Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse L’amour peut-il revenir ? Sujet pour lundi 11.07.2016 + un bref compte-rendu.

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #5363
    René
    Maître des clés
      L’amour peut-il revenir ?

      Le sujet m’est suggéré par une émission de France Culture (Les nouveaux chemins de la connaissance) qui cite le texte ci-dessus de Sorein Kierkegaard.
      « Si j’avais eu la foi, je serais resté auprès de Régine. Dieu soit loué, je l’ai compris maintenant. J’ai été près de perdre la raison ces jours-ci. A vue humaine, j’avais raison contre elle, je n’aurais peut-être jamais dû me fiancer, mais à partir de ce moment-là, j’ai agi loyalement envers elle. Au sens esthétique et chevaleresque, je l’ai aimée bien plus qu’elle ne m’a aimé. Sinon, elle ne m’aurait ni montré cette hauteur, ni angoissé plus tard par son cri.
      J’ai donc commencé un récit intitulé : coupable, non coupable. Car, en un an et demi, j’ai vécu plus de poésie en moi-même que n’en contiennent tous les romans ensemble. Mais je ne le puis, ni le veut, mon rapport avec elle ne s’évanouira pas en poésie, il a une tout autre réalité, il n’est pas devenue une princesse de théâtre, il sera si possible ma femme.
      Seigneur Dieu, c’était pourtant là mon seul désir et j’ai dû m’y refuser. Humainement parlant, j’ai eu nettement raison et j’ai agi envers elle avec la plus grande noblesse en lui laissant ignorer ma douleur. Au plan strictement esthétique, j’ai été une grande âme. J’ose me rendre cette justice d’avoir fait ce que bien peu auraient fait à ma place. Car si je n’avais pas tant pensé à son bien, j’aurai pu la prendre, puisqu’elle-même me la demandé lorsque son père me la demandé. J’aurais fait œuvre de charité envers elle, et vu mon désir exaucé, et si un jour elle s’était fatiguée de moi, j’aurais pu la punir en disant qu’elle l’avait elle-même voulu. Je ne l’ai pas fait.
      Dieu m’est témoin de la manière dont j’ai veillé en moi-même, afin que nul oubli n’efface son souvenir. Je crois n’avoir adressé la parole à aucune autre fille depuis ces temps-là.
      Toute fripouille de fiancé, ai-je pensé, voyait en moi un être imparfait, un scélérat.
      Sorein Kierkegaard. Journal d’un séducteur.(1743)

      Dans ce texte Kierkegaard explique la rupture avec sa fiancée, et espère reprendre la relation.
      Régine avait 15 ans, lui en avait 24, il était étudiant, et a douté de sa possibilité de s’engager pour la vie. Puis, une année ou deux plus tard, au moment où il écrit, Kierkegaard espère reprendre la relation avec sa fiancée.

      Ressources
      L’amour peut-il revenir ? Kierkegaard. Les nouveaux chemins de la connaissance. France Culture
      Devenir soi avec Kierkegaard. Les nouveaux chemins de la connaissance. France Culture.
      Journal d’un séducteur, un résumé sur philosophie(point)com
      Solitude et célibat chez Kierkegaard, dans Implications philosophiques

      Notions ou concepts éventuellement mobilisés

      > La répétition. Que serait la vie sans répétition ? Répéto du latin « atteindre », attendre à son tour, riposter. `
      > Du rapport entre l’amour singulier et l’amour universel.
      > Solitude et amour sont-ils compatibles ?

      Dispositif pour le débat
      – Avant le débat, faisons un tour de table pour prendre les questions que vous pose le texte et la thématique du jour. Voyons si nous pouvons organiser les questions selon un certain ordre (du simple au complexe, du factuel au philosophique)
      – Un distributeur de la parole la donne dans l’ordre des demandes, une priorité est donnée à ceux qui s’expriment le moins.

      Quelques citations de l’auteur prises notamment dans Le Monde
      – L’amour ne se trouve que dans la liberté, et ce n’est qu’en elle qu’il y a de la récréation et de l’amusement éternel.
      – Dès ma première enfance, une flèche de la douleur s’est plantée dans mon coeur. Tant qu’elle y reste, je suis ironique – si on l’arrache, je meurs.
      – Si on ne sait pas faire de l’amour cet absolu auprès de quoi toute autre histoire disparaît, on ne devrait jamais se hasarder à aimer, même pas si on se mariait dix fois.
      – l’angoisse en soi n’est pas belle, elle ne l’est qu’à l’instant où l’on s’aperçoit de l’énergie qui la surmonte.
      – Aimer une seule est trop peu ; aimer toutes est une légèreté de caractère superficiel ; mais se connaître soi-même et en aimer un aussi grand nombre que possible, enfermer dans son âme toutes les puissances de l’amour de manière que chacune d’elles reçoive son aliment approprié, en même temps que la conscience englobe le tout – voilà la jouissance, voilà qui est vivre »
      – On s’explique pourquoi Dieu, lorsqu’il a créé Eve, plongea Adam dans un profond sommeil: la femme, en effet, est le rêve de l’homme.

      #5364
      René
      Maître des clés
        Un bref compte-rendu
        L’amour peut-il revenir ?

