Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse La guerre se doit-elle d’être juste ? Sujet pour le 30.11.2015 + un bref compte-rendu

3 sujets de 1 à 3 (sur un total de 3)
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    Messages
  • #5314
    René
    Maître des clés
      Une guerre se doit-elle d’être juste ?

      « Les hommes ont toujours pour mobile la crainte, l’intérêt et le sens de l’honneur ; mais, plus profondément, ils souscrivent, individuellement ou collectivement, à un principe unique : l’impérialisme. Tous recherchent l’autarkéia : la « liberté », la non-dépendance. Au début, ils s’arment pour se prémunir contre une oppression éventuelle ; mais, bientôt, ils se rendent compte de leur puissance et comprennent que le meilleur moyen de n’être pas soumis par le voisin, c’est de le soumettre ; ils l’assujettissent ; le processus, dès lors, est inéluctable. Quand on a montré une fois sa force, on ne peut plus manquer de s’en prévaloir ; c’est le voisin du voisin qu’on envahit pour prouver au premier qu’il aurait tort de se rebeller. Ainsi se constituent les empires : un jour, toutefois, la conquête fait immanquablement basculer le conquérant, trop faible, malgré sa force, pour contenir les forces qu’il a provisoirement matées. »
      Thucydide (400 av J.-C.)

      Thucydide avait bien compris la logique de la guerre préventive, une logique qui, et on le sait aujourd’hui, ne conduit qu’à l’aggravation des conflits, chacun pouvant toujours justifier du fait de se sentir menacé par son voisin.
      En 106 après J.-C., les écrits de Cicéron, basés sur le collège des prêtres chargé des relations internationales, mettent en avant la justesse des guerres défensives (repousser une attaque), voire préventives, et des guerres de représailles (se venger). D’autre part, il réapparaît sous la plume de Sénèque une justification des interventions militaires humanitaires. Renverser un tyran opprimant son peuple est permis dans la mesure où, persécutant sa population et atteignant des degrés tels de dépravation morale, « il ôte à toute entreprise contre lui son caractère sacrilège ».

      La pensée chrétienne va quant à elle fournir un effort continu de réflexion s’étalant de l’Antiquité tardive à la période moderne. Saint Augustin (354 – 450 ap. J.-C explicite dans La cité de dieu : la paix est un acte de vertu et la guerre est contraire à la paix, donc à la vertu, par conséquent la guerre est forcément un péché. Il faut attendre au XIIIe siècle la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin pour voir circonscrire par principe les guerres à la légitime défense, et accepter par exception des guerres offensives pour la réparation d’un préjudice ou la cessation d’une injustice dont souffre un Etat ou une population. Au XVIe siècle, Francisco de Vitoria prolonge cette pensée en donnant au prince le droit naturel de défendre l’univers contre l’injustice et lui permettant d’intervenir s’il est avéré que des sujets souffrent des injustices de leur roi. 

      En gros, on distinguera les causes d’une déclaration de guerre (Jus ad Bellum), et la justesse des moyens utilisés (Jus in Bello)
      Jus ad Bellum
      – Une cause juste (auto défense, …)
      – L’honnêteté des intentions (pas d’intérêt privé)
      – Action conduite en dernier ressort (capacités diplomatiques épuisées)
      – Chance raisonnable de vaincre (pas d’action suicide, ou de sacrifice des populations pour rien)
      – Déclarée par une autorité légitime (un chef d’Etat) > (entre nous, on devrait faire une grève de citoyens pour supprimer le droit des chefs d’Etat à déclarer des guerres.) B)

      Just in Bello
      – Discriminer qui l’on tue (ne pas tuer les civiles…)
      – Proportionnalité (les attaques restent proportionnelles…)
      – Responsabilité des commandants et combattants (on ne pert pas toute humanité, on contrôle ses pulsions criminelles, vengeresses)

      Aujourd’hui, s’il fallait le préciser, depuis la création de l’ONU, les accords internationaux interdisent l’entrée en guerre à titre préventif. Bien entendu, les Etats ne s’obligent que dans les limites de leur bon vouloir.

