Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse La vérité des faits peut-elle se retrouver dans des généralités ? Sujet proposé par Marina le 27.04.2015 + résumé du débat + résumé de la modération

  • Ce sujet contient 2 réponses, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 10 années.
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  • #5229
    René
    Maître des clés
      La vérité des faits peut-elle se retrouver dans des généralités ?

      Merci Marina pour la proposition de ce sujet, en voici le substrat :

      Dans le langage courant, comme au café philo, on se fait parfois le témoin de généralités toutes faites, vous savez ce genre de phrases qui commencent par : les politiciens sont tous pourris, les riches sont égoïstes, les beaux gosses sont narcissiques, les femmes sont faibles, les bodybuildeurs sont idiots, le monde est mu par la quête du pouvoir, les parisiens sont … etc.,

      Les raisons justifiées de rejeter une généralité :
      > l’énoncé est inexact,
      > la manière dont il est dit est inadaptée (le moment, lieu, environnement)
      > la façon de le dire est péremptoire, l’arrogante,
      > la généralisation est totalisante, elle interdit la nuance.

      Les raisons non légitimes de rejeter une généralité :
      > la personne ne veut pas l’entendre,
      > elle ne cherche pas à comprendre,
      > elle rejette le propos avant de le questionner
      En bref, la personne exprime un comportement de « rejet », de fermeture, de non écoute.

      Mais toutes les généralisations sont-elle erronées ?
      Quand une femme entend que toutes les femmes sont physiquement moins fortes que les hommes, elle peut se sentir offensée, mais cela en change-t-il la réalité ? Cette généralisation n’est-elle pas fondée ?

      Question 1 : peut-on faire des généralités dans tous les domaines (sociaux, culturels, etc…) ?

      Faire une généralité n’exclut pas l’existence d’exceptions.
      En économie, il est indispensable de faire des moyennes. Quand on dit que l’économie de la France a été mauvaise, on ne prétend pas que chacune des entreprises ait été affectée par la crise économique.

      Les femmes sont globalement plus douces et attentionnées que les hommes, c’est une conséquence sociale, culturelle et même génétique. Faire des généralités facilite les raisonnements, sans elles, il serait difficile d’aborder certains sujets, on se trouverait bloqué dès la première étape.

      Question 2 : y-a-t-il des dangers à faire des généralités ?

      Question générale : la vérité des faits peut-elle se trouver dans des généralités ?
      Autre question : qu’est-ce qui distingue une théorie qui énonce des lois scientifiques, (qui comprend donc des principes généraux) d’une généralisation basée sur l’opinion ?

      Pour aller plus loin :
      > Une conférence « Le pouvoir explicatif de l’intérêt personnel » (qui sera donnée à Genève demain par Emma Tieffenbach et Phileas (association des étudiants en philosophie de Genève) :
      ➡ 23 avril 2015 en salle U159 (à Uni-Dufour) à 18h15. Je compte y aller, on se retrouve là-bas ?

      > Qu’est-ce qu’argumenter ? (pages du site Etudes littéraires)
      > Une typologie des arguments en philosophie (sur Philo 5 > Penser par soi-même (Michel Tozzi)
      > Les fautes de raisonnement d’intellectuels (un article d’André Senik, professeur de philosophie)
      > Qu’est-ce qu’une stratégie d’argumentation en philosophie? Un article de « philotique » professeur de philosophie.
      > Une fiche technique de l’argumentation (académie de Verssaille)

      Vidéo corrélée :

      Samuel Bendahan (chercheur en économie comportementale) met en évidence un lien entre accumulation de pouvoir et la tentation à être corrompu (cliquer ici. Durée du clip 4mn).

      Question : jusqu’où peut-on généraliser l’idée que le pouvoir et l’argent corrompent ?
      Ébauche de réponse : Tant que ceux qui ont du pouvoir cachent les manières dont ils exercent, tant qu’ils n’affichent pas les règles éthiques qui président à leur décisions, tant qu’ils prennent pas des mesures de transparence pour rendre compte des raisons et des conséquences de leurs actions.