        Ambiance
        – Environ une vingtaine de personnes étaient présentes.
        – Quelques nouveaux participaient pour la première fois à un café philo.
        – La plupart des participants a pris la parole.
        – Un ou deux participants s’étaient informés de la philosophie de Kierkegaard, mais les autres ne la connaissaient pas.
        – A priori, les participants ont eu du mal à s’intéresser au texte de l’auteur.

        Quelques réflexions entendues :
        – Comment l’auteur (Kierkegaard) peut-il savoir qu’il aime davantage sa fiancée qu’elle-même ne l’aime ? N’est-ce pas prétentieux de sa part ? Elle pousse un cri qui l’angoisse, lui « se contente » de prendre intellectuellement de la hauteur, il se croit « chevaleresque ».

        Question qui se pose : l’intensité des sentiments entre deux personnes est-elle comparable ?
        > Supposons que l’on puisse comparer l’intensité des sentiments, et que ces derniers soient effectivement d’intensité égale, cela implique-t-il que les deux protagonistes veuillent s’engager de la même manière ?
        > Les sentiments sont une chose (un affect qui s’impose de lui-même), mais ce que l’on veut faire de cet affect relève plutôt de l’ordre des valeurs, notamment de la valeur de son estime personnelle.
        > Exemple. Imaginons qu’avec ma partenaire, nous partagions des sentiments sincères, de profondeur et d’intensité égales. Il se peut, néanmoins, que l’un de nous aspire à s’accomplir sur un plan professionnel, et l’autre sur le plan familial (limitons-nous seulement à cet exemple).
        Si je produis moins d’effort, cela signifie-t-il que mes sentiments sont moins forts ? Il est possible que mes choix de vie (mes valeurs) soient tout simplement différents.
        – Si je suis capable d’un sacrifice plus grand que mon voisin, cela signifie-t-il que mon âme soit plus grande que la sienne ?
        L’auteur, dans notre texte, peut-il vraiment estimer que sa grandeur d’âme dépasse celle de sa fiancée ?
        > Pourtant, dans la vie de tous les jours, on peut avoir le sentiment d’être capable d’un effort plus grand, d’une concession plus grande, voire d’un « sacrifice » plus grand que celui de son partenaire. Mais en sommes-nous certains, comparons-nous des choses (des âmes et des sentiments) qui sont comparables ?
        > Rappelons que dans le texte, la fiancée a 15 ans, tandis que Kierkegaard en a 24. Comment, dans ce type de comparaison, prendre en compte le décalage de la maturité entre une personne et une autre ?

        Amour et sacrifice
        – L’amour suppose-t-il de se sacrifier ? La réponse émise serait « plutôt non ».
        – Pourtant, l’amour peut-il être « libre » et sans contrainte ? La réponse émise serait « plutôt oui ».
        – Mais comment concevoir l’amour s’il ne comporte pas d’engagement ?
        – L’une des réponses apportées a été : si on aime, tout est naturel, rien ne nous contraint.
        > Serait-ce si simple que cela ?
        > Peut-être faut-il considérer que nous sommes des êtres humains responsables, c’est-à-dire, capables d’assumer les choix que nous faisons. Dès lors, on est supposé s’accomplir dans son engagement, et donc ne pas en faire payer le prix à autrui.
        – Savons-nous toujours à quoi nous nous engageons lorsque nous le faisons ?

        La philosophie de Kierkegaard nous pose problème en ce sens qu’il revendique une « croyance », mais refuse tout système de penser (anti hegelien), et par là même, toute forme de représentation de l’au-delà. Kierkegaard veut s’en tenir à son « sentiment d’existence », ce sentiment est la seule réalité qu’il connaît, et ce dernier lui incline à se repentir à l’infini, sans autre forme de salut imaginé.
        Kierkegaard est considéré comme étant le père de l’existentialisme, cette idée selon laquelle l’être humain éprouverait une angoisse, un vertige devant la liberté qui le saisit lorsque, prenant conscience de sa finitude, il réalise qu’il s’invente des dieux, des systèmes, des croyances, des espoirs. Pour Kierkegaard, tout cela n’est que distraction, l’homme se les inventent que pour échapper au sentiment de sa finitude.

        L’amour peut-il revenir ? Et si on répondait à la question ?
        Brièvement, les relations d’amour comptent parmi ce qui nous marquent le plus profondément. Donc si une relation d’amour a été vécue, partagée, elle nous a « transformé ». Peut-on donc revenir en arrière ?
        Rien n’est moins certain. Peut-être faut-il se demander : qu’ai-je appris de cette relation ? Comment puis-je aller de l’avant et continuer à grandir dans ma vie ? S’il s’agit de reprendre une relation, peut-être faut-il s’enquérir également de ce que son partenaire a appris, n’est-ce pas ? Puis, se demander si cette relation aurait plus de sens maintenant, qu’elle n’en a eu avant. Qu’est-ce qui a fait « rupture », suis-je en mesure d’intégrer, d’assumer ce qui a conduit à la rupture, et de trouver d’autres façons de réagir qui soient positives pour moi, mais aussi pour le projet du couple ?

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