Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Des cafés philo sur Grenoble › La honte prométhéenne, peut-on en sortir ? Sujet inspiré par Gunther Anders ce mercredi 05.02.2025 au Café des Arts. Grenoble
- Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 2 mois et 3 semaines.
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21 janvier 2025 à 15h44 #7682
Merci à l’équipe du Café des Arts (36, rue St-Laurent, Grenoble) d’accueillir une pratique des cafés philo dans leur bel espace (voir leur page Evenements ici)
En pratique, on se retrouve le premier mercredi du mois à 18h30
Merci de venir un peu plus tôt pour prendre sa boisson, se mettre en place de sorte à démarrer à 18h30)
Durée des débats (1h30 environ > 20h30 maximum)
Sujet proposé pour ce mercredi 5 février 2025 :
Sujet et questions pour notre débat :
De la honte prométhéenne, peut-on en sortir ? (en référence à Gunther Anders)
Une vidéo explique le concept de la honte prométhéenne, ici. C’est mieux si vous l’avez vue, mais pas nécessaire pour participer à notre échange.
Quelques éléments de définition :
Qu’est-ce que la honte ?
Elle est typiquement une émotion sociale, c’est-à-dire, relative à un contexte, à des normes, à un collectif dont on a intériorisé les valeurs.
Initialement, elle est un sentiment de déshonneur, d’humiliation, de faute en raison d’un comportement et d’attitude fautive.
Dans l’antiquité, Pour Platon, la honte (aischunè) est une vertu en ce sens, qu’elle est ce par quoi on se contient de tout dire ou de tout faire.
Mais, anthropologiquement, il n’est pas impossible que la honte soit un affect universel, selon le principe que nous sommes toujours redevables, en tant qu’être humain, à un collectif, à des mythes à quelque chose du fait même d’exister.Par rapport à Prométhée.
Il y a d’innombrables versions et interprétations du mythe. Retenons l’idée que Prométhée est puni pour avoir volé le feu aux dieux et l’avoir passer aux êtres humains. En guise de châtiment, Prométhée se retrouve attaché à un rocher, condamné à se faire dévorer chaque jour le foi par un rapace. Le foi repoussant durant la nuit, son tourment est quasiment éternel.Questions que nous nous poserons (et qui s’ajouteront aux vôtres):
Selon Günther Anders, nous sommes sous le joug d’une honte, celle liée à la puissance technique de nos sociétés, de notre industrie, de notre économie. Ne sommes-nous pas convaincus que les techniques sont plus performantes que notre artisanat ?
A partir de là, peut-on se libérer de la « honte » ?
Peut-on se libérer de la honte d’avoir honte ? En effet, la honte étant « honteuse » d’elle-même, elle se cache et on finit par se la cacher à soi-même. Dans une étape ultérieure, fatigué devant l’impuissance de notre propre honte, on peut choisir dans un geste de révolte ou d’inconscience de n’avoir plus rien à faire d’autrui et des conséquences de nos actes sur lui. On peut choisir l’arrogance et la jouissance d’exister par le pouvoir que nous donne la technique et les usages que l’on peut en faire.Qu’est-ce que la dignité ?
Le Prométhée en soi peut-il être digne ?Une citation de Günther Anders suivie de quelques ressources pour celles/ceux qui le souhaitent.
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Ressources consultées (et appréciées) qui m’ont inspirées :
– L’obsolescence programmée en pdf (version 1956 – 2002)
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 1/3. Une critique de l’ère de la technique. Par le Philoscope. Durée 15.52
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 2. Le décalage prométhéen. Par le Philoscope. Durée 37mn.
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 3. Par le Philoscope. Durée : 34mn
– Avoir raison avec… Günther Anders. 5 épisodes de 30mn sur France Culture.
– La série proposée par Michel Onfray. Cliquer ici.
– Günther Anders et l’obsolescence de l’homme. Par Parole de philosophe. Durée 33mn.
