Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Méthodes, échanges sur les pratiques, gestion des problèmes concernant l’animation des débats › Compte-rendu autocritique de l’animation d’un café philo + comparaison-analyse de deux approches
- Ce sujet contient 6 réponses, 2 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 10 années et 1 mois.
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25 février 2015 à 18h55 #5196Compte-rendu autocritique du débat du 23.02.2015
De quel Léviathan serons-nous le repas ?Cliquer ici pour accéder à l’introduction du débat
Ambiance du débat :
L’ambiance était à la fois studieuse et sympathique 😉 mais nous avons eu du mal à faire vivre le texte. Nous cherchions le sens de notre discussion sans vraiment le trouver. En m’efforçant à ne pas être directif, je n’ai donné aucun repère ni dans l’introduction, ni dans la gestion du débat, et j’ai eu du mal à le recadrer.Nombre de personnes
– Environ une douzaine de personnes.
– Quatre personnes nouvelles
– trois personnes relativement nouvelles (venues entre 1 et 5 fois)
Lecture en commun et analyse du texte
Le texte, bien que court, a été scindée en quatre ou cinq parties. Chaque partie du texte a été lue par des participants différents. L’analyse et la compréhension de chacune des parties n’ont pas posé problème.Questions posées à la suite de la lecture-analyse du texte :
– Quel est le rapport entre le texte proposé et la question posée en titre?
– Quel est le rapport entre les désirs et le Léviathan ?
– L’auteur est-il un matérialiste ?
– La première motivation de l’être humain n’est-elle pas la quête de pouvoir, plutôt que la recherche de désirs ?
– Les désirs conduisent-ils à la félicité ?
– Quelle est la place de la confiance entre la poursuite incessante des désirs d’une part, la confiance et la soif de pouvoir d’autre part ? Sous-entendu : Peut-on avoir des désirs sans vouloir le pouvoir ? Tout désir exige-t-il d’acquérir un pouvoir sur autrui ? Le désir de pouvoir a-t-il pour cause un manque de confiance ?Autocritique :
En tant qu’animateur, j’ai mal resserré le thème du débat sur plusieurs points :
– en dissociant le titre du texte proposé (le rapport entre le Léviathan et les désirs n’est pas mis en évidence)
– La diversité des types de question demandait éventuellement de mieux organiser ces questions, voire de procéder à un vote pour choisir celle retenue pour le débat.
Par exemple :
– La question : L’auteur est-il un matérialiste ? Cette question relève de l’information, d’une connaissance à la fois factuelle et conceptuelle (qu’est-ce que le matérialisme, comment le situer par rapport à d’autres mouvements (idéaliste, métaphysique,…).
– La question : La première motivation de l’être humain n’est-elle pas la quête de pouvoir plutôt que la recherche de désirs ? Cette question interrogeait la thèse de l’auteur : est-ce bien ce que l’auteur veut dire ? Ce n’était pas une question qui demandait à être traitée pour elle-même. Par ailleurs, il valait la peine ici de souligner le lien entre « cause », « effet », « conséquence », interprétation.
– La question : La félicité est-elle ce à quoi nous conduit le désir ? Cette question pouvait être traitée sans que l’on fasse référence au texte de Hobbes.
Autres difficultés :
– Nous avons eu du mal à définir l’orientation de notre échange et à faire le lien entre une analyse du désir lorsqu’il est situé au niveau de la personne (la psychologie) d’une part, et d’autre part, lorsque cette analyse doit plutôt adopter un point de vue collectif, voire sociologique (l’Etat, les peuples, les communautés, les groupes de pression, les classes sociales, etc.)
– Lors des interventions, on essayait de faire le lien avec le texte de Hobbes, or nos connaissances le concernant étaient trop disparates pour véritablement partager un dialogue sur sa thèse.
– Je n’étais pas convaincu que le sujet dût porter sur la thèse de l’auteur, alors que sur le site internet, tous les liens renvoyaient à cette référence.Suggestions
– Mieux lier les titres et les textes lors des annonces du sujet, et lors des introductions.
– Mieux sérier les questions en début de débat.
– Voter une question, ou un ordre avec lequel les traiter, en particulier lorsque la typologie des questions est disparate.
– Éventuellement profiter de ce moment d’analyse des questions pour affiner notre discernement les concernant.
