Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Le souci de la beauté révèle-t-il à l’homme son humanité ? Sujet du 09.03.2015 + une restitution du débat
- Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 10 années et 1 mois.
-
AuteurMessages
-
4 mars 2015 à 12h52 #5199Le souci de la beauté révèle-t-il à l’homme son humanité ?
« La beauté revêt pour l’homme une importance souvent essentielle, elle lui apparaît digne de retenir son attention et de captiver son esprit. Cette capacité qu’a l’homme de se laisser toucher par la beauté, de faire d’elle un objet de préoccupation, lui révèle sa destination et le sens de son humanité. »
Florence Grumillier (agrégée de philosophe), extrait de « Le souci de la beauté »Que pensez-vous de la proposition de Florence Grumillier : Le souci de beauté révèle-t-il à l’homme sa destination et le sens de son humanité ?
– Quelles autres questions vous suggère sa proposition ?Ressources
– Le souci de la beauté (Texte de Florence Grumillier)
– Autres textes sur le thème de la beauté de Florence GrumillierProcédure pour le débat
– Récolte des questions
– Traitement des questionsL’une des raisons d’être du débat philo se trouve dans le partage de nos questions et dans celui d’une réflexion qui se veut argumentée. Nous nous inspirons en particulier de l’approche de Michel Tozzi (voir ici PDF de notre guide), et nous restons ouverts à toute autre approche. En effet, la volonté d’expérimenter des cadres d’échanges nécessite de prendre du recul par rapport aux rôles que requiert l’animation des débats, et de pouvoir contribuer à une observation-réflexion se rapportant aux expériences et aux méthodes utilisées. Si vous souhaitez jouer un rôle dans l’animation de nos débats, merci de nous contacter.
__________________________
Le café philo d’Annemasse est ici16 mars 2015 à 3h29 #5207Quelques éléments du débatUne définition :
Le beau peut être défini comme la caractéristique d’une chose qui, au travers d’une perception sensorielle ou intellectuelle, engendre un sentiment d’émerveillement.Des questions lancées à la volée
– Il y a plusieurs aspects de la beauté, de quelle beauté s’agit-il ?
– Quelles différences entre les beautés naturelles (non créées de main d’homme) et celles provenant des créations humaines ?
– La beauté répond-elle à des normes (des choses belles), et le beau répond-il à des principes (régis par des règles) ?
– Y-a-t-il du beau / de la beauté reconnu comme étant universel ?
– L’appréciation du beau relève-t-elle seulement de la subjectivité ?
– L’accès à la beauté est-il indispensable à l’épanouissement de l’être humain ?
– La beauté sert-elle à masquer la laideur qui nous habite ?Citations
Théophile Gauthier (1811-1872) : On supprimerait les fleurs, le monde n’en souffrirait pas matériellement. Qui voudrait, cependant, qu’il n’y eu plus de fleurs ? Je renoncerai plutôt aux pommes de terre qu’aux roses, et je crois qu’il n’y a qu’un utilitaire au monde pour arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux.
Réponse ironique : adoptons tous le régime « pétales de roses ».Charles Baudelaire (1821-1867) : C’est cet admirable, cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du ciel.
Question : Le beau se confond-il avec le divin ?Marcel Proust (1871-1922): La beauté est une promesse de bonheur. Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté.
Question : Le beau est-il un lien qui conduit du plaisir au bonheur (du plaisir des sens au sentiment du beau)?
Quelques problématiques évoquéesIl y a des typologies du beau
– La beauté perçue par différents sens, l’ouïe (mélodie), la vue (l’esthétique de l’art ou de la nature), l’intellect (une poésie, l’élégance d’une théorie, une équation).
– La beauté perçue dans un acte avec une composante morale (une belle qualité morale), un acte de bravoure (les combats homériques).
