce en quoi et par quoi ils se justifient. On peut se mettre en situation d’échange, de socialisation afin de partager le fruit de ses trouvailles, de ses questionnements. Cette socialisation par le partage de nos réflexions est indispensable à l’élaboration d’un discernement, à la construction d’un enrichissement intellectuel. En pratique, tous les groupes de paroles peuvent favoriser cette pratique du partage, elle facilite l’émergence de pensées nouvelles, la créativité de soi, le renouvellement de la pensée du groupe. Il suffit que ces groupes s’en donnent les moyens, qu’ils en permettent la possibilité et s’ouvrent à des pratiques « participatives » (s’informer pour cela sur les pratiques de démocratie participative et délibérative, voir les approches coopératives).
Il peut suffire également de se donner à soi-même, comme personne singulière, les moyens de créer de tel groupe, de les encourager (en prêtant des locaux, en les accueillant, en en faisant la publicité, en allant à la rencontre des groupes existant). De fait, forger sa pensée à l’autonomie, résister à l’isolement de soi ou de son groupe s’apprend et relève d’un acte de liberté. C’est une discipline, une visée, une énergie disponible que l’on convertit en détermination. C’est une hygiène de vie que l’on consent à s’accorder au même titre que l’on prend soin de soi, de son environnement. C’est une nouvelle éthique qu’il convient de se forger avec tous, par tous dans un monde qui appelle à se transformer.
(Voir ici, dans l’onglet « Description » de notre groupe, nos règles d’échange, la fiche d’accueil des participants, le cachier des charges de l’animateur, etc.), au cas où vous souhaiteriez vous en inspirer.Références par rapport à la pandémie dans ce forum :
– Débat entre Barbara Steigler et Emmanuel Todd, Les enjeux idéologiques, politico-économiques Bibliothèque Idéale juin 2021
– Thèses conspirationnistes. Un cours de Didier Fassin. Collège de France (mai 2021)
– Quelles valeurs scientifiques du Conseil Scientifique du gouvernement ? Clarisse Sand, avocate, spécialiste des libertés publiques
– Comment juger de la rareté de la coïncidence ? Par Leila Schneps, mathématicienne. Cnam, Paris, juillet 2021
– La désinformation : analyse d’un concept. Gabriel Lacoste, philosophe. Canada.
– Comment sont comptés les morts du covid ? Entre l’Insee et Santé Publique France qui dit quoi ? Pierre Chaillot (Décoder l’éco)
– Traitement, le Dr. Gérard Maudrux déroule l’argumentaire en faveur de l’ivermectine. Une synthèse.
– Analyse de deux études israéliennes sur la valeur bénéfice/risque des vaccins. Pierre Chaillot (Décoder l’éco)– Autres références (à compléter)
– La crise sanitaire a révélé l’inquiétant déclin du journalisme. Artcile de Laurent Mucchielli (Blog Mediapart). -
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