Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Le désir selon Deleuze-Guattari, de quoi s’agence-t-il ? ce lundi 06.11.2023 à 19h00 + Compte rendu
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31 octobre 2023 à 20h05 #6906Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
à la Taverne, place de l’Hôtel de Ville. 74100 ANNEMASSELe désir, du point de vue Deleuze-Guattari.
Extrait de l’Abécédaire de Gilles Deleuze (lien ici)
Selon le dictionnaire, Gilles Deleuze (avec Guattari) montre l’aspect révolutionnaire du désir, d’une part, par rapport à la conception d’objet à désirer et, d’autre part, par rapport à la psychanalyse. Cette dernière appréhende le désir comme symbolique d’autre chose, notamment en raison d’une perte, d’une castration que le désir compense.
Le concept du « désir » du point de vue deleuzien-guattari est un anti-œdipe, il renvoie cependant à quelque chose de très simple, de très concret.
Jusqu’à présent, les philosophes, les théoriciens, les psychanalystes parlaient abstraitement du désir parce qu’ils en extrayaient un objet supposé être l’objet du désir : je désire une femme, je désire voyager, je désir ceci ou cela.
(C’est abstrait en ce sens que c’est non réel, coupé de la réalité effective)En effet, nous disons que nous ne désirons jamais quelqu’un ou quelque chose. On désire toujours un ensemble. Et nous, nous demandons quelle est la nature des rapports entre les éléments de cet ensemble pour que l’objet devienne désirable ? »
« Je ne désire pas une femme, je désire un paysage qui est enveloppé dans cette femme ». Proust (cité par Deleuze)
Paysage que je ne connais pas mais que je pressens, et tant que je n’aurai pas déroulé le paysage que la femme enveloppe, je resterai insatisfait.
Tout désir s’inscrit dans un ensemble, il n’est jamais « seul ».Le désir est « constructiviste », désirer, c’est construire un agencement.
Le désir coule selon quatre composants de l’agencement :
1° état de choses (un café n’est pas égal à un autre selon quand, où et avec qui je le bois)
2° les types d’énoncé (une ambiance)
3° un territoire (un lieu)
4° des processus de déterritorialisation.Questions :
Peut-on, doit-on toujours trouver des excuses à ses désirs ?
Tout désir doit-il s’accomplir ?
Le moi est-il à jamais insatisfait, insatiable ?
Faut-il dépasser le désir ?Des ressources.
– L’Abécédaire de GILLES DELEUZE : D comme Désir
– L’Anti-Oedipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Fiche enseignant + extrait vidéo de Guattari.
– Vidéo de 9mn Guattari intervenant dans un cours de Deleuze.
– Cours de Gilles Deleuze Anti-Œdipe et autres réflexions – Séance 1 et 2 – Cours du 27 mai et 3 juin 1980
– Guattari. Grand entretien
– Deleuze et Guattari (sur leurs relations). Les vendredis de la philosophie. 2007.
– Yves Clot. Affectivité et travail (du rapport entre les émotions, les affects et les situations du présent, à partir de Vygotski et Spinoza). Cours Unimail 2023, ici. ou, voir ici ma prise de notes de ce cours.Un rappel étymologique : Le mot désir dérive du latin desiderare qui signifie « être face à l’absence d’étoile », et par la suite, constater avec regret l’absence de quelque chose, ou de quelqu’un. Renouant avec cette étymologie, toute la philosophie du XXe siècle associe le désir au manque.
– Un cours classique par les Bons Profs. 10mn
– Le cours de Kartable.
– Des références écrites et radiophoniques de Radio France, ici.
– Un cours sur le désir d’André Comte-Sponville. HUG———————————–
Le compte rendu du sujet de la semaine passée : Qu’est-ce que la mort enlève ou apporte à l’Homme ? (Cliquer ici)————————————-
Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
> Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
– On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
– On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
– On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
– On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)10 novembre 2023 à 21h04 #6915Compte rendu: Le désir selon Deleuze-Guattari, de quoi s’agence-t-il ?
Nous étions une dizaine de participants.
