Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › « L’envie, passion triste », présenté par Marie-Thérèse, sujet du 18.11.2013,
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12 novembre 2013 à 17h13 #4738
» L’ENVIE, PASSION TRISTE »
C’est le titre d’un entretien de France-Culture (19 octobre 2013 – lien ici)Le titre, qui recèle en fait une assertion, paraît ne pas souffrir de point d’interrogation. En effet, pour tous les intervenants du débat (Tobie Nathan, Pascal Bruckner, Olivier Pourriol) la définition semble la même:
– l’envie est une passion, c’est-à-dire un affect qui domine le sujet par l’intensité et la durée de ses effets.
– c’est une passion triste, car elle engendre la frustration, (quand elle n’en est pas la conséquence)Tobie Nathan insiste: « C’est une algue toxique qui empoisonne tout ». Elle peut se révéler destructrice: si ce que l’on envie est inaccessible, la tentation est alors de vouloir détruire l’objet de notre envie, ou même le possesseur de l’objet convoité.
Pour ne pas s’égarer, il faut distinguer envie et jalousie, cette dernière étant la crainte de perdre ce que l’on a, par exemple, dans l’amour , « la jalousie accompagne le sentiment amoureux comme son ombre » (T.Nathan)
Pour ce qui concerne l’envie, on désire un objet pressenti comme non partageable, donc c’est un objet de conflit.D’après René Girard, qui a théorisé l’envie dans plusieurs de ses ouvrages, nous désirons avant tout ce que désire l’autre, ou alors l’objet possédé par un autre, c’est le mimétisme triangulaire. Notre désir nous serait « soufflé » par quelqu’un d’autre, et nous serions incapables de désirer par nous-mêmes.
Nous sommes tous, à des degrés divers, mus par ce puissant ressort. Mais l’envie semble être le tabou par excellence. » C’est un affect qui avance masqué. Il n’est jamais dit, ou alors il est dit par des moyens détournés, car avouer son envie, c’est avouer l’insatisfaction que l’on a de soi. » (O. Pourriol) Ce sont avant tout nos proches, et nos pairs que nous envions . « Les fratries sont des bouillons de culture de l’envie. » (T.Nathan)
QUELQUES CITATIONS, pour illustrer le propos.
– « L’élan vers l’objet est au fond élan vers le médiateur (= l’autre « désirant » ou le possesseur de l’objet) » Cet élan est donc de facto brisé par le médiateur.
– « Tout ce qui vient de ce médiateur est systématiquement déprécié, bien que secrètement envié. »
Si, dans les sociétés démocratiques, »les natures envieuses, et les tempéraments jaloux semblent se multiplier, …. c’est parce que s’effacent peu à peu les différences entre les hommes,…. et parce que les privilèges des autres nous semblent immérités. » (R. Girard: Mensonge romantique et vérité romanesque.)QUELQUES QUESTIONS pour introduire (ou alimenter) le débat.
– Sous quelles conditions pourrions-nous être réellement à la source de nos désirs,ou alors sommes-nous irrémédiablement condamnés à imiter le désir de l’autre ?
– L’envie pourrait-elle devenir un moteur qui nous pousse vers d’autres horizons, vers un dépassement de soi ?
– L’envie est-elle l’un des moteurs de l’ambition ?
– L’envie est-elle à la source de processus destructeurs dans nos sociétés? (Ex. la destruction des « Tours jumelles » le 11 sept.011)Posté pour Marie-Thérèse.
14 novembre 2013 à 23h04 #474115 novembre 2013 à 3h35 #4742Bonjour,
Dans la discussion, Sarah confirme l’idée que l’envie revient à nier l’existence de l’autre : « Ce serait comme dire à l’autre, tu n’as pas le droit d’avoir d’avoir du plaisir et d’être bien en dehors de moi »
Il me semble alors que celui/celle que l’envie anime à ce point doit « percevoir » (sentir) qu’il peut tout aussi bien, en détruisant l’autre, se détruire lui/elle-même. Cette perception même doit agir comme un frein, un arrêt ou un désir de contrôle de la pulsion de détruire, non ?
Puisqu’il est question de René Girard, on écoutera avec plaisir « La violence et le sacré » sur France-Culture, ici.A bientôt pour débattre de tout cela.
19 novembre 2013 à 11h54 #4751Quelques pensées retenues à la suite ou lors de notre échange :
– Tout désir n’est pas envie.
– Tout désir n’est pas mimétique, le mimétisme s’exacerbe quand il y a discrimination, empêchement.
– A distinguer le désir comme rivalité pour combattre l’autre, et le désir comme développement de soi.
– Aujourd’hui l’éventail de la diversité des désirs/envies est telle que les rivalités mimétiques sont apaisées.
– A cela s’ajoute une facilité plus grande de choisir sa voie, son camp, ses valeurs, ses appartenances.
– L’archaïsme du désir mimétique s’observe dans l’aigreur, les amertumes qui nous travaillent.
– Le groupe désigne un bouc émissaire sur qui il porte la faute de ses malheurs. En désignant un coupable, le groupe apaise ses tensions et sauvegarde son ordre social (d’où l’idée de péché).
– La théorie du bouc émissaire repose sur l’idée que, si aucun coupable/émissaire n’est désigné, les membres du groupe perçoivent alors le danger d’entrer en rivalité extrême et de s’autodétruire.
– les lois et le sacré protègent les groupes du risque de s’autodétruire. Le sacré désigne une victime symbolique (Jésus, le mouton, l’hostie et autres rituels d’expiation de nos fautes) et les nations se rappellent à leurs morts et aux principes fondateurs de leur constitution afin de préserver l’ordre social.
– Sans ces rappels (rites, mythes fondateurs, mémoires des ancêtres) les groupes se désorganisent par les violences intestines qui les animent à nouveau.
– Les groupes marginaux, les délinquants, les Rom aujourd’hui sont-ils des boucs émissaires collectifs de nos sociétés crispés ?
– Pour information : Ecouter l’excellente émission sur France-Culture (la violence et le sacré) qui explique assez bien la théorie du bouc émissaire de René Girard. -
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