Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre selon les questions des participants (+ Dark Web et compte-rendu), ce lundi 04.04.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse
- Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 3 années et 3 mois.
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30 mars 2022 à 14h08 #6241Retour chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville, Annemasse, tous les lundis à 19h00 pour notre café philo
Le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et quelle dimension de vérité et d’éthique nos propositions mobilisent.
– De fait, nous faisons philosophie par la capacité à questionner les raisons par lesquelles on pense.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite proposer une question à l’avance est toujours ouverte, il suffit de la proposer et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu (on l’inscrit dans l’agenda).
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Le sujet de la semaine passée.Une proposition est faite à partir d’une citation de Peter Sloterdijk tirée de son ouvrage « Colère et temps »… Nous l’inscrivons dans l’agenda pour le 11 avril, Marie-Thérèse nous en fera l’introduction.
Nous retenons la proposition de Mikael, informaticien, et qui n’ignore rien du « dark web ».
Présentation du problème :
Aujourd’hui, on voit tout sur internet, la toile nous donne à voir le monde tel qu’il est, du moins, le croit-on. En effet, chacun peut mesurer la distance entre ce qu’il est convenu d’appeler les médias meanstream (radio, tv, journaux) et les médias indépendants. Ces derniers sont très divers et plutôt présents sur la toile (youtube, réseaux sociaux, serveurs) qui sont des supports de contenus où sont publiés ces nouveaux médias (voir ici 10 médias alternatifs sur l’actu – ou ici une carte des médias indépendants). (Voir note 1)Sur ces deux plans, on peut avoir le sentiment que la vie nue est comme présente sur la toile. Tout y est. Tout ce qui est dans la vie réelle est présent sur la toile. Les deux regards, celui sur la toile et celui de la vie réelle se renvoient à l’un et à l’autre, l’un accusant l’autre de se montrer sans far, sans norme, sans civilité, cru. L’autre lui reprochant son hypocrisie, sa violence, la vie crue, sans masque. Mais ils se transforment l’un par l’autre dans le brouillard diffus de nos appréciations.
Une première question s’est présentée à nous :
Qu’est-ce qui fait « vérité », qu’est-ce qui relève du vrai ?
> le vrai se distingue par le fait objectivé, la vérité est le discours tenu sur le vrai.
> ce qui est objectif (relève de l’objet mis devant soi et de l’extériorité), ce qui est subjectif (relève du sujet, de l’intériorité)Toutefois, le traitement de ce qui est vrai et de ce qui fait vérité pose la question de la relation entre les deux : entre le « vrai » (ce qui est) et la vérité (le discours tenu sur le vrai), comment se construit-il, avec quelle perception, quelle méthode d’analyse, quelle discipline ?
> En effet, il y a ce qui relève des zones grises (les outils de la perception – Merleau-Ponty) et le domaine des sciences humaines, comme l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, mais aussi l’Histoire, l’économie..etc.. dont, in fine, on peut questionner les frontières de l’objectivité et de la subjectivité, puisque chaque discipline définit, sélectionne et découpe dans la « réalité » les objets qu’elle souhaite observer et analyser.
> Ces thématiques relèvent de différentes disciplines et, de la clarté des « concepts » dont il faut avoir certaines notions pour en parler. C’est tout le champ des « paradigmes » du savoir dont chacun a son jargon, et c’est celui de l’épistémologie (théorie et processus par lesquels on construit les savoirs).Mais, et de manière plus « trouble », ce n’est pas cette « problématique » que nous avons retenue.
De manière plus trouble et, en même temps, de façon plus « évidente » (pressentie comme immédiate à la conscience tout en étant trouble), Toutefois, sur le web, et la différence est à souligner, on peut avoir accès à des supports pour travailler sa capacité critique (entre plusieurs informations données comme vraies) et on peut développer son discernement entre ce qui est juste, faux, pertinent ou pas, notamment en faisant usage de tutoriels, de cours, d’interviews et de tout autre support pour nourrir sa réflexion. On observe ici une double fonction : prendre conscience de la réalité sous plusieurs angles et, se former à découvrir différentes manières de comprendre cette réalité.Mais, et en dessous de cela, en dessous de la surface visible du web, il y a le dark web où sont vendues les armes, la drogue, le crime, le sexe et tout ce qui est interdit par la loi et les usages communs. D’ailleurs, on se demande si la « pornographie » (accessible à tous en clair sur le web, y compris aux mineurs) devient une façon « banale » (commune) de concevoir la sexualité, laquelle perdrait au passage sa valeur éthique, esthétique, transcendante, mais aussi structurante, d’une rencontre avec l’autre dans la vie réelle (pour ne réduire l’autre qu’à un objet, voire qu’à un usage, celui d’y décharger ses pulsions ? – Oui, aussi choquant que cela puisse sembler, la finalité d’un objet, c’est de s’en débarrasser lorsqu’il a fait son temps. L’objet n’est pas un sujet qui se construit ni une sensibilité que l’on affecte par résonnance à la sienne (empathie, neurone miroir).