Je vais aller directement à notre conclusion, et remonter vers notre argumentation : le désir apparait comme auto-déterminant de notre « personne ». Cela signifie que notre manière de le concevoir, que ce soit d’un point de vue freudien, schopenhauerien, spinozien ou deleuzien, change complètement la perspective dans laquelle on se projette. Notre manière de concevoir le désir revient à définir ce qui fait vérité pour soi, à prédéfinir une ontologie et subséquemment, un ensemble de déterminations. Néanmoins, lorsqu’on compare les différentes écoles de pensée, des constantes structurantes profondes ne sont pas à écarter.
Passons outre les catégories du désir étagé selon un modèle de pyramide ou un autre, et attachons-nous à saisir une dynamique des désirs qui s’inscrit dans nos relations aux autres (intimes, proches, familles, cercles sociaux restreints, associations, travail, société et disciplines académiques, …etc).
On comprend ce point de vue où l’on croit voir certaines personnes n’être concernées que par elle-même, par la préoccupation de leur image, de leurs intérêts immédiats, comme si elles se réduisaient à un individualisme strict et à sa biologie. La philosophie de Schopenhauer pourrait illustrer ce point de vue. En dépit de quelques fulgurances lucides, Schopenhauer ne voit pas l’être humain partager de l’affection, créer des liens d’attachement ou coopérer, il le comprend comme répondant de sa biologie (de sa génétique). Le reste n’est qu’illusion ou volonté de représentation cherchant à se tromper elle-même (1). Freud, de son côté, voit dans le désir la résultante d’une névrose. En effet, le désir cherche à compenser la perte d’un lien primordial, le cordon ombilical qui relie la conscience du bébé à sa mémoire fœtale. La libido qui résulte de cette rupture façonne ainsi son fameux complexe d’Œdipe, dont Freud postule à tort l’universalité. L’homme est malade de son désir coupable, et il s’y adapte dans une lutte (à mort ?) qu’il mène entre sa mère et son père.
Il y a donc des théories du désir qui structurent et prédéterminent l’apprentissage de nos désirs. Or, indépendamment des théories et de nos cultures respectives, nous passons tous par des désillusions, par des blessures, des ruptures, par l’expérience de nos limites, voire par le sentiment d’une perte possible de la puissance de désirer (dépression plus ou moins profonde, voire mélancolie). Nous faisons tous, à différents degrés, l’expérience de la vanité.
Il semble qu’il y ait là une expérience assez fondamentale (existentielle) à partir de laquelle se construit une philosophie de vie soit, pessimiste, et qui conduit à des formes de résignation ou de pathologie (Schopenhauer, Freud), soit optimiste, entendue comme ouverte sur un horizon élargi, et non enclos sur lui-même (Deleuze/Guattari, Spinoza, Dewey).Il s’agit bien de se questionner sur le type d’apprentissage qui se joue par rapport au concept que nous avons du désir. Il ne s’agit pas de se remonter le moral ou d’entretenir des espoirs vains. La question se rapporte au type d’apprentissage auquel le désir nous invite. A ce titre, nous pouvons distinguer trois grands registres pour structure une idée de cette apprentissage :
– ce qui se joue par rapport à soi (ce contre quoi je lutte par rapport à mes désirs et/ou comment je les accompagne)
– ce qui se joue par rapport à autrui (la place que je lui donne, que je me donne, ce qui se joue dans l’interaction, comment on se compose l’un par l’autre et dans nos interactions).
– Ce qui nous dépasse, c’est-à-dire, comment nous observons, comprenons, intégrons le fait que nous ignorons la raison de nos désirs (Pascal). Le désir s’impose à nous tel qu’il se donne à notre conscience immédiate. Il nous revient alors de comprendre comment il s’agence, d’où il vient. Mais précisons davantage la part de ce désir qui se compose dans ce qui nous dépasse.La part qui nous dépasse dans le désir est à entendre comme le fait que nous ne sommes pas les auteurs de nos désirs, ils nous animent sans que nous sachions d’où ils viennent. Nous percevons bien que nos désirs ont été façonnés, structurés par notre éducation, par l’ambiance familiale, les mœurs et la culture de notre milieu. En ce sens, ils nous dépassent, nous en héritons, mais ils nous dépassent également, car nous ne percevons pas immédiatement le chemin qu’ils empruntent lorsqu’ils se présentent à notre conscience tantôt comme des signes, tantôt comme des appels, des élans, comme des évidences ou des réticences. Nous sommes connectés ou pré-connectés à eux sans que nous le sachions véritablement. Ainsi, les désirs nous précèdent. Ils se présentent à notre conscience, nous pouvons alors les découvrir, les reconnaître, les accompagner, les canaliser. Mais nous pouvons tout aussi bien les refouler, les nier, vouloir les dépasser ou encore nous évertuer à les transformer. Dans ce cas, nous le faisons selon la philosophie que nous avons adoptée consciemment, délibérément ou nous le faisons passivement et selon l’influence que notre milieu exerce sur nous. Il y a là un interstice, une zone de flou ouverte et indéterminée, c’est possiblement un espace où se joue notre liberté, notre capacité à nous distancier de nous-même et à mettre en suspens notre pensée. Il s’agit alors, lorsque cette zone d’espace est suffisamment stabilisée, de se donner des repères de conscience lucide indépendamment de notre subjectivité enfermée sur elle-même. Là démarre une capacité à philosopher entendue comme une capacité à s’orienter dans la pensée, à la mettre en dialogue, à l’examiner. C’est une aptitude métacognitive et de plein conscience lucide.
