« C’est par choix et par discipline et cohérence que j’ai tenu de bout en bout la distinction éthique et morale que je crois pouvoir expliquer très simplement. Je veux dire que nous entrons dans un problème moral lorsque nous sommes en face de norme, d’obligation, d’interdiction.
Et alors, en mettant l’éthique avant la morale je veux dire qu’il y a précisément quelque chose qui précède la norme, l’obligation, l’interdiction. Et ce quelque chose c’est le désir d’accomplissement, d’avoir une vie accomplie.
Je peux me servir du terme d’Aristote de bonheur, mais je tiens beaucoup plus à celui d’une vie accomplie. Et alors de nouveau, je trouve le rapport avec l’autre parce que je ne peux avoir le souhait, le désir profond d’accomplissement que dans le rapport d’amitié, d’amour, c’est pourquoi je définis ainsi l’éthique : le souhait de vivre bien avec et pour les autres dans des institutions justes. » 1/
Retranscription des paroles de Paul Ricoeur entendues dans l’émission : « Une vie, une œuvre » de FRC du 2.3.2013.

Paul Ricoeur, un philosophe majeur du XXe siècle a placé l’éthique au centre de sa pensée s’appuyant sur la méthode à la fois phénoménologique* et herméneutique**.

« Philosophe de l’engagement, du sujet « capable », d’une éthique pragmatique face aux obstacles de l’existence, (il) a tissé ensemble des traditions philosophiques multiples pour proposer une approche renouvelée de l’agir humain. Il conçoit la philosophie comme un dialogue ininterrompu et illimité avec l’autre. »2/

« Volonté, interprétation, texte, histoire, temps et récit, action, métaphore, mal, identité, juste, éthique, utopie et oubli, en quelques quarante livres, (…) Ricoeur semble avoir tout travaillé, tout traversé, dessinant ce qu’il a appelé la sagesse pratique… (et) a su mettre au cœur de sa pensée les questions humanistes et consensuelles de la justice, du pardon ou de l’action… »3/
Il « considère que c’est par le politique que nous avons la capacité de devenir ce que nous pourrons devenir, que le citoyen est libre. (…) La distinction entre le politique et la politique est plus qu’une nuance, la politique serait la conquête du pouvoir et son exercice, la politique politicienne ; le politique c’est le vivre ensemble, le fait qu’il y a cité, collectivité humaine. » 4/

« Selon ce que Paul Ricoeur a appelé sa « petite éthique » (…) il faut distinguer trois « moments » : celui de la visée éthique de ce qui estimé bon, plus aristotélicien et téléologique***, celui de la norme morale de ce qui s’impose comme obligatoire, plus kantien et déontologique****, et celui, proprement ricoeurien, de la sagesse pratique. »(…)
« La sagesse pratique consiste à inventer les conduites qui satisferont le plus à l’exception que demande la sollicitude en trahis¬sant le moins possible la règle ».
L’ordre syntaxique entre les trois moments est significatif, et Ricœur rappelle :
« 1) la primauté de l’éthique sur la morale ; 2) la nécessité pour la visée éthique de passer par le crible de la norme ; 3) la légitimité d’un recours de la norme à la visée, lorsque la norme conduit à des impasses pratiques ». 5/

*Phénoménologie : philosophie qui écarte toute interprétation abstraite pour se limiter à la description et à l’analyse des seuls phénomènes perçus.
**Herméneutique : l’art (la technique, la méthode) d’expliquer le sens véritable d’un texte.
***Téléologique : science ou étude de la finalité
****Déontologique : ici moral
Lexique emprunté à Philomag ici.

Questionnement :
Dans « L’éthique, la morale et la règle » Paul Ricoeur pose trois questions :
– Jusqu’où peut-on aller dans la demande éthique sans recourir à des règles ?
– Quel est le moment inéluctable de la règle ?
– Où est la limite de la règle qui nous laisse devant un choix en situation ?

Ayant mis en place le triangle de l’éthique (le triangle de Ricoeur) :
– souci de soi, (JE)
– souci de l’autre, (TU)
– souci de l’institution, (IL,ILS)
il développe son argumentation à partir de la question « Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir une éthique sans morale ? » 6/
On peut démarrer le débat à partir des questions de Ricoeur auxquelles s’ajouteront les nôtres, soit pour illustrer son concept, soit pour le mettre à l’épreuve.

Notes :
1/et2 dans Une vie, une oeuvre, Paul Ricoeur. France Culture.
3/ et 4 dans Avoir raison avec
5/ Dans le fond Paul Ricoeur.
6/L’éthique, la morale et la règle – Pdf dans Persée ici
« L’éthique, la morale et la règle. » In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°24, 1989. pp. 52-59.

Ressources proposées :
– Morale et éthique chez Ricoeur. Olivier Abel. 5′
– Pierre Guenancia. 5′ audio (1)
– Pierre Guenancia. Suite 6′ audio (2)
– Pierre Guenancia.La volonté d’agir selon Ricoeur 5′
– La puissance du langage chez Ricoeur. Olivier Abel 5′
– Avoir raison avec Paul Ricoeur. France Culture.
A lire :
– Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Ed. du Seuil, (coll. Points) 1990
– Fondements de l’éthique. Article de 12 pages de Paul Ricoeur. Persée.
– Paul RICOEUR, « Morale, éthique et politique « , Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, n°65, p.5-17.
– De la morale à l’éthique : le nouvel horizon des relations entre les générations. Danilo Martuccelli (sociologue) Cairn Info
– Wikipédia. Paul Ricoeur.

Éthique du soin :
– Pierre-Olivier Monteil, Penser le soin avec Paul Ricoeur (2.4.2015 ) 20’
– Repenser le soin, et le soin infirmier avec Paul Ricoeur. Philippe Svandra. Cairn Info
– Le soin entre sollicitude et responsabilité. Une lecture croisée de Ricœur et de Levinas

Pour limiter les effets de dispersion dans le débat :
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache non pas à affirmer son opinion, mais à expliquer la raison de sa pensée. En effet, c’est sur la base des argumentations, que l’on met en lien avec la question/le thème de départ, que l’on tente de faire progresser le débat, c’est-à-dire, d’en clarifier les enjeux.

– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
– Pour les plus avertis, on s’efforce d’identifier, de formuler les thèses, les problématiques sociales, éthiques, philosophiques qui sous-tendent son argumentation.
– Comme règle de base, la parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.

Autres éléments d’accueil
La boisson est laissée à 1 euro (café, vin ou ce qui est disponible)
Apéritif dinatoire après le débat. Apportez votre guacamole, votre houmous, votre thon ou votre camembert; contribuez comme bon vous semble. Vous remportez les restes, éventuellement, ils sont mis de côté pour une prochaine fois.
> On prend soin de l’endroit et on le laisse propre et rangé après usage.

Transport
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Depuis Annemasse : Tag n°3, arrêt : Edelweiss ou Martinière (douane Mon-Idée) Google map ici
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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