Bref, le problème et la question qui semblent avoir retenu notre attention est celle-ci :
Le monde est comme devenu « transparent » à lui-même dans un rapport à ses pulsions, et en particulier, à ses pulsions destructrices.
Alors que nous sommes sous la violence du choc d’être confronté à autant de mensonges et de destruction, comme si nos valeurs, notre Histoire, l’idée de démocratie, les autorités légitimes, en un mot : « comme-si-tout-avait-été-balayé-d’un-trait » (une anomie généralisée), nous nous demandons ce qu’il est possible de construire en termes d’identité pour soi, d’identité de groupe, d’identité pour la nation ou/et pour le monde (d’universalité) ?
Autres questions :
– Peut-on encore se construire un monde commun avec ses proches, avec le cercle de ses amis, avec nos voisins, notre groupe social, les habitants de son quartier, etc ?
– Peut-on, par exemple, se construire un monde commun autour des valeurs de l’environnement ?
– « Peut-on « HABITER » un monde commun » demande Jacqueline Ripart via son café philo à Marseille (cliquer ici).Pour en poser la question autrement : que construire quand tout est sous nos yeux, autant le mal que le bien, entendu comme, autant ce qui détruit que ce qui peut construire ?
J’entends Hobbes ricaner dans mon dos… Sans aucun doute, des Spinoza, des Kant et des Nietzsche vont-ils lui répondre.
» Ils savent qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons qu’ils savent que nous savons qu’ils mentent, et ils continuent à nous mentir.” Alexandre Soljénitsyne, L’Archipel du Goulag.
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Note 1 :
La diversité des regards entre les médias meanstreams et ces médias « indépendants » est conflictuelle sur deux grands plans :
1° Par exemple, la diversité dans la manière de traiter une news (un fait d’actualité), de le mettre en contexte, de l’analyser, d’en souligner les enjeux est si large (si ouverte), qu’elle en est tout aussi enrichissante que déconcertante. Il faut savoir s’y repérer (qui parle ? d’où parle-t-il ? de quoi parle-t-il, comment en parle-t-il ? A partir de quelle source ? quel effet cherche-t-il à provoquer et pour quel but ?)
2° Et, le second plan. Entre les fakes news, les distractions qui hypnotisent, les délires, les réseaux et les communautés qui s’y créent et dans lesquels on s’y perd également… tout cela est tout aussi enrichissant que déconcertant. Il faut donc savoir s’y repérer, en particulier dans le rapport à soi-même : en quoi ce qui me « stimule » me disperse, me perd ou fait écho (résonance) en moi devient-il significatif ? En quoi cela fait-il sens pour moi ? Qu’est-ce que ces « impressions » (cette subjectivité intense) révèlent de moi, d’une nouvelle manière d’être au monde et de me faire advenir au monde dans la réalité ? On observe ici un mouvement entre une « intériorité » (un ressenti) glissant vers une objectivité (un comportement) et une sociologie en train de se faire.———————————–
Postscriptum pour moi : rappeler aux participants (ceux qui veuillent bien le faire) de rédiger en une phrase ou deux (entre 5 et 10 lignes) la réponse qu’ils donneraient à l’une des questions essentielles du café philo, et je les posterai dans le forum.
> Fixer une date (dans les 3 jours).
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
> Lien vers notre forum anti-covid, anti complotisme ici.
– Lien vers notre forum sur le thème de la guerre Russo-Ukrainienne.
> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)6 avril 2022 à 17h03 #6245Compte rendu de la dernière séance : Comment expliquer la guerre, dont on pensait les logiques dépassées ?Nous sommes peu nombreux ( 6 ou 7), mais l’intérêt d’un échange ne réside pas dans le nombre de participants, plutôt se forge-t-il dans l’attention que chacun mobilise pour s’évertuer précisément à « philosopher », c’est-à-dire, exercer une capacité critique de sa pensée pour la mettre en dialogue. (note 1).
Question retenue :
Avec la dissuasion nucléaire et la prise de conscience qui a fait suite aux deux guerres mondiales, on pensait avoir dépassé l’idée de guerre comme réponse aux conflits. Or, il n’en est rien.
Comment se l’expliquer ?Un participant maintenait l’idée que rien ne résout rien et qu’au final, on en revient toujours au même.
C’est un peu gênant dans un café philo, car ce mode de positionnement (la répétition d’une même idée) gêne la progression du débat…
> Mais, et comme nous repartons à neuf, c’est l’occasion de repenser notre charte, les conditions de participation et celles de faire philosophie (note 2)Quelques questions qui ont émaillé notre débat :
– Quel rôle la biologie joue-t-elle dans le « conflit » ? En effet, les espèces, de même que les êtres humains se comparent, se jalousent, ont des intérêts divergeant, se méfient de ce qui est différent, ils ne peuvent éviter le conflit, ce qui conduit à la perpétuation du conflit, comme s’il était biologiquement induit par la génétique.
