Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Ce lundi 30/01/2023, Eva nous fait l’honneur d’animer notre séance. Compte rendu : l’homme a-t-il besoin d’esthétique ?
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27 janvier 2023 à 10h22 #6455Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 30/01/2023, Eva de l’association Prophilo (cliquer ici), nous fait l’honneur d’animer notre séance. La thématique portera sur l’esthétique. Ses consignes et son introduction nous serons précisées et annoncées sur place.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée, suggéré par Nadège, s’inspire d’une citation de Goethe : « C’est pour savoir où je vais que je marche ».Cliquer iciPour ceux que cela intéressent, un expérienceur de champignons psychédéliques fait quelques recommandations. Cliquer ici.
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)2 février 2023 à 3h31 #6465Compte rendu du sujet : l’homme a-t-il besoin d’esthétique ?
Session animée par Eva (de l’association Prophilo)Nous étions une quinzaine de personnes, tous des habitués. Eva a invité les participants à une lecture partagée de l’introduction et le débat, pondéré par son animation, s’est progressivement élaboré.
Ci-dessous, le résumé des questions essentielles de l’introduction d’Eva, le compte rendu de quelques problématiques, suivi d’une observation-critique de son animation et du texte de son introduction.Résumé de la problématique de l’introduction
Nous pouvons avancer que certains soutiennent que l’esthétique n’est pas un besoin. Tel est, par exemple, l’argument sous-tendu par la pyramide des besoins de Maslow. Au sommet de la pyramide sont placés l’art et l’esthétique comme besoins secondaires, tandis que les besoins premiers (se loger, se nourrir, être en sécurité, le sentiment d’appartenance) sont à la base de la pyramide. Selon ce schéma, il faut satisfaire les premiers besoins pour parvenir à s’intéresser aux seconds. Toutefois, d’autres philosophes soutiennent que l’homme a besoin d’esthétique, que ce soit pour la recherche de la vérité, l’accomplissement de soi, la distraction du monde et pour bien d’autres raisons. Question : selon vous, l’homme a-t-il besoin d’esthétique ? Pouvez-vous donner vos raisons ?Une question centrale et quelques problématiques évoquées :
> Par quel moyen le sensible permet-il de juger de l’esthétique, ou comment passe-t-on du sensible (l’éprouvé par les sens : son, vue, goût, ouïe, touché) au jugement esthétique ?Aujourd’hui, il est admis que des facultés esthétiques sont innées. Les bébés sont sensibles à la beauté des visages (symétrie des traits), les neurosciences montrent que l’être humain est naturellement sensible à la beauté de la nature, que des équations mathématiques peuvent être belles, tandis que l’art rupestre témoigne du fait que, de tout temps, l’être humain exprime des qualités/capacités artistiques qui n’ont rien à envier à l’homme moderne.
Par ailleurs, il va de soi que l’appréciation esthétique est relative à une éducation, à une culture, à une époque, autrement dit, à un environnement. Ainsi, d’une part, le sens esthétique s’acquiert, car il est fonction d’un contexte extérieur à la personne et, d’autre part, il s’impose comme inné d’un point de vue neuroscientifique. Cette double origine entre l’inné et l’acquis soulève quelques questions :
– Les goûts et les couleurs se valent-ils du fait qu’ils apparaissent relatifs à l’environnement de chacun ?
– Selon quels critères peut-on estimer qu’une peinture est plus belle qu’une autre ou/et qu’il y a des arts supérieurs à d’autres ?
– La diversité des appréciations interdit-elle d’envisager un universellement beau ?
– Comment s’articule l’inné et l’acquis ? L’un doit-il prendre le pas sur l’autre ?
– Si la faculté d’appréciation du beau (de l’esthétique en général) est innée, alors en renier l’expression, revient-il à nier un besoin fondamental et, par là-même, à renier des formes d’accomplissement chez l’être humain ?
– De quelle manière le beau (l’esthétique) serait relatif à d’autres valeurs telles que la justice, le vrai (la science), l’empathie (le sens de l’autre), l’agréable (le bon, l’appréciable), la générosité (le don) ?
Une observation par rapport au débat :
Les participants tissent rapidement des liens entre l’esthétique et des jugements d’appréciation, par exemple, ce tag serait beau et non ce tableau ? Selon un autre participant, la danse classique est un sommet de l’art. En effet, par-delà la performance physique, et en raison de l’abnégation physique qu’elle exige des danseurs-ses, selon ce participant, la danse témoigne d’une pureté que l’on pourrait presque toucher du doigt. Mais selon une autre participante, ex. danseuse, la danse classique en particulier, broie les corps et sacrifie les enfants sur l’hôtel de la norme, de l’abnégation, du spectacle et de la rivalité entre les danseurs. Une question se pose sur un plan social, le sens du beau est-il corrélatif à un sentiment d’appartenance que révèle l’expression artistique d’un groupe culturellement constitué ? Dès lors, l’art n’apparaît pas seulement corrélé à des appréciations esthétiquement normées, il suggère des discriminations et, avec eux, des jugements sociaux.Dans l’exemple du tag, l’art de la rue peut être assimilé à un art revendicatif, il interpelle une conscience citoyenne « normative », bourgeoise ou « bien-pensante ». Mais l’art de l’artiste reconnu n’en est pas pour autant moins dépourvu d’une volonté d’impressionner les consciences de son époque. Ces deux expressions artistiques s’adressent et interpellent des publics aux parcours sociaux différents. L’appréciation esthétique est alors fonction de la portée du message véhiculé et d’une manière de le recevoir : on se sent en affinité avec les valeurs transmises ou on le trouve plutôt hostile.