      ————————————–

      Autre information
      Nous faisons voiture commune depuis Annemasse-Genève pour nous rendre aux Rencontres sur les Pratiques Philosophiques cet été, les 24, 25 et 26 juillet (Voir les infos ici).
      > Notre programme se précise : nous partons jeudi 23 au matin. Visite d’un site dans l’après-midi. Nuit-étape vers Montpellier. Arrivée à Sorèze vendredi midi pour le début du séminaire. Retour lundi matin le 27, et arrivée à Annemasse dans l’après-midi. Nous contacter ici, ou lors du café philo si vous souhaitez plus d’info. Merci

      #5240
      René
      Maître des clés

        Compte-rendu du débat
        La vérité des faits peut-elle se retrouver dans des généralités ?

        Ambiance générale :
        – Une vingtaine de personnes.
        – Un débat qui se cherche dans sa première partie, et qui évoluera grâce à l’esprit de recherche qui motive les participants présents, grâce également à la diversité des interventions. Le débat fut pondéré par des problématisations proposées par Marie-Thérèse.

        Un cheminement des idées durant le débat

        Une définition :
        La généralisation est un procédé qui consiste à dégager des caractéristiques d’un groupe donné d’objets, de concepts, ou d’êtres vivants, l’ensemble ainsi créé constitue une synthèse associé à des particularités définies comme étant similaires.

        Un mode de fonctionnement
        > La généralisation est une opération actuelle. Il s’agit d’une fonction cognitive de base de notre système neuronal. Par exemple les bébés associent et classent automatiquement en diverses catégories les sons captés dans la prosodie du langage. Ce classement leur permet de distinguer ce qui semble être des mots dans le flux continuel des sonorités entendues. Plus tard, les enfants appliquent, finalement de manière fautive, des règles de grammaire qu’ils n’ont jamais apprises, mais qu’ils déduisent de l’usage de la langue: « J’ai peinturé », disent-ils, au lieu de « J’ai peint ».
        > Le cerveau crée donc des généralités de façon automatique, voire de façon abusive, c’est-à-dire en éliminant des caractéristiques, mais sans prédéfinir des critères de choix.
        > Certaines généralisations se fondent sur une recherche scientifique. Elles rassemblent des observations, des analyses, des hypothèses, des vérifications, et font l’objet d’études approfondies, contradictoires, en ce sens que la science affine continuellement la connaissance des sujets sur lesquels elle se penche.
        > Par définition, toutes les généralités peuvent être représentées par une courbe de Gauss (en forme de cloche), laquelle rejette aux extrémités les valeurs ne correspondant pas à la moyenne.

        Un processus réducteur :
        > La généralisation se présente comme une utilisation pratique d’un ensemble de données construites de façon soit savante, soit « à la volée ». Mais le plus souvent, les généralités colportées n’expliquent pas les logiques sur lesquelles elles se fondent, et donc masquent la complexité des mouvements qui organisent les faits. Par exemple, les enfants de classes sociales dites « défavorisées » ne font généralement pas de longues études, ce constat ne constitue pas pour autant un déterminisme irrévocable, ni n’explique la raison du phénomène.
        > Par ailleurs, « le suivisme » garde son attrait habituel : on économise le fait d’avoir à penser par soi-même, on se maintient en sécurité dans la zone de confort de son groupe d’appartenance.
        > En somme, par un raccourci de la pensée, une généralisation peut donner à croire que les choses « normées » ne sont rien d’autre que les faits bruts de la réalité, laquelle serait à accepter comme telle.
        > Comment les généralisations que l’on crée délimitent, nous enferment, et réduisent le monde dans lequel on vit ?