      Ressources
      La guerre en débat (la chronique de Jacques Munier) sur France Culture.
      L’islamisation de la radicalité selon Olivier Roy dans la Chronique de Jacques Munier, ou cliquer ici pour accéder l’article du Le Monde (envoyé par un ami).
      La notion de guerre juste à l’épreuve des exemples contemporains (Nader Barzin dans Cairn info)
      La guerre juste au prisme de la théorie politique (Daniel R. Brunsletter et Jean-Vincent Holeindre dans le Cairn info)
      Quelles pertinences pour la notion de guerre juste ? Dans Etudes Géostratégiques) Simon Baumert (Master II)
      Rencontre avec Michael Walzer, Une guerre peut-elle être juste ? Sur Histoire Globale
      – Qu’est-ce qu’une guerre ? Que peut le Droit ? Les nouveaux chemins de la connaissance (France-Culture)

      #5315
      René
      Maître des clés
        Un bref compte-rendu

        Ambiance
        – Environ 25 personnes,
        – Quelques nouveaux participants qui ont pris la parole
        – D’anciens participants qui jouaient les provocateurs (par exemple, en proclamant qu’il faut rendre la Corse aux Corses…)
        – Heureusement, d’autres participants continuent à jouer le jeu en dépit des inerties opérantes. Ils/elles poursuivent l’enquête, proposent des angles d’analyse nouveaux, risquent une hypothèse ou une autre, et permettent au débat d’étirer ses ramifications, d’élargir notre pensée. B)

        Une problématique
        A la lucidité toute « utilitariste » que développe Thucydide s’oppose une pensée éthique et chrétienne (voir message précédent). Utilitarisme et éthique forment le long des siècles une dialectique tant il est vrai que la morale seule d’un côté, et l’utilitarisme seul de l’autre, ne rendent compte que de leur insuffisance à penser la complexité des interactions humaines et des sociétés en général.

        A différencier le juste du justifié.
        A défaut d’être « juste » (éthique et morale) une guerre peut-elle être « justifiée » en ce sens où on en comprendrait les raisons ?
        Faut-il notamment adopter une attitude conséquentialiste à court, moyen et long terme ? Autrement dit, les actions qui sont menées, et en l’occurrence les logiques de guerre, résolvent-elles les problèmes, soulagent-elles le monde de quelques douleurs, ou aggravent-elles la situation ? Si les réponses à ses questions sont négatives, alors les noms des commanditaires de la guerre doivent être inscrits au panthéon de la honte.

        Autres questions
        – Ne devrions-nous pas, en tant que citoyens, obliger les politiques à répondre des conséquences de leurs actes ?
        – Pourquoi, en France, il semble impossible de dresser le bilan des actions/décisions des politiciens ?
        – Peut-on en finir avec la médiocrité des politiques, et des décideurs en général, si aucun bilan de leurs actions n’est dressé ?

        Une réponse ?
        > Tout responsable politique devrait être « forcé » par la loi (et par son peuple) à faire examen de conscience, à établir le bilan de son action.
        > Autrement dit, il devrait dire sur quelle base (information/étude/connaissance) il s’est documenté pour prendre une décision.
        > Les résultats de son action devraient être clairement établis et, in fine, il devra expliquer ses erreurs de jugement, et le cas échéant, montrer comment les choix opérés ont permis d’aller vers plus de « solidarité », et portés plus loin l’équilibre entre la liberté et l’égalité.
        > C’est cette obligation qui devrait être inscrite dans la Constitution, celle d’obliger les politiques à rendre compte de leurs résultats, chiffres à l’appuis. Ces derniers étant fournis par l’Insee, des universitaires, et des institutions/associations indépendantes.

        Citations
        > « Les gens pensent à partir d’idées toutes faites, les décideurs politiques ne sont pas différents. » Olivier Roy dans
        « La société se donne-t-elle le droit de comprendre « ? (Du grain à moudre France-Culture)
        > Etre impuissant signifie-t-il être faible ? Xavier de la Porte dans Qu’est-ce qu’un bon chef ? Ecouter son excellente chronique ici.

        #5317
        René
        Maître des clés

          Je vous passe cet article d’un journaliste syrien (Telerama) qui vous donnera une idée de ce qui se passe sur le terrain :
          Pour Youcef Seddik, directeur du Centre de presse d’Alep, les médias occidentaux parlent trop de Daech. Et pas assez des révolutionnaires qui se battent.

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