La corruption est-elle inévitable ? Sujet du lundi 17.04.2017

[René]

La corruption est-elle inévitable ?
Des rapports entre droit, morale et politique

Le raisonnement des politiques, c’est : « Si on commence à creuser, on va trouver des affaires sur mes petits camarades de parti, qui touchent de l’argent des labos pharmaceutiques sur des comptes offshore. » Ce genre de chose… Il y a une entente, une neutralisation. J’ai trouvé cela frappant dans les affaires de Nicolas Sarkozy, de voir que François Hollande ne lui rentrait jamais dans le lard sur ces questions-là.
Eva Joly, magistrate dans Mediapart du 18.03.2017

Etymologie : du verbe corrompre, venant du latin corrumpere, briser, détériorer, physiquement ou moralement.
La corruption est l’utilisation abusive d’un pouvoir reçu par délégation, elle vise à satisfaire des fins privées au détriment de l’intérêt public.
Elle consiste, pour un agent public, un élu, un médecin, un arbitre sportif, un salarié d’entreprise privée…, de s’abstenir de faire, de faire, de faciliter quelque chose, du fait de sa fonction, en échange d’une promesse, d’un cadeau, d’une somme d’argent, d’avantages divers…
On distingue deux types de corruption :
– La corruption active pour l’auteur de l’offre de promesse, de présents, d’avantages…
– La corruption passive pour celui qui, du fait de sa fonction, accepte ou sollicite cette offre.

Citations
– C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites.
MONTESQUIEU, De l’esprit des lois,

– Les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer.
La Rochefoucault.

–  Tous les hommes sont méchants, et ils sont prêts à mettre en oeuvre leur méchanceté toutes les fois qu’ils en ont l’occasion.
Machiavel.

– L’homme est constamment mû par une « nature envieuse », ce qui explique que c’est « une chose vraiment très naturelle et ordinaire que le désir de conquête. 
Machiavel.

– On peut être injuste de deux manières, ou par violence ou par ruse ; la ruse est l’affaire du renard, la violence celle du lion, l’une et l’autre sont tout ce qu’il y a de plus étranger à l’homme, mais la ruse est la plus détestable des deux. Dans tout le champ des actes injustes, nul n’est plus coupable que ceux des hommes qui agissent de manière à paraître honnêtes au moment où ils vous dupent le plus.
Machiavel.

– On ne doit pas s’attendre à ce que les rois se mettent à philosopher, ou que des philosophes deviennent rois ; ce n’est pas non plus désirable parce que détenir le pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison. Mais que des rois ou des peuples rois (qui se gouvernent eux-mêmes d’après des lois d’égalité) ne permettent pas que la classe des philosophes disparaisse ou devienne muette, et les laissent au contraire s’exprimer librement, voilà qui est aux uns comme aux autres indispensable pour apporter de la lumière à leurs affaires, et parce que cette classe, du fait de son caractère même, est incapable de former des cabales et de se rassembler en clubs, elle ne peut être suspectée d’être accusée de propagande. 
Kant.

« Sur la politique nous serons très brefs. Qu’est-ce que la politique ? Il y a longtemps que ce n’est plus l’art d’administrer les cités. Pour définir la politique nous serons forcés d’employer le langage kantien […] On dit qu’il y a morale toutes les fois qu’on s’astreint à ne jamais considérer les individus comme des moyens, mais comme des fins, c’est-à-dire toutes les fois que, voulant le bonheur des individus ou des nations, on ne se sert pas artificieusement d’autres individus pour parvenir à ses fins.
Et au contraire : la politique est une espèce d’opération non seulement qui permet, mais qui contraint à considérer les personnes morales comme des moyens. La politique est le nom qu’on donne à une série d’opérations où sans cesse les gens ne sont pas seulement les fins dont on se propose le bonheur ou le bien, mais les moyens par lesquels on entend passer; ce qui implique naturellement que la morale réprouve le mensonge, mais que la politique l’admet ou même y force. »
Charles Péguy. (janvier 1904) notes de la page 1282, La Pléiade, t. I, p.1816.1817

Questions corrélées : la transparence, est-ce de la dictature ?

Ressources
– Joly et Montgolfier contre «l’esprit de la corruption». Mediapart du 18.03.2017
– Pourquoi la société réagit si peu à la corruption ? Pierre Lascoumes, sociologue. Article offert par Mediapart.
– Comment concevoir les rapports de la morale et de la politique ? Simone Manon dans Philolog
– Machiavel, morale et politique. Simone Manon dans Philolog
– Droit et morale, comment concevoir leurs rapports. Simone Manon. Philolog
– Le remède de Machiavel contre la corruption. Le devoir de philo.
– La corruption, un concept philosophique et politique chez les Anciens et les Modernes. Thierry Ménissier, philosophe.
– Percevoir et Juger la corruption politique. Philippe Bezes et Pierre Lascoumes. La revue Cairn
– La corruption en démocratie, Montesquieu ou les infortunes de la vertu. Un article de Celine Spector.
– Justice politique. Article Universalis

> Des exemples de corruptions sur notre forum.
– Démocratie 2.0, un comparatif des démocraties sociales avec le Québec et les pays scandinaves.

Ressources à voir ou à entendre.
– La corruption, ça suffit. Monique Pinçon-Charlot, sociologue. Pierre Lascoumes, sociologue, François Morin, économiste, Cynthia Fleury, philosophe. Mediapart.
– La corruption en politique est-elle inévitable ? André Lacroix, philosophe québécois.
– De la corruption en démocratie après Montesquieu. Céline Spector
– Corruption, un phénomène ancien pour un problème nouveau ?
– Différentes émissions sur France Culture.

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