– La violence : oui ou non – Günther Anders et le pacifisme. Durée :15mn
– Mathieu Robitaille (prof de philo) : le rêve des machines selon Günther Anders | REPÈRES – E12. Durée : 1H02. (mars 2024)
– Claire Nouvian à propos de Günther Anders – Une journée particulière – France Inter (il s’agit d’un témoignage indirect par rapport aux idées de Günther Anders, dont Claire Nouvian s’inspire par au tsunami de Thaillande de 2004. Durée 45.Quelques règles concernant nos échanges
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
– Pas d’attaque ad hominem /ad persona.
– On essaie de rendre compte des raisons de sa pensée et de faire évoluer le débat.
– Chacun est le bienvenu, quels que soient sa formation, sa confession, son niveau de vie et ses références philosophiques.Mon approche des cafés philo.
Elle est plutôt non-directive, centrée sur les questions des participants. Nous nous efforçons de faire évoluer le débat au fur et à mesure de nos échanges.
Nous partons du principe que chaque participant est adulte, autonome, responsable de sa pensée et de ses dires, responsable de son comportement et curieux d’examiner aussi bien les raisons de sa pensée que de celles d’autrui.
Dans l’idée, nous nous appuyons sur le fait que le partage de nos réflexions et d’une écoute compréhensive est susceptible d’être profitable à tous, autant qu’à soi-même.Ce que le café philo n’est pas :
Le café philo n’est pas un lieu de propagande politique ou religieuse, ni il n’est celui d’une mise en spectacle de soi. On n’y vient pas faire la leçon aux autres ou répéter ce que l’on sait déjà, chacun étant déjà par lui-même le produit de sa propre pensée. L’effort que nous faisons porte sur une réflexivité mise en partage, sur l’écoute de l’autre et du débat qui se construit : on y assume les hésitations d’une pensée qui se cherche.Une biographie.
– Rédaction d’un mémoire de maîtrise sur les cafés philo dans le cadre d’un diplôme de pratiques sociales (Collège Coopératif Rhône-Alpes / Université Lyon 2)
– Administrateur du site des cafés philo.
– Animation du café philo d’Annemasse depuis les années 1995 (voir ici les derniers comptes rendus)
– Mon approche s’inspire de celle de Michel Tozzi (voir ici sa définition), sans y être aussi formelle (c’est une visée) et elle s’adresse surtout à des adultes (non à des enfants)
– Actuellement (septembre 2024), j’entame un parcours de licence en philosophie (UGA Grenoble).
– L’année passée (2023), j’ai entamé un DU sur les pratiques philosophiques.————————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
– Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
– Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
– Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
– Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
– Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
– Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.7 février 2025 à 12h59 #7688Compte rendu du débat : de la honte prométhéenne, peut-on en sortir ?
Merci à Eve, Geneviève et Sylvia du Café des Arts pour leur accueil. Malheureusement, le Café des Arts ne peut plus nous recevoir compte tenu de leur frais de gestion. Nous verrons plus tard si nous trouverons une solution.
Mais en attendant, et heureusement pour nous, un grand merci au Café citoyen La Chimère, 12, rue Voltaire, Grenoble (lien ici), qui se réjouit de nous accueillir.
Le prochain débat à la Chimère citoyenne aura lieu : ce mardi 28 février à 18h30.
> En principe, nous tiendrons séance le dernier mardi de chaque mois à 18h30
Question pour ce premier débat dans ce nouveau lieu : A quoi devons-nous notre liberté ? (voir ici l’introduction)
En attendant, le compte rendu de notre dernière rencontre au Café des Arts: de la honte prométhéenne (Gunther Anders).
Nous étions une petite vingtaine de participants et le débat s’est quasiment organiser « naturellement ». Je n’ai pas retenu les noms, mais l’un des participants a distribué la parole fort judicieusement. Il a pris en compte à la fois l’ordre des demandes de parole et la dynamique du débat, c-à-d en pondérant à qui la donner pour respecter une relative cohérence dans le fil de la discussion. Aux côtés du distributeur de la parole, Lucas invitait les participants à préciser leur pensée lorsqu’elle n’était pas comprise et, de mon côté (René), j’ai introduit brièvement le sujet. Par la suite, chacun s’est évertué à avancer avec les problématiques qui se faisaient jour au fil du débat.