– La beauté perçue comme une compétence (une prouesse sportive, le geste d’un artiste)
– La beauté perçue dans la coordination sociale d’une performance collective (une belle réalisation effectuée grâce au bon fonctionnement d’une association, d’une équipe professionnelle, politique, ou sportive, etc. ).
– Pour revenir aux sens, celui du goût ne semble ne produire que des sensations (papilles gustatives), le sentiment du « bon » diffère de celui du « beau ». En revanche, un plat bien présenté sera perçu comme « meilleur » que ce même plat mal présenté. Le toucher, de son côté, par exemple, la texture d’une matière, peut-elle transmettre le sentiment du beau ?
– Il semble qu’il y ait des « beautés » immédiatement perçues (l’élégance d’une démarche, la fraîcheur d’une expression), et d’autres qui requièrent un apprentissage (les beaux-arts, l’opéra, la littérature, la compréhension d’une théorie, etc..). L’éducation à la beauté se travaille.Comment comprendre le beau ?
– Il y a le fait d’être touché par la beauté, puis il y a les explications que l’on en donne (comment ?), viennent ensuite les interprétations que l’on construit (la sens que l’on attribue à la beauté), et enfin, les théories que l’on élabore à propos du beau (les systèmes de pensée).
– Ainsi, dans le fait même d’être touché par la beauté, pouvons-nous distinguer :
1) la part qui relève de la génétique (les bébés sont sensibles aux formes et aux sons harmonieux),
2) la part qui provient de notre conditionnement social premier (celle de notre environnement immédiat, de notre éducation première),
3) celle qui fait suite à notre environnement social second (la culture, l’éducation que l’on se forge, les formations que l’on poursuit après l’émancipation parentale).
Autres questions posées :
– Pourquoi avons-nous besoin de beauté ? Ressentie d’abord, recherchée et reproduite par la suite ?
– Quelles sont les types de beauté qui nous touchent ? Comment nous incitent-ils à devenir plus humain (plus altruiste, plus sensible, plus attentif, capable d’un plus grand discernement, …) ?
– A quelle beauté avons-nous accès, et comment celle-ci peut-elle nous influencer, orienter nos choix ?Beauté universelle et beauté relative
Kant : « On appelle beau l’objet dont la satisfaction est obtenue par le goût, c’est-à-dire par la faculté de juger un objet ou un mode de représentation, sans aucun intérêt » (Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §5, p55).
Question : Le fait que le beau ne soit pas directement lié à une nécessité « biologique » (se nourrir, se chauffer = sans intérêt matériel) a-t-il un impact spécifique sur notre manière de le concevoir, par exemple, pour en déduire un concept universel ?
Pour Kant, non. Il déduit de la précédente citation : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept » (Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §9, p62).
Kant (suite): « Le beau est ce qui est représenté sans concepts comme objet d’une satisfaction universelle » (Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6, p55).
– Autrement dit, le besoin de beauté est universel, mais ce que l’on trouve beau, lui, est culturel.
– Pour Kant, l’idéal de beau que l’artiste essaie d’atteindre est nécessairement une représentation imaginée. Ce n’est pas un concept fixe qui peut prétendre à l’universel.
– Mais de la même manière que Proust relie le plaisir du beau (la sensation) au bonheur (un sentiment sans limite du beau), y-a-t-il une possibilité pour que le culturel rejoigne l’universel ?
– De Platon à Charles Baudelaire, il y a l’idée que nous avons en mémoire la conscience d’un état de non séparation, d’un paradis originel, et que nous rechercherions l’expérience de cette beauté, entre autres, à travers des œuvres. La beauté que l’homme crée peut-elle découler d’une esthétique qui le précède ?
– Peut-être faut-il distinguer l’expérience (le sentiment d’universel) et le concept (l’idée) d’universel que l’on construit par la suite. Le sentiment et le concept se construisent-ils l’un par rapport à l’autre, ou l’un contre l’autre ?
– Créons-nous nos concepts en accord avec nos sentiments, ou en accord avec la raison dialectique ?De l’effet immédiat du beau aux conséquences qu’il entraîne
– On aspire à une beauté qui réponde à nos attentes, qui corresponde à nos besoins.
