Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Les notions politiques de droite et de gauche sont-elles vraiment dépassées ? Sujet du 16.01.2017 + compte-rendu et 3 schémas

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
  • Auteur
    Messages
  • #5438
    René
    Maître des clés
      Les notions politiques de droite et de gauche sont-elles vraiment dépassées ?

      La gauche, depuis Mitterrand, se plie à l’économie de marché, tandis que la droite, par exemple sous Sarkozy, n’a pas aboli les 35 heures. Valls est comparé à Sarkozy pour son versant autoritaire, Juppé donne l’impression de parler pour la gauche et les ouvriers qui, traditionnellement votaient à gauche, constitueraient une base croissante de l’électorat de Marine Lepen, d’extrême droite. Il est observé également un nombre croissant de bourgeois votant à gauche.
      Que ce soit au niveau des discours des partis politiques, des électeurs, ou de la mise en œuvre des politiques de droite ou de gauche, on peut se demander si les notions droite-gauche en politique ont encore une signification, sont-elles encore pertinentes ?

      Des questions que nous pouvons nous poser.
      – Ces notions droite et gauche sont-elles dépassées ?
      – La division droite-gauche maintient-elle un rapport d’opposition illusoire ?
      – Ces notions, au contraire, définissent-elles des valeurs irréductibles, et donc qui obligent à faire des choix tranchés, car ils prédéfinissent le type de société dans laquelle nous voulons vivre ?
      – Une société peut-elle se gouverner sans avoir recours à ces clivages devenus aujourd’hui confus ?
      – Nous faut-il travailler à d’autres paradigmes de penser pour nous gouverner ?
      – Nous faut-il, pour mieux nous y retrouver, simplement clarifier les valeurs humaines et philosophiques qui sous-tendent les valeurs de droite et de gauche ?

      En somme, derrière ces notions et nos questions, c’est une philosophie de l’être humain qui est questionnée.

      Exemples de bipolarisations :
      • En France,  Républicains et Parti socialiste ;
      • Aux États-Unis, Parti républicain et Parti démocrate ;
      • En Grande-Bretagne, conservateurs et travaillistes ;
      • En Allemagne, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates ;
      • En Australie, libéraux et travaillistes ;
      • En Belgique, libéraux et socialistes ;
      • Au Canada, conservateurs et libéraux 
      • En Espagne, Parti populaire et Parti socialiste ;
      • Au Portugal, Parti social-démocrate et Parti socialiste.
      • En Suisse, Union démocratique du centre et Parti socialiste.

      Citations
      – « C’est dans le regard des gens de droite qu’on s’aperçoit qu’on est de gauche. »
      Guy Bedos
      – « Voter à droite, c’est soit pour préserver la société soit pour écraser l’ouvrier. »
      Michel Audiard – 1920-1985
      – « La droite vend des promesses et ne les tient pas, la gauche vend de l’espoir et le brise. »
      Michel Colucci, dit Coluche – 1944-1986
      – « Vous voulez la misère secourue, moi, je la veux supprimée. »
      Victor Hugo – 1802-1885 – Aux élus de droite de la chambre des députés
      – » Pour évaluer un système d’éducation, il suffit de vérifier si plus d’années de scolarisation produit plus de conscience sociale, de conscience politique et de compassion pour les plus pauvres.
      Jean Bedard. Philosophe québécois contemporain (1949).
      – La politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, c’est une action pour un idéal à travers des réalités.
      Charles De Gaulle (1890 – 1970)
      – « On ne comprend pas les choses politiques telles qu’elles sont, si on ne prend pas au sérieux leur prétention, explicite ou implicite, à être jugées en termes de bien ou de mal, de justice ou d’injustice, c’est à dire si on ne les mesure pas à l’aune d’un critère quelconque du bien ou de la justice.  »
      Léo Strauss. Philosophe (1899 – 1973)
      – « Cette institution, qui est une institution de lâcheté. .. Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux. .. On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique. »
      François Hollande dans Un président ne devrait pas dire ça de Gérard Davet et Fabrice Lhomme – François Hollande
      – toute l’opération de la laïcité consiste à ne pas abandonner l’idéal, l’infini, la justice et l’amour, le divin, mais à les reconduire dans le fini sous l’espèce d’une exigence et d’une tâche à la fois intellectuelles, morales et politiques.
      Vincent Peillon dans Une religion pour la république (2011)
      – L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés plein de doutes. Bertrand Russell (philosophe 1872 – 1970)
      – « La soif de pouvoir perturbe les hommes politiques, ils sont plus dans le calcul et dans la gestion de leur carrière que dans la conviction et la croyance dans un projet de société. Il faut donc interroger le sens du pouvoir et retrouver la cause politique qui les amènera à se transcender. »
      Jean-Paul Delevoye (Président du conseil Economique, Social et Environnemental).
      – « La vérité du projet démocratique est un projet éducatif, c’est un projet de désacralisation du dogme du pouvoir. Pouvons-nous inventer des modes de gouvernance qui ne passent pas par cette mascarade totale (de la démagogie et des jeux du pouvoir) ? » Cynthia Fleury (philosophe).
      – «Le monde dit supérieur peut se refermer sur lui-même, vivre en vase clos et développer, sans s’en rendre compte, une attitude de distance et de mépris vis-à-vis des masses, du peuple, et du populisme qui naît en réaction à ce mépris».
      Emmanuel Todd (démographe, historien)