        Des situations problèmes
        > Le processus de généralisation demande de mettre de côté des spécificités, lesquelles peuvent avoir une importance cruciale pour comprendre un phénomène, une situation complexe.
        Deux exemples de réduction : l’anthropologie du XIX ème siècle était racialiste, elle cherchait à distinguer des traits spécifiques aux « races humaines ».
        Second exemple, la caractéristique première des mammifères est qu’ils allaitent (mamelles), ce qui est le cas de l’ornithorynque, mais ce dernier possède également des caractéristiques communes aux ovipares, qui eux, forment une autre branche de l’évolution des espèces.
        > La généralisation peut suivre une tendance naturelle à juger, à accuser autrui des problèmes que l’on a, puis à justifier ses raisons de penser en fonction de préjugés qui se trouvaient, en réalité, déjà préétablis.
        > Rendre compte d’une éventuelle vérité des faits consisterait à clarifier les logiques, les mobiles, les valeurs, la vision du monde qui président à un processus de généralisation.

        En guise de conclusion
        Au delà des raisons de généraliser qui se trouvent fondées (justifiées par exemple par le besoin de connaissance), et infondées (causées par négligence, par économie de pensée), il apparaît que des généralisations se créent également sur la base de croyances profondes, de préjugés sournois, car non mis en évidence.
        Par exemple, un juge peut être enclin à condamner plus lourdement les prévenus en fonction de sa croyance dans le fait que l’homme peut ne pas pouvoir se racheter de ses actes.
        Des politiques sont orientées à droite ou à gauche selon les convictions qui animent les hommes au pouvoir.
        > Pourtant, la généralisation n’est rien d’autre qu’un procédé de la pensée, il ne permet pas de distinguer le bien du mal, la justice de l’injustice, le vrai du faux.
        > Se pose la question de l’intention qui motive l’acte de généraliser, d’instrumentaliser les résultats obtenus, et de porter des jugements ?
        > Veut-on résoudre des problèmes, comprendre des phénomènes, ou se laisser aller dans les tendances du moment ?

        #5241
        René
        Maître des clés

          Pour information, ci-dessous, les interventions de modération/problématisation du débat de Marie-Thérèse.

          > Vers la 10è mn, après le définition du mot « généralisation » : Pour illustrer le propos, voici un exemple de généralisation portant sur un concept : le concept de « lumière » fait appel à tout ce qui éclaire, au propre (une bougie) comme au figuré (une idée).
          La norme, quant à elle, est le produit d’une opération intellectuelle qui a sélectionné des faits de façon partielle, et selon des critères qui sont rarement bien délimités.

          Vers la 20è mn : Il me semble qu’il y ait un balancement continuel entre, d’un côté, le juste ou faux, le bon ou le mauvais.
          Il y aurait d’autre part, d’un côté les généralités qui n’auraient pas très bonne presse, et dont il faudrait se méfier, car elles relèveraient d’interprétations subjectives, culturelles. Et il y aurait de l’autre côté, des généralités qui découleraient plutôt de ce qui est démontré, vérifié scientifiquement, basé sur des statistiques (alors qu’on dit parfois « menteur comme des statistiques »).
          Mais tout n’est si tranchée, le dépassement de la subjectivité, certes nécessaire, se fait difficilement (par exemple, qu’y a-t-il derrière l’usage du « on » maintes fois décrié dans ce débat ?).
          – Comment rapproche-t-on « processus de généralisation et vérité des faits ?

          Vers la 40è mn : Parmi les préjugés, certains participants ont évoqué les théories racistes, il serait intéressant de creuser un peu, et de se demander pourquoi elles se sont transformées en vision du monde (Weltanschauung)
          Il a été aussi question de ces préjugés derrière lesquels se nichent des valeurs auxquelles on s’accroche (prises de position sur l’avortement, l’euthanasie… )
          L’approche scientifique, quant à elle, se construirait-elle en éliminant peu à peu des préjugés ?

          Conclusion : En conclusion, on peut relever l’importance de la formation de l’esprit critique. On peut souhaiter, que dans la société, à tous les niveaux, chacun puisse bénéficier de cette formation.

          Ps : Nous rapportons ces « modérations » car nous souhaitons mettre à l’étude des typologies d’intervention dans les actes de modération.

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