De ce point de vue, quoi que nous fassions de nos désirs, que ce soit de la manière dont ils se présentent à notre conscience ou selon la philosophie que nous avons adoptée à leur propos (platonicienne, stoïcienne ou jungienne – ou de Freud et de Schopenhauer), il y aura action et réaction : nos affects transforment nos désirs ou ceux-ci nous transforment. La question se pose de savoir qui transforme qui, est-ce nos désirs qui nous font (mode passif) ? Est-ce nous qui en faisons quelque chose (mode actif, conscient, délibéré, philosophé) ? Mais, prenons un exemple pour faire le lien avec la question de l’agencement du désir selon Deleuze et Guattari.
Si je suis attiré par une personne ou intéressé par une formation, l’agencement général du désir est fonction de quatre ordres :
1° la chose désirée est relative à l’image dont elle bénéficie dans un environnement et une culture donnée,
2° le désir-projet est représenté en soi et on envisage qu’il peut permettre d’atteindre un objectif donné, selon des compétences et/ou des encouragements que l’on imagine avoir ; ou encore, selon la philosophie que l’on parvient à se donner en conscience et délibérément.
3° Ce désir-projet est délimité par un espace, relatif à une géographie donnée,
4° la chose désirée subit ses propres agencements et se trouve également dans un rapport à d’autres formes de concurrences.Pour cette raison, le désir est à la fois multi-construit et multi relié, les interstices entre les différents champs sont relatifs à des représentations et à des rapports que l’on imagine entre les choses. La raison adéquate, pour faire le lien avec Spinoza, est celle qui voit, imagine ou laisse ouvert les rapports entre les choses de sorte à ne pas se laisser enfermer dans une philosophie ou une autre. Car, du point de vue de la géométrie de l’Éthique, Dieu est une substance (non une essence), ses attributs sont infinis et l’homme n’en connait essentiellement que deux et seulement dans certaines limites, ceux liés aux modes des étendus (la matière) et ceux liés à la pensée, d’où l’idée qu’une raison adéquate peut faire le lien et percevoir (avoir un perçu) de la raison (un potentiel) de toutes choses.
En conclusion, notre manière de vivre bien nos désirs, de mal les vivre ou de viser un accomplissement est fonction de notre manière de nous figurer d’une part, les composantes de leurs agencements et, d’autre part, la possibilité d’entrevoir la raison de toutes choses. Pouvez-vous vous figurer la joie que représente un perçu potentiel de la connexion de toute chose à elle-même ? L’idée de ce perçu peut, à lui seul, laisser entrevoir la potentialité d’une joie sans limite. Certaines douleurs, pénibilités, limites peuvent tenir non pas seulement à des traumas ou à des mémoires douloureuses, mais également à une manière de comprendre l’agencement de leur composition, ainsi que les rapports qu’elles entretiennent avec le monde et tout ce qui le compose. Naturellement, ces choses et le monde dépassent ce que nous pouvons nous consciemment représenter, mais pas nécessairement ce qu’inconsciemment, nos percepts peuvent en capter dans d’une essence, entendue au sens spinozien.
Des ressources :
– Shopenhauer : Le monde comme volonté et comme représentation. Voir ici, le site qui lui est dédié.
– Notre forum sur le cours de Spinoza de Deleuze.
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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