      Ressources
      Un résumé historique et pédagogique sur la droite et la gauche. Junior Senat
      Le clivage droite-gauche est-il dépassé ? L’atelier des pouvoirs sur France Culture
      Y a-t-il encore des idées de gauche et des idées de droite ? Du grains à mondre sur France-Culture.
      Refuser le clivage gauche-droite ? Un résumé sur Mediapart.
      Une analyse approfondie et intéressante : Refuser le clivage droite-gauche. Revue Ballast
      La droite et la gauche selon Comte-Sponville. Article dans Philomag
      Le clivage droite/gauche plus symbolique que politique ? Article de Slate
      La fin du clivage gauche-droite. Article dans Le Nouvel Economiste
      La gauche est horizontale, la droite est verticale. Un autre point de vue dans Toupie.
      Un comparatif des valeurs droite-gauche. Toupie

      #5443
      René
      Maître des clés
        Compte-rendu
        Les notions politiques de droite et de gauche sont-elles vraiment dépassées ?

        Ambiance
        Une vingtaine de participants étaient présents.
        Le débat était complexe, il s’agissait de démêler des notions associées à différents usages :
        1° ce qu’on entend généralement par « droite et gauche ».
        2° Quelle idée de l’homme ces notions recouvrent-elles ?
        2° Comment ces notions ont-elles évolué au cours du temps.
        3° L’usage que les politiciens font de ces notions.
        4° Et enfin, nos concepts sont-ils vraiment dépassés, ou alors la réalité sociale d’aujourd’hui demande-t-elle que nous inventions d’autres façons de penser l’organisation de nos sociétés ?

        Bref rappel historique de l’origine des notions de Droite et de Gauche :
        « Le 11 septembre 1789, les débats de l’Assemblée constituante portent sur le droit de veto accordé au roi. Les députés se lèvent et se réunissent par affinités politiques — à la droite du roi, les partisans de la monarchie et du veto royal ; à sa gauche, les révolutionnaires défendant la souveraineté des représentants élus. » (Rappel emprunté à la revue Ballast ici)

        Les valeurs traditionnelles de la gauche et de la droite. tableau inspiré de notre amie Toupie ici.
        (Voir ici si l’image n’est pas nette)

        Arguments en faveur du maintien des notions droite/gauche.
        Aujourd’hui ces valeurs sont « faussées » par les pratiques et les discours des politiques. Néanmoins, elles se redessinent avec des contours différents, car elles préexistent et prédéterminent des rapports de force classiques et irréductibles : par exemple, entre les salaires et les profits, le maître et l’élève, le propriétaire et le locataire, le patron et l’employé, etc.
        Une nuance est apportée : on peut considérer que ces lignes de partage sont à géométrie variable en ce sens que la divergence des intérêts peut, au lieu de se radicaliser, conduire à des relations d’intérêts entre les protagonistes qui soient mieux comprises.
        En somme, les notions ne sont pas dépassées, mais les comportements se sont radicalisés.

