Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Habitudes et coutumes nuisent-elles à la liberté de penser ? Sujet du 03.08.2015
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29 juillet 2015 à 14h50 #5274Habitudes et coutumes nuisent-elles à la liberté de penser ?
« On raconte que Platon, voyant quelqu’un qui jouait aux dés, lui fit des reproches. Ce dernier répondit qu’il jouait pour peu de chose. « Mais l’habitude, répondit Platon, ce n’est pas peu de chose. » (III 38)
> D’abord Platon a-t-il vu une seule fois le joueur jouer et, dans ce cas, il fait l’hypothèse qu’il joue d’habitude ou bien lui adresse-t-il des reproches pour l’avoir vu jouer plusieurs fois ? L’habitude est-elle observée ou conjecturée ?
Ensuite s’agit-il d’une condamnation de l’habitude de jouer ou bien, plus généralement, d’une condamnation de l’habitude ?
La première est spontanément plus intelligible que la seconde mais se comprend de deux manières : est-ce une condamnation du jeu, l’habitude étant un facteur aggravant ou de l’habitude de jouer, le jeu à titre exceptionnel n’ayant alors rien de prohibé ?
Cette même alternative peut s’interpréter à son tour de quatre façons : est-ce le jeu tout court qui est visé ou le jeu de hasard ou le jeu d’argent ou le fait de jouer de l’argent à un jeu de hasard ?Quoi qu’il en soit, toutes les raisons envisagées jusqu’à présent porteraient sur la valeur discutable du jeu. Mais on peut aussi faire l’hypothèse que c’est l’habitude qui, en tant que telle, est condamnée.
L’habitude n’est-elle pas incompatible avec la maîtrise de soi ? Faire les choses machinalement, quelles qu’elles soient, c’est ne plus en décider. En outre, si comme le dit le Phédon, philosopher, c’est se défaire le plus possible des contraintes corporelles, avoir des habitudes revient souvent à obéir à son corps, ne plus le guider mais le suivre plus ou moins. Certes les habitudes peuvent être mentales mais elles n’en restent pas moins manifestations de passivité. »
Merci à Philalethe, d’où je copie l’intro ci-dessus.Des questions : Il y a les habitudes du corps, celles de la pensée, et il y a les habitudes qui animent les groupes humains (les famille, les tribus, les sociétés), on les appelle alors «des coutumes». Toujours est-il que si l’habitude donne à notre vie des repères, demandons-nous si ceux-ci nous enferment dans quelques prisons ou, au contraire, s’ils sont les appuis à partir desquels se gagne notre liberté de penser ?
Autre question : si l’on conçoit aisément qu’il y a de bonnes et de mauvaises habitudes, y a-t-il également de bonnes et de mauvaises coutumes au regard de la liberté de penser ?Ressources
– L’habitude, introduction de la notion. De l’encyclopédie Universalis
– Le texte intégral sur Philaleth, d’où j’ai copié l’intro ci-dessus.
– Perceptions, habitudes et idées, David Hume dans philo5
– Le paradoxe éthique de l’habitude. Un article de Pierre Abel
– L’habitude selon Durkein (sociologue)
– L’équivoque de l’habitude. Un article assez savant de Claude Romano (philosophe) sur l’habitude de Descartes ) Ricoeur.
– Coutumes, usages et conflit (et rapport à la loi, au Droit)
– Introduction du colloque sur « La coutume, formes, représentations et enjeux ». Choisir le thème de la conférence qui vous intéresse sur Canal U (vers le bas de la page du lien ci-dessus)Citations
« Disons donc ainsi, qu’à l’homme toutes choses lui sont comme naturelles, à quoi il se nourrit et s’accoutume ; mais cela seulement lui est naïf, à quoi la nature simple et non altérée l’appelle : ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est la coutume. » Discours de la servitude volontaire. Etienne de La Boétie – > (Audio book sur la Servitude ici)Nous sommes ainsi faits que ce qui est consacré par la coutume nous paraît receler une vérité. « C’est vrai puisqu’on l’a toujours dit ». Or les coutumes sont multiples et diverses dans le temps et dans l’espace. D’où l’extraordinaire relativité des opinions humaines. « Plaisante justice, s’écriait Pascal, qu’une rivière borne! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Pensée 294 B.
« C’est seulement par la coutume que nous sommes déterminés à supposer le futur en conformité avec le passé. Lorsque je vois une boule de billard se mouvoir vers une autre, mon esprit est immédiatement porté par l’habitude à attendre l’effet ordinaire, et il devance ma vue en concevant la seconde bille en mouvement. Il n’y a rien dans ces objets, à les considérer abstraitement et indépendamment de l’expérience, qui me conduise à former une conclusion de cette nature : et même après que j’ai eu l’expérience d’un grand nombre d’effets répétés de ce genre, il n’y a aucun argument qui me détermine à supposer que l’effet sera conforme à l’expérience passée. Les pouvoirs par lesquels agissent les corps sont entièrement inconnus. Nous percevons seulement leurs qualités sensibles : et quelle raison avons-nous de penser que les mêmes pouvoirs seront toujours unis aux mêmes qualités sensibles ?
Ce n’est donc pas la raison qui est le guide de la vie, mais la coutume. C’est elle seule qui, dans tous les cas, détermine l’esprit à supposer la conformité du futur avec le passé. Si facile que cette démarche puisse paraître, la raison, de toute éternité, ne serait jamais capable de s’y engager. » David Hume (Traité de la nature humaine)« L’habitude c’est la volonté qui a un corps, exactement qui possède son corps. C’est une sorte d’instinct acquis. Et il n’y a point de volonté efficace sans l’habitude, qui a ainsi pour rôle d’élever l’instinct au niveau de la pensée. Ici il est important de distinguer l’habitude qui est au service de l’action, et la coutume qui au contraire y résiste. » Jean-Jacques Rousseau.
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