Sur un plan analytique, le lien entre esthétique, sentiment d’appréciation et valeurs éthiques se déconstruit facilement, mais, dans la vie de tous les jours, il se présente comme un immédiat perçu (d’un seul bloc), comme un affect. Le jugement d’appréciation est immédiat (il est automatique), pour celle/celui qui ne prête pas attention à analyser les raisons de ses pensées.
Le second exemple, celui de la danse, l’esthétique est appréciée en raison d’un sens de l’effort, mais aussi comme l’expression d’une pureté possible (liée à l’effort, à l’idée d’un sacrifice, à l’exécution d’une performance). Dans ce cas, le sentiment esthétique fait appel à une origine, à une éventuelle essence de la pureté ou de la beauté, le lieu métaphysique d’un ancrage universel.En conclusion
L’art est polymorphe, il peut témoigner d’une quête et rendre compte d’un besoin (de beauté, d’émerveillement), d’un sens qui ne tient pas à sa « matérialité », mais à une expression extatique recherchée/espérée/attendue. Mais par l’art s’exprime également d’autres besoins, moins directs, certes, mais non moins fondamentaux, comme celui de satisfaire un besoin d’appartenance, de sécurité. De fait, l’esthétique n’est pas intégralement jugée par elle-même (autoréférencée), mais secondairement à ses effets, au sacrifice demandé pour sa réalisation et à une forme d’espérance (l’ivresse possible d’un émerveillement, d’un ravissement qui nous libérerait de la laideur du monde ?). En somme, les arts se jugent par leurs effets produits et, certains d’entre eux, comme pour certains artistes et amateurs, l’art porte en lui cet appel à la pureté (ou/et à l’émerveillement).
De là, des liens sont établis entre le beau et le vrai, le beau et l’éthique (un beau geste que celui de partager de son peu). Ce qui repose la question de la valeur du « beau » par lui-même, celui d’un beau universel, mais aussi de ses articulations possibles (nécessaires ?) avec d’autres valeurs / besoins (appartenance, reconnaissance, vérité, éthique, etc.).Nous n’irons guère plus loin pour ce soir, mais pour répondre à certaines questions de l’introduction, est-ce que l’art est nécessaire ? Oui, il s’impose comme tel si l’on ne veut pas réduire l’être humain à ses besoins purement physiologiques. Faut-il le mettre en lien à d’autres valeurs (par exemple, le triptyque de Platon, le bien, le beau, le vrai) ? Oui, probablement, et peut-être est-il indissociable d’une sorte de « vérité » et d’un sens de l’autre (justice). En effet, lorsqu’il n’est pas purement subjectif et/ou conceptuel-communicationnel (ready made de Marcel Duchamp) ou grassement populaire (il est beau le lavabo), l’art est lié à des formes de symétrie, d’harmonie, de justice, de vérité, etc. ces valeurs imposent quelque chose de l’ordre du sens dans notre rapport à l’être humain et, plus loin, de l’être humain dans son rapport au monde du vivant en général (à ce qui le dépasse). Dès lors, le subjectif, par lui-même, qu’il soit art ou vulgaire, a besoin, pour être jaugé, de n’être pas livré à sa seule subjectivité-intériorité, mais articulé à d’autres valeurs qui disent une possible harmonie d’un ensemble.
Message ci-dessous, un mot par rapport à l’animation d’Eva, suivi de son introduction.
2 février 2023 à 10h44 #6466Une observation par rapport à l’animation d’EvaA la suite de l’introduction en lecture partagée, Eva a très rapidement invité les participants à exprimer la thèse qu’ils défendraient et d’en expliquer les raisons. Elle reprenait ainsi les propos de chaque participant (durant la première partie du débat) pour leur faire préciser ce qu’ils voulaient dire. Elle invitait également les autres participants à ne pas directement enchainer l’idée qu’ils souhaitaient exprimer, mais à répondre aux questions qui étaient soulevées.
Dans une seconde partie du débat, les demandes d’intervention des participants tendaient à s’accumuler. De fait, répondre à chacun, lui faire préciser ou reformuler sa pensée de façon « systématique » cassait un peu le rythme du débat et/ou l’enchainement des idées.
Il y a donc une sorte d’intérêt mitigé à ce mode de gestion : il permet de freiner l’enchainement des idées, en particulier, lorsque les participants ne mettent pas en rapport ce qu’ils disent avec l’évolution générale du débat, ce qui en soi est une bonne chose. Mais si le groupe se montre discipliné et relativement habitué à débattre, comme cela est souvent le cas à Annemasse, interrompre chacun à chaque fois freine une fluidité qui, autrement, permet d’aller assez rapidement aux questions centrales de la thématique traitée. Mais l’autre avantage de « freiner » un peu la pensée, évite de trop disperser le débat et permet de rester attentif à bien situer sa réflexion dans un rapport à l’autre.
