Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre pour le café philo ce lundi 22 mai 2023 à 19h00 + compte rendu : Toute violence est-elle mimétique ?
- Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 1 année et 11 mois.
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20 mai 2023 à 13h37 #6654Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 22/05/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
– De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)– Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
– Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée est ici, C’est quoi l’enjeu de la solution (ou du bonheur) ? Cliquer iciCe dimanche 14 mai 2023, nous avons participé au café philo des Bains des Pâquis, animé par Eric. Il invitait Ralph Muller sur le thème de la liberté d’expression et de l’écriture inclusive. Cliquer ici pour accéder au lien vers la vidéo et à notre compte-rendu.
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
> Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
– Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
– Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)27 mai 2023 à 13h50 #6659Toute violence est-elle mimétique ?Nous étions 5 ou 6 participants, tous des habitués, bien que la composition du groupe ne soit pas toujours identique d’une fois à l’autre.
Les questions que nous nous sommes proposées :
1° La vulgarisation des savoirs trompe-t-elle sur le savoir transmis (sa qualité, sa valeur) ?
2° Le langage (parlé, écrit) permet-il d’exprimer toute la pensée ? (l’imaginaire, ce que l’on ressent, etc) ?
3° Qu’est-ce que débattre ?
4° Toute violence est-elle mimétique ?
La dernière question l’a emporté par un vote.Avertissement :
Nous nous savons non spécialistes de la pensée de René Girard, l’auteur de la théorie de la violence mimétique, mais nous souhaitons explorer le sujet, sachant que nous pouvons mal en interpréter les fondements.
Nous savons également que l’on pourra le relire ou s’informer à la suite du débat pour contrôler ce que nous avons pu en dire. Des références officielles sont postées en bas de ce message.Principe de base n°1 : nous ne désirons pas une chose pour elle-même, mais parce qu’elle est désirée par un autre.
Questions soulevées pour comprendre le mimétisme dans la vie quotidienne :
Est-ce que je convoite la femme de mon voisin parce qu’elle est la sienne et non parce j’en suis amoureux ?
– Nous n’écartons pas l’idée que l’on puisse être amoureux de la femme de notre voisin (ou du mari), dès lors cette violence est-elle mimétique ? Si oui, de quoi est-elle le mime ?
– Je ne désire pas une voiture prestigieuse, vanter mes exploits sportifs et je trouve ridicule la mise en scène de ces marques de distinctions. En revanche, intérieurement, je préfère me féliciter de l’acuité d’un raisonnement, de faire preuve d’intelligence et j’admirerais plutôt la pertinence d’un auteur. Je ne vois pas ici de mimétisme, y en a-t-il un ?
– Lorsque je souhaite convaincre autrui de mon idée, je ne désire par l’imiter, mais le rendre identique à moi-même. Dans ce cas, ce n’est pas du mimétisme, c’est forcer l’autre à adopter mon point de vue, n’est-ce pas ?
– Je me sens étranger à l’idée de désirer ce que d’autres ont déjà, le mimétisme relève-t-il d’une névrose, d’un manque de paix avec soi-même, d’une confusion entre l’être et l’avoir ?Questions par rapport à la vie publique (institutions, groupes sociaux, nations)
– Selon Tocqueville, l’égalité des conditions de vie exacerbe les rivalités, car elles conduisent à ne plus pouvoir se « différencier », se démarquer du voisin. Comment le mimétisme fonctionne-t-il dans ces conditions ?
– Si l’égalité ne résout pas la question de la violence, pourquoi la rechercher en « politique » (au niveau des lois, d’un gouvernement) ?
– En quoi la violence de la répression (les garde-à-vue abusives, l’usage des armes pour mater des manifestants) a-t-elle un rapport avec la théorie mimétique ?
– Faire justice par la sévérité de la peine et mettre en scène des cas d’exemples, en quoi cela participe-t-il de la théorie mimétique ?Autres questions plus générales
– La rareté des ressources n’est-elle pas cause de violence en raison de leur dispute pour la survie, et non en raison d’un mimétisme quelconque ?
– Qu’est-ce qui de l’injustice ou du mimétisme est déclencheur de violence ?
– Convoiter ce qui me manque relève-t-il d’un sentiment d’injustice ou d’un mimétisme ?