– Mais de quels besoins parlons-nous ? Du besoin de réconfort, ou du besoin de dépassement ?
– Nous ne pouvons pas vivre dans la monotonie, sauf à nous éteindre progressivement. La beauté est une stimulation qui éveille, qui nous sort de nous-même, d’où l’idée que la beauté est nécessaire à ce qui fait de nous des êtres humains, alors qu’elle n’est pas un besoin biologique.
– La beauté se donne dans la spontanéité, mais elle gagne en intensité par le truchement de la connaissance. Lorsqu’on regarde un ciel étoilé ou une œuvre d’art, on les apprécie d’autant plus qu’on est instruit à leur sujet.
– Finalement, c’est comme si la beauté n’était pas le produit d’une intention humaine. Elle vient à nous, nous surprend au détour d’un regard, et grandit par l’attention qu’on lui porte.Beauté naturelle, beauté artificielle
– Dès que la beauté est en rapport avec les créations humaines, elle a, certes, une faculté à émouvoir, mais s’immiscent la possibilité d’une emprise, un risque de manipulation, des enjeux de pouvoir propres à l’être humain.
– La beauté de la nature ne passe pas, celles crées par l’homme, oui. Le beau est ontologiquement bon, la mode est esclavagiste.
– L’œuvre d’art révèle quelque chose à celui qui la produit, comme à celui qui l’observe. La nature, elle, se révèle d’elle-même à celui qui lui prête attention.
– Admettons que je sois subjugué par la beauté de la nature, la beauté que je vais produire en tant qu’artiste, ne peut-elle pas être le prolongement de celle qui est perçue ? En tant qu’être humain, ne suis-je pas le prolongement de la nature ?A quoi sert la beauté ? Quel usage faisons-nous de la beauté ?
– La beauté correspond à notre besoin de transcendance, qui est inhérent à notre humanité.
– Si on est insensible à la beauté, l’idée d’un dépassement de soi, de notre épanouissement deviennent-ils alors hors de portée?
– Accéderions-nous à une pleine humanité que dans la mesure où on accède au beau, à partir des empreintes qu’il laisse en nous ?
– Est-ce que la beauté participe du besoin que l’on a de s’oublier soi-même, d’oublier sa condition humaine, de prendre congé du monde ? La beauté est-elle un point d’ancrage dans le ciel qui nous arrache à la nécessité ?
– L’expérience de la beauté aurait pour effet de nous inviter à nous questionner sur nos émotions, à la rechercher encore et encore, puis éventuellement à la codifier, à s’en inspirer pour en établir des théories.
– Pour l’astrophysicien qui s’émerveille de la complexité de l’univers, l’intelligence humaine est comme un miroir qui reflète la beauté.
– La beauté va dans le sens d’une ouverture. Peut-être faut-il se garder de vouloir l’enfermer dans des concepts ?
Quelques interventions en vrac
– Le style des statuts grecques (la proéminence du front, l’arrête du nez à la verticale, la réduction de la taille du sexe, etc.), le code de beauté répondaient à un idéal. Il s’agissait de ne pas nourrir les passions, et d’élever l’âme vers le sens du beau.
– Le château de Versailles peut être vu comme une prouesse, mais le peuple, à l’époque, le ressentait comme un abus du pouvoir.
– Se trouve-t-il dans le monde des personnes qui trouve un levé de soleil moche ?
– Pour certains, le levé du soleil est associé à la perte d’un être cher, et pour eux, l’aube peut être angoissante.
– Pour Kant, c’est la satisfaction que procure le beau qui est universelle, mais pas l’objet du beau lui-même.– La beauté touche l’homme, certes, mais elle ne dit rien de son humanité, les nazi étaient des amateurs d’art.
– On critique la beauté en vertu d’une autre idée de la beauté.
-
AuteurMessages
- Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.