J’ai personnellement remarqué et apprécié que de temps à autre, Eva formulait ou reformulait avec beaucoup d’acuité certaines problématiques, elle soulignait des distinctions comme : à partir de quoi juge-t-on qu’une chose est belle (selon quelles normes/critères) et comment passe-t-on du sensible au jugement ? La première question renvoie à des critères sociaux/culturels de jugement, la seconde, à une compréhension des rapports entre le percept, l’affect et le cognitif (Derrida).
De l’avis général, les participants ont dû s’adapter à la différence du rythme, ils ont apprécié l’idée de s’efforcer de répondre aux questions. J’ai particulièrement apprécié à temps nommé des pratiques de reformulation d’une problématique entre deux interventions ou/et selon l’évolution du débat.
Dans la dynamique générale des interactions, entre les deux modes d’animations, celle où l’animateur reprend la parole presqu’à chaque intervention et celle où il laisse filer les interventions pour souligner seulement quelques problématiques, le premier mode d’animation se justifie certainement dans un contexte de formation, qu’il soit formel ou informel (atelier ou café philo). Ce mode de gestion est également le bienvenu si les participants consentent à l’idée d’une « formation » (ou d’un apprentissage), par opposition au fait de considérer que les participants sont autonomes dans leur pensée. Mais cette autonomie de pensée n’est pas toujours gagnée en soi, elle témoigne normalement d’une liberté de pensée, mais elle n’est pas toujours associée à la discipline requise qui conduit à la volonté de bien la structurer par rapport au débat.
Ci-dessous, l’introduction in extenso de l’introduction d’EvaL’Homme a-t-il besoin de l’esthétique ?
L’appellation “esthétique” est certes récente (XVIIIe s, Baumgarten 1750) cependant les problématiques sur la beauté, le goût et l’art ont déjà été longuement débattues au temps des Grecs (et bien avant).
Pour notre discussion d’aujourd’hui, le terme esthétique est conçu au sens large. Il se rapporte à “la science du beau” ou à “la critique du goût”. Cette critique se pose pour toute personne, que ce soit au quotidien ou entre experts. En effet, le jugement de goût se manifeste insidieusement de manière plus ou moins consciente chez les individus. Ce peut être un matin, en sortant de chez soi, en découvrant l’horrible décoration de Noel accrochée à la porte de son voisin, ou en découvrant la couleur trop vive de la nouvelle cravate de son collègue. “La critique du goût” peut également se présenter sous la forme d’un débat d’experts, par exemple en quoi “Fountain” (le pissoir de Marcel Duchamp) est une œuvre que l’on peut juger sous un angle esthétique. L’on peut alors se demander si ces réactions ou questionnements esthétiques sont de l’ordre de la nécessité, si elles ont une utilité pour l’homme et si tel est le cas, quelle est-elle ?
Imaginons que L’Homme n’a aucunement besoin de l’esthétique, alors cette notion serait totalement vidée de son essence. Ce qui nous amène alors à nous demander par quel moyen le sensible nous permet de juger. A contrario, si l’Homme ne peut s’en passer, alors cela amène notre existence à être entièrement conditionnée à un facteur subjectif.J’ai choisi d’aborder ce thème aujourd’hui parce que les problèmes gravitant autour de cette notion d’esthétique me questionnent au quotidien et je n’ai souvent pas de réponse. Hormis le fait que je suis graphiste et donc directement concerné par le sujet, ce dernier m’interroge bien au-delà de mon métier.
Quant aux experts, critiques d’art ou philosophes, l’on peut constater que la question n’est pas close étant donné les nombreux ouvrages que l’on trouve encore actuellement sur le sujet.
Enfin, en ce qui concerne tout un chacun, le problème reste intéressant, me semble-t-il, car comme dit plus haut, nous faisons appel à cette critique quotidiennement et dans de nombreux contextes.Afin d’amorcer la discussion, nous pouvons avancer que certains soutiennent que l’esthétique n’est pas un besoin. Tel est l’argument que l’on peut proposer en s’appuyant sur “la pyramide des besoins” de Maslow. Celle-ci démontre que si l’on ne satisfait pas les besoins primaires, à savoir physiques, physiologiques (tels que manger, dormir, se vêtir) puis ceux d’être en sécurité, alors on ne peut pas accéder au stade supérieur de la pyramide. L’esthétique et l’art seraient alors des besoins non-vitaux, secondaires, donc nous n’en avons pas réellement “besoin” au sens fort du terme.
Toutefois, d’autres, notamment des philosophes, soutiennent que l’Homme a besoin de l’esthétique, que ce soit pour la recherche de la vérité, l’accomplissement de soi, la distraction du monde qui nous entoure ou bien d’autres raisons.
Et vous qu’en pensez-vous ?————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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