– Mieux centrer le débat soit sur le texte, soit sur la thèse de l’auteur, mais dans ce second cas, enrichir l’introduction d’éléments de connaissance pour pouvoir les développer au moment du débat.___________________________________________Post scriptum : L’une des difficultés des cafés philo tient au fait que nous essayons d’établir une situation de dialogue au sein d’un groupe « ouvert ». La formation et les références de chacun sont de fait assez différentes, la composition et donc la dynamique du groupe sont également différentes à chaque séance, en particulier durant les vacances scolaires.
Finalement, à chaque séance, nous devons relever le défi de « construire » une culture commune : s’entendre sur la définition des termes, comprendre des raisonnements qui ne sont pas toujours habituels et cependant, contribuer à des échanges susceptibles d’enrichir la réflexion de chacun, d’approfondir sa pensée, d’ouvrir des horizons.5 mars 2015 à 15h47 #5200Bonjour René,
Je viens de lire le retour critique et détaillé sur ton atelier.
Je pense que nous avons des approches différentes, vous êtes plus centrés me semble-t-il, sur le souci des connaissances. La dimension travail sur l’attitude ne semble pas être votre préoccupation. Il y a un souci de rigueur que nous ne plaçons pas au même endroit. Pour vous, souci d’être conforme à ce qui a été annoncé. Pour moi, peu importe que nous ne traitions pas le sujet ce qui compte est d’avoir exercé des compétences philosophiques : argumentation, objection, analyse des présupposés, problématisation, etc…Du coup, le problème de la diversité des niveaux culturels des participants ne se pose pas.
Je viens de mettre sur mon site un texte où je me positionne par rapport à la méthode Brénifier dont je me démarque sur certains points. Je viens également de publier un livre sur la pratique philo (chez Marabout). A l’occasion il pourrait peut-être être intéressant d’échanger sur nos pratiques et pourquoi pas d’organiser une rencontre où nous pourrions montrer ces pratiques et en discuter.
Amitiés
Laurence Bouchet8 mars 2015 à 11h05 #5201Je viens de mettre sur mon site un texte où je me positionne par rapport à la méthode Brénifier dont je me démarque sur certains points.
Bonjour Laurence, merci beaucoup pour cette invitation à échanger sur nos pratiques. C’est une excellente proposition. En attendant, peux-tu « copier-coller » le lien du texte que tu mentionnes, soit dans ton message, soit dans ta réponse ci-dessous ? Merci beaucoup. A bientôt.
11 mars 2015 à 16h32 #5202Bonjour René,
[…] Je pense que nous avons des approches différentes, vous êtes plus centrés me semble-t-il, sur le souci des connaissances. […] A l’occasion il pourrait peut-être être intéressant d’échanger sur nos pratiques et pourquoi pas d’organiser une rencontre où nous pourrions montrer ces pratiques et en discuter.Bonjour Laurence,
Oui, il y a un intérêt à échanger des réflexions sur nos « pratiques philosophiques » tant pour clarifier notre pensée que pour situer notre travail dans le panorama général de ce que Michel Tozzi nomme les NPP (Les nouvelles pratiques philosophiques). Oui également pour un atelier/rencontre sur les échanges de pratiques, c’est intéressant, et c’est également ce que l’on fait lors des Rencontres sur les pratiques philosophiques qu’organise Tozzi en juillet chaque année. (D’une année à l’autre, tout le monde peut proposer et expérimenter une méthode, voir ici le thème de l’année passée)
Concernant la visée de mon « animation » de débat.
En fait, je ne recherche pas le partage des « connaissances » en tant que telles dans les débats que j’anime. Pour acquérir des connaissances, il vaut mieux lire, aller à des conférences, suivre des cours, écouter certaines émissions de radio, etc. Je m’intéresse plutôt à cette réflexion que chacun poursuit généralement en son for intérieur, et qui peut être mise en partage au sein d’un groupe.Tu as parfaitement raison, il y a donc un souci de cohérence, et je situe le mien sur quatre plans :
1) La cohérence entre ce que je sens et ce que je dis : le rapport à soi-même.
Est-ce que je me sens en accord avec ce que je dis ? Cette question demande de situer la qualité de dialogue entre mes émotions et ma capacité à les symboliser dans une pensée.
2) La cohérence entre ce que je dis et la logique : la construction du raisonnement.