– Toute violence a-t-elle pour cause le mimétisme ou n’est-il qu’une cause parmi d’autres ?Questions liées à la recherche de solutions par rapport à la violence mimétique
– Si l’abolition des privilèges et l’égalité des conditions n’empêchent pas les violences, mais exacerbent les rivalités, faut-il revenir à des gouvernements autoritaires pour mater toute velléité d’indépendance ?
– Faut-il apprendre à se contenter, à se détacher des désirs, du jugement d’autrui sur soi pour être apaisé ? Autrement dit, pour avoir la paix dans le monde, chacun doit-il renoncer à toute envie en lui ?Synthèse intermédiaire
L’ensemble de ces questions nous invitent à partager davantage ce que nous comprenons de l’auteur, afin de ne pas rejeter trop tôt sa pensée (sans l’avoir comprise).
Par exemple, la théorie « mimétique s’observe bien chez les enfants (qui veulent toujours ce que le voisin a), elle s’observe également dans le monde animal. Les primates s’agressent les uns les autres pour obtenir ce que d’autres ont, et tous les prétendants convoitent la place du chef. Le but, a priori, semble assez évident : parvenir au sommet de la hiérarchie pour s’arroger le privilège des femelles et des meilleures parts de la nourriture.Mais le mimétisme intervient également dans les théories de l’apprentissage, les fonctions d’échange, les comportements sociaux (se renvoyer la politesse). De fait, le mimétisme n’a pas pour seul résultat, la violence, il est un principe de base du vivant en ce qu’il est nécessaire à la réciprocité. Cette dernière permet à l’être humain de se coordonner, d’échanger des dons, de penser un monde commun et plus loin, d’élaborer des institutions de justice et des constitutions pour se gouverner. La question est de savoir à partir de quel moment le mimétisme devient-il susceptible de générer de la violence ? Quels sont les objets qui deviennent désirables et sont facteurs de violence mimétique ? Qui désigne les objets ayant valeur de mimétisme ?
Le mimétisme comme architecture d’une anthropologie
Rappelons que le mimétisme n’est qu’un des éléments de base de l’anthropologie girardienne. Elle s’inscrit, avec la théorie du bouc émissaire et celui du sacrifice dans un tout structurant la hiérarchie des pouvoirs dans des groupes (tribus, Nations, classes sociales, corporations, institutions internationales, etc.), tandis que chacun de ces groupes s’organise autour de rites, de la fabrique de ses lois et du consensus autour de ses valeurs. Selon cette théorie, à l’origine des groupes, il y a eu une crise (un chaos, un meurtre, des massacres) ou une vendetta sans fin susceptible d’anéantir la totalité du groupe en question. Face à l’effroi suscitée par l’imminence d’une destruction totale, une immense culpabilité s’abat sur le groupe : une faute a été commise, car elle a failli tout détruire. De là naît le besoin d’ériger un culte (une volonté supérieure), un dieu, une référence au sacré, des interdits, des limites à ne pas franchir, en bref, une religion en vue de s’organiser et de se donner des lois divines. Rapportées au XXème siècle, et selon un processus de sécularisation, ces religions seraient aujourd’hui des institutions (ONU, OMS, OMC, Europe) ou encore des G7, des G20, des forum Davos, mais aussi des Gafam et autre AI et technosciences. Ces institutions véhiculent en effet des valeurs (scientismes, technosciences, technocratie et consumérisme) en lesquels les populations en général croient (ou par lesquelles, elles sont gérées). En effet, ces méga organismes produisent des standards, des lois qui s’imposent aux Nations, tandis que certains groupes sociaux et gouvernements s’inspirent de leurs leaders (Elon Musk, Bil Gates, Steve Jobs, Klaus Schwab, etc) qui en incarnent les modèles. Mais reprenons quelques exemples cités en début de débat où l’imitation fait modèle.Du mimétisme à la violence.