En deux mots, la honte prométhéenne revient à renoncer à soi-même pour laisser les machines (la technique, l’informatique et les écrans) nous dominer (et/ou décider à notre place). Mais précisément, cette idée n’allait pas de soi : comment, de l’admiration que les machines peuvent susciter ici et là et, par ailleurs, compte tenu des services qu’elles procurent, comment peut-on y lire une honte ?
Ainsi, une problématique plus profonde semblait s’engager : tout désir est-il empreint de « honte » (d’une honte originelle, venant des « Dieux » et/ou de la mythologie) ?
Et, par ailleurs, s’agit-il d’une honte ou d’une culpabilité (d’une faute originelle ou sociale) ?Une première réponse en attendant d’aller plus avant : fasciné par la puissance de la bombe atomique (Gunther Anders y fait référence) ceux qui l’ont créé ont senti ce qui les dépassait, tandis que l’homme, en général, s’efface devant l’efficacité de la machine. De fait, la honte n’est pas ressentie comme première, elle est un effacement, un renoncement à soi-même devant les techniques qui accomplissent mieux que les humains, ce que nous ne saurions accomplir sans elles. De là, le titre de l’ouvrage, « L’obsolescence de l’homme » (version pdf ici, p. 87 pour la honte), de Gunther Anders : plus la technique s’améliore, moins l’homme devient utile, et plus son obsolescence devient patente. (Voir nos extraits de textes sélectionnés en bas de cette page)
L’anthropologie s’invite dans notre débat. Selon Pierrhane, la technique exerce un pouvoir dès lors qu’elle est enchantée, et la tentation du technicien (depuis la création de l’homme) consiste à se cacher derrière sa technique pour exercer un pouvoir. Par exemple, dans les tribus premières, les hommes se cachent pour créer les masques et autres objets rituels. Puis, lors de fêtes, de célébrations, de cérémonies d’initiation, ils reviennent pour magnifier la puissance et la cosmo-vision de la tribu qu’ils représentent, pour se faire craindre des femmes, des enfants, des non-initiés.
Pour faire le lien entre l’ IA et Dieu, un participant suggère que le stade de perfection recherché avec la machine, revient à créer un double de soi (un Frankenstein réussi, un androïde) quelque chose qui nous ressemble. C’est l’idée de se réifier soi-même pour démultiplier sa puissance, le sentiment de son existence. Cela revient à se dupliquer à l’infini (à se faire Dieu – à se vivre tel Mr. Smith in the Matrix (analyse du personnage ici, par le Clap)
Est-ce la technique qui nous fait agir ainsi ou est-ce le système social (ses règles sociales) qui inclinent à nous faire agir et qui confèrent à la technique toute la valeur symbolique qu’on lui donne ?
Quelle place le pouvoir acquiert-il pour celles/ceux qui ont la maitrise des machines à l’égard de ceux qui en dépendent ? Le pouvoir abuse-t-il toujours de lui-même (de sa propre jouissance) ? Le pouvoir rend-il indifférent aux gens ?
Entre soi et autrui, il y a une technique, mais aussi un ordre social et ses conventions, qui rencontrons-nous lorsque nous rencontrons autrui ? Qu’est-ce qui agit à travers moi, l’ordre social, la machine, le sentiment de mon exaltation, ma honte, mon éthique ?
D’autres questions s’enchainent dans notre débat :
Les machines (les IA) ne pensent pas, certes, mais ceux qui les fabriquent, parviennent-ils à les faire penser à notre place ?
Le but des IA est de nous maintenir captifs des réseaux et des écrans. Jusqu’où peut-on se laisser asservir ? Ou, à l’inverse, à quel prix peut-on s’émanciper, se libérer de nos dépendances ?Comment reprendre du pouvoir sur notre vie ?
Avoir honte des compétences que l’on perd par l’usage des machines (ne plus savoir écrire, compter, se repérer dans l’espace…) relève d’un embarras plutôt que d’une honte, laquelle se cache derrière des compétences sociales qui se perdent, comme ne plus savoir entrer en communication avec autrui ou encore, perdre son emploi et se faire remplacer par une machine ou une IA, c’est ça l’obsolescence de l’homme.