Mon argumentation permet-elle aux autres participants de questionner mes idées, les constructions logiques que j’utilise ? Cette question met l’accent sur le travail philosophique proprement dit de la pensée (l’argumentation, la problématisation, les implicites, les opérations de logiques employées, etc.)
3) La cohérence (qualité) relationnelle avec autrui : le rapport à autrui
Suis-je suffisamment à l’écoute pour contribuer à un dialogue qui permette, autant à autrui qu’à moi-même, de construire un cheminement de pensées ? Cette question pose l’idée que l’on doit se respecter, s’écouter, comprendre le point de vue d’autrui, dédier une qualité d’attention à l’autre. Autrement dit, bien que l’on puisse se trouver en total désaccord avec les idées d’autrui, le respect mutuel doit être tel qu’il encourage la poursuite du débat, et l’avancée vers la problématisation des idées.
4) La cohérence avec la connaissance : le rapport au monde via notre rapport aux connaissances.
Tous les concepts que nous utilisons s’inscrivent dans une histoire. Comment j’ouvre mon monde à celui des auteurs, à celui des connaissances, et à autrui aujourd’hui pour poursuivre la quête philosophique qui nous anime ? Cette question pose l’idée que nous devons être attentifs au fait à ne pas nous enfermer dans le fonctionnement « auto-référencé » de son groupe ou de sa méthode.Pour résumer, j’invite les participants à situer leurs interventions dans le cadre général de la question de départ, qu’ils aient ou pas des connaissances.
Cela étant dit, je réfléchis à un « modèle » de café philo qui serait spécifiquement dédié à la connaissance de soi. J’y reviendrai dans un prochain message. Je souhaite en particulier que cette approche ne se substitue pas à une démarche thérapeutique, ni qu’elle s’y apparente.
13 mars 2015 à 15h08 #5206Bonjour René,
Merci pour ta réponse à la fois claire et détaillée. Je viendrai volontiers cet été s’il y a une prochaine rencontre organisée par Michel Tozzi. Je vais aussi en organiser une vers la mi-juillet à Saint Point (Doubs).
Dans les quatre points que tu détailles sur la cohérence, j’ai quelques divergences avec le premier point. Je suis d’accord avec les trois autres.
Tu parles de « La cohérence entre ce que je sens et ce que je dis : le rapport à soi-même. » Le risque est alors la « sincérité », j’adhère trop à ce que je dis et je ne peux pas le penser, ni a fortiori penser. Je ne prends pas de recul avec moi-même et je ne peux entendre le point de vue de l’autre. J’opposerais à l’attitude sincère, l’attitude authentique qui suppose une distance par rapport à ses émotions. Donc ok pour une cohérence entre ce que je dis et ce que je sens à la condition d’avoir pris le temps d’examiner ce sentir. Ce qui suppose de se détacher autant que faire se peut de sa mauvaise foi. La conscience du regard du groupe sur moi peut justement permettre ce détachement. Je me vois du point de vue des autres et du coup, je vois aussi la duplicité de mon jeu qui consiste à me cacher de ce qu’ils voient. Par exemple comme on l’entend souvent dans les cafés de pratique philo : « ce n’est pas ce que j’ai voulu dire », « ce que je veux dire c’est que », « j’ai dit ça parce que ». Si je m’observe du point de vue du groupe je réalise que ces expressions montrent que je me justifie, je suis sur la défensive. Je défends mes mots en les reprenant. Mais pourquoi me défendre si ce n’est parce que je crains quelque chose? Peur de me tromper, peur du regard des autres? Tant que j’adhère à cette crainte, à ce sentir, je suis sincère mais je ne suis pas authentique. Quand je commence à prendre du recul, quand j’examine ce sentir et alors je cesse d’y adhérer avec mes mots et je peux penser. C’est seulement une fois que j’effectue cette analyse (et le débat de pratique philo m’aide justement à le faire) que je suis en mesure d’être cohérent.Amitiés
Laurence18 mars 2015 à 15h30 #5209Dans les quatre points que tu détailles sur la cohérence, j’ai quelques divergences avec le premier point. Je suis d’accord avec les trois autres.