        Arguments en faveur de l’évolution des concepts droite/gauche.
        Les lignes de partage entre, par exemple, les différentes classes sociales, les différentes familles politiques, les auto- entrepreneurs et les salariés recouvrent aujourd’hui des réalités et des sensibilités trop différentes pour distinguer précisément des groupes spécifiques. Autre illustration du flou de ces notions : dans les familles politiques, on constate plusieurs courants caractérisant la gauche comme la droite, tandis qu’au sein même de ces courants, s’expriment d’autres divisions, par exemple, certains souhaitent renforcer l’Europe, et d’autres limiter sa prééminence.
        Par ailleurs, l’ubérisation de l’économie, permise grâce notamment aux nouvelles technologies, donne plus de liberté tout en précarisant une population grandissante (pas de droits, pas de protection sociale, prélèvement de l’impôt rendu impossible). C’est l’ensemble de la société qui est transformé, et ses valeurs qui sont bouleversées. Par exemple,  quand j’utilise les plateformes communautaires de covoiturage, de couchsurfing ou d’Air-bnb, est-ce que je suis motivé par la convivialité, par le partage (valeur morale), ou par le désir de gains (valeur d’intérêt) ? (Voir éventuellement la courte vidéo du Monde, ici).
        Cette « ubérisation » participe en fait à l’augmentation des inégalités, à l’atomisation des groupes sociaux et à l’instabilité des structures sociales. En somme, tout devient confus, la droite et la gauche, mais aussi les notions d’intérêts, de partage, de solidarité, de groupe d’appartenance et de marché.

        Que peut-on faire ?

        On note aujourd’hui que les radicalisations se font plus fortes, tout en étant plus désordonnées. Néanmoins, on peut garder à l’esprit que l’on s’en sort mieux en encadrant les rapports de rivalité sur la base de principes éthiques. On peut proposer, par exemple, des structures de négociations qui ont pour objectif d’accompagner des évolutions tout en limitant la casse sociale et les coûts environnementaux. Illustration : les rapports de force entre les salariés allemands et les actionnaires de leur entreprise sont relativement circonscrits et plus équilibrés, car les syndicats participent aux prises de décision de l’entreprise lors des conseils d’administration.
        En somme, il s’agirait de multiplier les instances de négociations en prédéfinissant des règles éthiques.

        Construire d’autres cartes de lecture du monde.
        Rappelons que l’OMC prône une rivalité économique entre tous les pays au motif de l’augmentation du PIB mondial. L’une des justifications est que, aujourd’hui, les pays en développement rattrapent davantage leur retard que durant la période qui va de l’après-guerre aux années 90. Durant cette période, le FMI contrôlait le développement des pays en imposant des restructurations économiques brutales aux pays emprunteurs. Certes, aujourd’hui, on réalise qu’un développement indexé sur le seul critère de la croissance génère trop d’instabilité sociale, et qu’il nuira à terme au développement durable des nations.

        Proposition d’une autre carte de lecture du monde :
        A défaut de réponses précises à apporter à un monde où tous les repères se redessinent, des cadres peuvent être pensés pour contenir des risques de dérive trop élevés.
        Par exemple, considérons que chaque pays est doté de potentiels, il s’agit de mieux articuler entre elles les dynamiques de ces potentiels. Prenons par exemple les différentes capacités ci-dessous sur trois registres (économique, humain et environnemental) :

        Cliquer ici si l’image n’est pas nette.

        Dans le triptyque ci-dessous, le monde peut-être pensé sur un mode binaire et où les valeurs s’excluent, ou selon des rapports de correspondances et d’intérêts partagés.

        Cliquer ici si l’image ci-dessous n’est pas nette.

        L’éthique se construit davantage sur une base qui intègre les contradictions,
        plutôt que sur une base qui tend à les exclure.

        Ci-dessous, penser notre rapport aux choses selon des principes, et de façon intégrée
        (ce que l’on fait a des conséquences sur soi),

        Cliquer ici si l’image ci-dessous n’est pas nette.

        Les noms que l’on donne aux choses comptent, mais les relations que l’on établit avec ces choses comptent encore davantage.
        Si nous apprenons à penser les pratiques et les conséquences de nos actions sur l’être humain, peut-être saurons-nous nous passer des idéologies et des luttes stériles des partis. Qu’en pensez-vous ?
      2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
      • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.