Un témoignage de l’obsolescence : mon père travaillait à la SNCF, les billets de train étaient gratuits pour lui, mais il ne pouvait plus voyager, car il fallait passer par des « ordinateurs » pour les obtenir : l’évolution technique l’a rendu obsolète. L’obsolescence sociale, c’est cela qui est choquant.
On ne se reconnait plus dans la société qu’on nous fait.
Il y a un problème avec la honte :
Il y a ceux qui ne ressentent pas la honte, ceux qui la ressentent pour les autres – comme par un excès d’altruisme ou de culpabilité, et ceux qui l’ont intériorisé relativement à leur environnement social.
La honte prométhéenne semble provenir d’un registre plus profond, d’une échelle plus large, plus universelle, moins directe et, ce registre-là, on tend finalement à ne pas le percevoir en direct. C’est bien l’un de nos problèmes.Pour conclure : honte et justice, une ouverture ?
Dans la mythologie, dès que les hommes se sont emparés du feu, ils se sont fait la guerre, de là, Dieu a imposé sa justice. Mais, aujourd’hui, émancipés des dieux, demandons-nous aux machines de prendre le relai ?
De quelle justice pouvons-nous / devons-nous nous faire les auteurs pour ne pas laisser les IA le faire à place ?Autres questions : comment hiérarchise-t-on nos choix ? Ne pas perdre sa vie à la gagner (disait-on dans les années 70), ne pas se la faire voler par les IA, les Gafam et autres logiciels de sélection sociale pourrait-on dire aujourd’hui ? (Voir ici, comment l’IA est programmée pour Parcoursup, analyse de la Quadrature du Net)
Une information au cas où : Il y a des collectifs locaux qui recréent du commun pour se réapproprier des usages techniques (les ateliers vélos) et, par rapport à l’informatique, il en a été fait mention, il y a l’association Grésille (voir ici, Grenoble) qui fournit des adresses emails indépendamment des Gafam et il y a l’association Rézine (voir ici) qui permet de se connecter via la fibre sans passer par les grands fournisseurs d’accès (Free, SFR, Orange, Bouygue…)
Fin du compte rendu, mais n’hésitez pas à poster sur notre forum ce que vous avez retenu de nos échanges. Merci à vous.
Ci-dessous, des extraits de texte pour comprendre la honte, selon Gunther Anders.
La honte du bossu, les extraits de texte ci-dessous, sont tronqués pour en faciliter la lecture. On les trouve ici, page 87 (version 1957), dans le pdf de l’ouvrage de Günther Anders, L’obsolescence de l’homme.
Notre honte se double d’une arrogance. C’est très classique comme comportement. Notre impuissance se pare d’arrogance.
Les machines étant toujours plus efficaces que l’être humain, nous leur déléguons notre volonté. La honte prométhéenne vient du fait que nous ne saurons jamais d’où l’on vient. Fondamentalement, ontologiquement, notre origine nous échappe.
Autres citations :
Cette dernière citation n’est pas de Günther Anders.Ressources consultées (et appréciées) :
– L’obsolescence programmée en pdf (version 1956 – 2002)
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 1/3. Une critique de l’ère de la technique. Par le Philoscope. Durée 15.52
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 2. Le décalage prométhéen. Par le Philoscope. Durée 37mn.
– Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 3. Par le Philoscope. Durée : 34mn
– Avoir raison avec… Günther Anders. 5 épisodes de 30mn sur France Culture.
– La série proposée par Michel Onfray. Cliquer ici.
– Günther Anders et l’obsolescence de l’homme. Par Parole de philosophe. Durée 33mn.
– La violence : oui ou non – Günther Anders et le pacifisme. Durée :15mn
– Mathieu Robitaille (prof de philo) : le rêve des machines selon Günther Anders | REPÈRES – E12. Durée : 1H02. (mars 2024)
– Claire Nouvian à propos de Günther Anders – Une journée particulière – France Inter (il s’agit d’un témoignage indirect par rapport aux idées de Günther Anders, dont Claire Nouvian s’inspire par au tsunami de Thaillande de 2004. Durée 45.————————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
– Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
– Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Enregistrez-vous ici pour être informé des sujets.
– Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
– Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
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