Tu parles de « La cohérence entre ce que je sens et ce que je dis : le rapport à soi-même. » Le risque est alors la « sincérité », j’adhère trop à ce que je dis et je ne peux pas le penser, ni a fortiori penser. Je ne prends pas de recul avec moi-même et je ne peux entendre le point de vue de l’autre. J’opposerais à l’attitude sincère, l’attitude authentique qui suppose une distance par rapport à ses émotions.______________________________[…] comme on l’entend souvent dans les cafés de pratique philo : « ce n’est pas ce que j’ai voulu dire », « ce que je veux dire c’est que », « j’ai dit ça parce que ». Si je m’observe du point de vue du groupe je réalise que ces expressions montrent que je me justifie, je suis sur la défensive. Je défends mes mots en les reprenant. Mais pourquoi me défendre si ce n’est parce que je crains quelque chose ? Peur de me tromper, peur du regard des autres ? Tant que j’adhère à cette crainte, à ce sentir, je suis sincère mais je ne suis pas authentique.
Bonjour Laurence, et bonjour à toute personne qui lit, et souhaite entrer dans la discussion 😆
Je trouve très intéressant cette distinction entre « sincérité » et « authenticité », elle m’interroge cependant sur plusieurs points :
1 – Je me demande si ces distinctions peuvent être objectivées par quelqu’un de l’extérieur (de la même façon que l’on distingue un chien d’un chat) ?
2 – Cette distinction entre d’une part, « sincérité = être identifié à ses pensées » et, d’autre part, « authenticité = être détaché de ses pensées » conduit-elle pour celui qui est « authentique » à être « honnête » avec lui-même ? C-à-d. à reconnaître, à discerner ce qui se joue entre ses émotions et la conscience qu’il en a ? En effet, j’imagine que l’on peut être détaché de ses émotions, et de ses pensées, tout en étant malgré tout dans des formes d’illusion, ou de pures rhétoriques.
3 – Est-ce que les justifications « ce n’est pas ce que je voulais dire…etc. » témoignent nécessairement d’une crainte, d’une peur de se tromper ?
4 – Enfin, dernière question, si je n’éprouve plus aucune peur de me tromper, suis-je pour autant « authentique » et « lucide » en ce qui concerne mes fonctionnements ?En résumé,
1° Je me demande si une personne « authentique » est nécessairement « lucide » et « honnête » alors que la proposition le suggère par le fait d’être à distance de ses émotions ?
2° Si je suis « authentique » et « lucide » puis-je me le prouver à moi-même ?
3° Si je suis « authentique » et « lucide » puis-je le prouver à autrui ?Merci beaucoup Laurence pour ce partage.
Merci également à tous ceux qui souhaitent proposer d’autres regards.23 mars 2015 à 14h00 #5212Bonjour,
Un ami m’a joint sa réponse par email, je la recopie ci-dessous :
La sincérité est apparentée à la vérité, elle s’oppose au mensonge. Etre sincère c’est ne pas dissimuler des actes ou des conceptions que l’on considère comme susceptibles de nous porter tort. C’est ne pas cacher nos insuffisances, nos fautes, c’est être vrai avec soi-même et dans l’échange avec autrui. Il est tout à fait normal de se trouver en difficulté pour exprimer cette vérité et de reformuler ses propos dans un débat philosophique. « Ce n’est pas ce j’ai voulu dire » n’est pas obligatoirement une échappatoire pour tenter d’accréditer une fausse vérité que l’on s’est construit et l’on veut présenter à autrui. Reformuler sa pensée, n’est-ce pas la pratique élémentaire qui permet de progresser sur le chemin de la vérité ?
L’authenticité (qui est authentique) se référe en particulier au caractère unique de l’objet, à sa spécificité qui le rend vrai, exact et par extension sincère. En droit, la copie d’un acte n’est pas authentique, elle doit être reconnue comme « copie authentique » d’un acte original, seul authentique. Une oeuvre d’art authentique est évidemment unique. Ce qui fait l’authenticité d’une intervention dans un débat c’est avant tout son originalité qui porte la marque d’une (forte) personnalité. C’est vraiment ce que dit l’intervenant mais ce n’est pas forcément vrai ou faux.
Si l’on tient à tout prix à distinguer les deux termes, on peut dire que la sincérité a à voir avec l’éthique et que l’authenticité se situe plutôt dans le domaine de l’ontologie. Mais, faut-il vraiment distinguer sincérité et authenticité ?
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