Ainsi, si je convoite la femme du voisin, c’est probablement qu’elle représente un « modèle » qui m’inspire. Certes, je peux contenir mon impulsion, mais le fait même d’être « inspiré » exprime la force du modèle qui passe à travers moi. Le passage à l’acte et l’affranchissement de l’interdit seront relatifs à d’autres interdits plus contextuels (les lois du moment) dont je souhaite ou pas m’affranchir. Il en est de même pour la voiture prestigieuse que j’envie ou le talent de ce professeur auquel je m’identifie, ils expriment les modèles du moment, ils font valeurs pour moi. De fait, l’objet désiré ou la personne admirée font modèles en ce qu’ils me suggèrent l’idée d’un prestige (une idéalité du parfait). Mais davantage que le modèle qui suggère l’admiration et le prestige qui suggère une idéalité du parfait, c’est le pouvoir pour l’un et l’ataraxie pour l’autre qui semblent être recherchés.Les autres formes de mimétisme sont moins directes, car elles témoignent de crises que traverse le groupe qui voit ses valeurs, via ses modèles, bouleversées. Ainsi, les révoltes contre les inégalités (contre les méga bassines pour ne prendre que cet exemple), l’usage de la répression, l’exacerbation du sentiment d’injustice, tout cela témoigne d’une crise des valeurs et des modèles qui ne font plus consensus dans la société. Mais précisément, faut-il, à l’instar de René Girard, se tourner vers des valeurs du christianisme pour revenir à la paix ou, comme le suggère des participants à ce groupe, dépasser les rapports entre l’être et l’avoir pour subjuguer toutes les envies ? Selon cette analyse, c’est par manque d’être que l’on souhaite avoir toujours plus (de biens matériels ou de capacités intellectuelles), tandis que l’absence d’ego résoudrait les problèmes du monde.
Pour conclure.
Quelle que soient les sociétés (groupes ou nations), elles n’échappent pas à des formes de tension en raison, certes d’une fonction d’imitation irréductible, mais surtout en raison de modèles en ce qu’ils incarnent des valeurs ou du prestige. Il semble ainsi vain de vouloir abolir la racine de la violence si elle se trouvait lovée au cœur du processus d’imitation (puisqu’elle sert également à la convivialité, à l’échange de dons, aux apprentissages). Toutefois, si les tensions s’expriment autour de modèles en raison des valeurs qu’ils représentent, ce sont ces valeurs qui demandent à être « travaillées ». En effet, derrière des apparats qui font figures de « prestige », c’est un rapport à la justice, à l’exercice du pouvoir et de l’autorité qui sont remis en question.
Un mot par rapport à la guerre. En quoi serait-elle « imitative » ? Les faits nous obligent à admettre qu’il n’y a de guerre que là où il y a des intérêts (des ressources à accaparer), mais aussi des armes pour les soustraire à l’ennemi. Or, les intérêts ne sont jamais mis en avant pour justifier la guerre, mais la haine de l’autre, et c’est la propagande qui se charge d’en faire l’ennemi absolu, le mal radical, le bouc émissaire de nos maux.
S’il n’y avait qu’une question d’intérêt, d’accès à des ressources, il suffirait de concevoir des modalités de partage, des contrats d’échange, autrement dit, un commerce où, en général, il y a moins à perdre que sa vie, si on le souhaite (le commerce) équitable.Un schéma pour poser une problématique
Des ressources :
Cinq vidéos pédagogiques relativement récentes (post covid), de 3mn chacune, ont été postées sur le site de référence de René Girard.
1° Le désir mimétique
2° La rivalité mimétique
3° La dépossession de soi
4° Le bouc émissaire
5° Les origines de la culture.
Elles sont fort intéressantes et très explicatives. Néanmoins, l’invitation à travailler sur soi (à se soumettre ?) plutôt qu’à travailler des valeurs de justice et de vérité me questionne. Ce n’est en tous les cas pas, ce que préconisait René Girard.
Les vidéos sont ici. Cliquer ici.Autres ressources :
– Une conférence de René Girard | La Violence au Cœur des Sociétés (2002) Cliquer ici.
– L’anthropologie 1ère partie. Avec René Girard. Cliquer ici.
– Suite, l’anthropologie, seconde partie (sans Renè Girard). Cliquer ici.
– René Girard : quel est le rôle de la violence dans la culture humaine ? | ENS-PSL. 2015. Cliquer ici.
– La violence et le sacré. Interview avec René Girard (partie 3). Cliquer ici.
– La violence et le sacré. Inteview avec René Girard, partie 1 (première partie sur sa vie, enfance, éducation)
– J-P. Dupuy : René Girard, la violence et le sacré aujourd’hui. 2016. Cliquer ici.
– Jean-Pierre Dupuy // Les origines de la violence. Philomonaco.
– Laurent nous transmet des liens youtube sur d’autres analyses des causes de la violence (François Cusset et Frédéric Gros. Cliquer ici.
– L’avant dernière conférence de François Gusset : Les nouvelles formes de violence. 2022 ou comment la violence économique tue plus que les guerres mondiales.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
> Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
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