– Certes, mais la guerre correspond à la phase extrême du conflit, en l’occurrence, à l’élimination de l’autre, faute précisément d’avoir su « traiter » le conflit.Étymologie du conflit renvoie à « confluent » (rejoindre)
> L’idée de justice et d’éthique s’impose précisément pour éviter la « guerre de tous contre tous » (Hobbes).Autre question :
> Sommes-nous dans un monde qui nous échappe, car personne ne souhaite la guerre, n’est-ce pas ? En tant que citoyens, nous nous trouvons devant le fait accompli de guerre (s) décidée nécessairement par des « gouvernements » et dont la « publicité » (le rendu public) est contrôlé par des médias dépendant de ses mêmes gouvernements, médias qui répondent par ailleurs de la logique des groupes financiers. Comment des citoyens peuvent-ils désirer la guerre, alors que nous en menons déjà plus d’une : celle du covid dont Macron n’autorise pas qu’en soit dressé le bilan, celle contre le réchauffement climatique, celle contre la précarité et le délitement des valeurs démocratiques, celle pour la transition écologique vers un autre mode de vie…) Le discours qui nous est asséné via les images, les déclarations, les indignation se résument à une caricature : punir l’agresseur, secourir l’innocent agressé. (Voir ici les cinq principes de la propagande de guerre, de Michel Collon)
> Or la guerre, par définition, n’est pas une solution durable, elle ne se réduit pas à la logique d’un jugement binaire.Autre question :
Les tensions du monde, son équilibre qui reposait sur l’héritage de la « guerre froide », est en train de changer (nouvelle autonomie des Nations, nouvelles alliances, nouvelles répartitions des lieux de production de richesse, tensions liées au changement climatique, développement général tout azimut des pays, économie en bascule sur ses points d’appuis…) l’idée de justice doit-elle être repensée sous la pression des nouveaux équilibres qui se cherchent ? Doit-elle, peut-elle être repensée à un niveau mondial/global ? Si oui, comment faudrait-il s’y prendre ? A quelle condition, la justice, dans ses normes (rapport d’égalité, d’équité et définition du « commun ») peut-elle être repensée par les citoyens, les États, les grandes institutions ? Quel rôle la force, le pouvoir joue-t-il dans sa conception, s’ils doivent en jouer un ? La justice peut-elle être relative aux ressources dont disposent, par ailleurs, les pays, les populations ?
« Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Pascal (Source ici).————————
Un mot sur la méthodologie : Lorsque la question est ouverte comme cette fois, il convient de réactualiser la/les questions au fur et à mesure de l’avancée du débat.
Par rapport au participant qui estimait qu’on en revenait toujours au même point (et répétait : ça ne résout rien), je me suis demandé s’il ne cherchait pas une réponse définitive à sa question : comment résoudre définitivement la question de la guerre ou du conflit ? Or la philo ne cherche pas tant de réponse définitive que de poser des repères, de faire proposition pour s’orienter dans la pensée (Kant), pour la clarifier. Elle est une invitation à « analyser » des propos, à questionner des « évidences », notamment en faisant usage de « concepts » (définition), en construisant des argumentations (raisonnements valides, non contradictoires), en s’efforçant de problématiser (dialectique), de rendre compte d’une herméneutique (interprétation, de recherche de sens), d’une pertinence (rapport à la « vérité »).
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Note 1 : Qu’est-ce qu’exercer une capacité critique ?
C’est une compétence « réflexive » propre à l’être humain et qui en témoigne lorsqu’il se montre apte à expliquer sa pensée, à en questionner le sens, les valeurs, les sources. Participer à un café philo pose la condition de s’évertuer à cet exercice, et non seulement d’énoncer ce qui fait « vérité » pour soi, et de s’en tenir là.
Note 2 : réécriture de notre charte et conditions de participation à un café philo. Nous réécrivons notre charte et nos règles pour les nouveaux et anciens participants. Le tout sera posté prochainement. Merci de votre attention.
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Pour rappel : inviter les participants (ceux qui veulent bien le faire) à rédiger en une phrase ou deux (entre 5 et 10 lignes) la réponse qu’ils donneraient à l’une des questions qu’ils retiennent du débat, afin que je la poste dans le forum (ou qu’ils le fassent eux-mêmes).
> Il semble difficile en effet de structurer sa pensée si l’on ne se prête pas à l’exercice d’écriture. On incite, suscite, souhaite mais sans plus d’insistance. Que l’exercice soit fait selon les disponibilités et les priorités de chacun.
> Fixer une date (dans les 3 jours) ou se donner un délai pour rédiger cet écrit.
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
> Lien vers notre forum anti-covid, anti complotisme ici.
– Lien vers notre forum sur le thème de la guerre Russo-Ukrainienne.
> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici) -
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