Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse « L’oubli de soi est le critère du réel. » G.Fichte. Proposition pour ce lundi 24.04.2023 + compte rendu.

  • Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 2 années.
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  • #6616
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 24/04/2023, dans notre groupe Signal, Nadège a fait part d’une citation qui me semble intéressante :


      « L’oubli de soi est le critère du réel. » .
      G.Fichte.

      Gardons-la pour notre débat, et voyons ce qu’elle nous inspire.

      Ci-dessous, quelques références, qui peuvent éventuellement soutenir une pensée :
      Fichte phénoménologue : à jamais le premier ! (Cliquer ici > Voir notamment la vidéo en bas de page des Editions M-Editer)
      Lire et relire FICHTE et penser « La réalité du monde », Sylvain Portier. Cliquer ici. Durée 27mn.
      La pensée de Fichte, du Moi absolu à l’ipséité collective. Article de Open Édition.

      Une problématique qui peut se poser dans le café philo : Fichte travaille sur la notion de vérité (les conditions d’accès à la vérité), mais la citation retenue n’en évoque pas le terme, mais celui du réel, lequel demande à être saisi avec une certaine vérité. Il y a ainsi un rapport entre le réel et la vérité. (Voir éventuellement ici, une série de conférences sur la vérité, les Rencontres de Langres 2011)

      Le pragmatisme, qui est postérieur à la philosophie de Fichte, définit le rapport à la vérité selon d’autres conditions, celle d’une relation effective, irréductible entre l’objet observé et celui qui le pense. Le « celui » ici, étant un individu ou une communauté (un collectif), lesquels sont « motivés » : ils veulent connaître la vérité sur une chose, ils ont des moyens (intellectuels, référentiels, contextuels) pour y accéder et ils souhaitent répondre à une situation donnée (une situation qui pose problème).
      Voir ici, théorie pragmatique de la vérité. Par Spartacus Idh, en 6mn (ps, c’est un peu technique)
      + Et une situation pratique : Théorie de la justification, selon Luc Boltanski et Laurent Thévenot. Par Laurent Mermet ( 2017 1ère partie) Cliquer ici. Durée 1h33. C’est vraiment très bien, nous sommes dans un pragmatisme sociologique. Ce sont les problèmes tels qu’on se les pose.

      Définition du pragmatisme :
      Du Grec : pragma, l’action.
      Doctrine qui prend pour critère de vérité sa possibilité d’action sur le réel. Elle relève d’une méthode-attitude qui articule « connaissance et expérience », les conceptions sont liées à des conséquences observables.
      Le pragmatisme ne statue pas sur la « vérité » des choses, mais pose comme principe que le discours sur la chose agit sur la chose, de la même manière que la chose sur le discours. Il y a un dialogue (des interactions permanentes) entre la chose et l’objet pensé, de sorte que les deux interagissent et se transforment l’un par l’autre.
      Attention : le pragmatisme est caricaturé : « est vrai ce qui marche », ce qui renvoie à l’attitude d’une personne qui ne se soucie que d’efficacité.
      Les contraires de pragmatique sont théoriques, idéologique, spéculatif, mais aussi l’utilitarisme.
      Du point de vue pragmatique, la vérité n’est ni une donnée ni une condition préalable de la connaissance, elle est toujours un résultat, et elle est relative à l’état des connaissances du moment.
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      Le compte rendu du sujet proposé par Paul, la semaine passée : Qu’est-ce que l’accomplissement de soi ? Cliquer ici
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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
      —————-

      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

      ————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6622
      René
      Maître des clés
        Compte rendu du sujet à partir de la citation de Fichte : L’oubli de soi est le critère du réel.

        Nous étions 6 personnes, c’est peu, mais l’intérêt du petit nombre réside dans le fait d’aller plus intimement et plus profondément dans certaines problématiques. L’intime a à voir avec le singulier d’une situation (mais pas nécessairement avec ce qui est privé), le profond a à voir avec la méthodologie, avec une capacité d’analyse orientée vers la profondeur. Le premier est relatif à l’espace (la localisation), le second au temps (la profondeur).

        « L’oubli de soi est le critère du réel. »

        La question de l’oubli de soi :

        Nikky le souligne dès sa première intervention, c’est l’idée de ne pas être « préoccupé » par des problèmes personnels. Mais la question se pose de savoir jusqu’à quel point, le soi est oublié ?
        En effet, ne pas avoir « conscience » de soi lors d’un instant ou durant une activité, ne suppose pas la « disparition » du « soi ». Questions : quelles sont les modalités d’apparition/disparition du soi à la conscience, et que fait-il lorsqu’il n’est pas présent à la conscience du moment ?

        Seconde difficulté : l’oubli de soi comme critère du réel (ou la condition d’y avoir accès)
        Si le soi n’est jamais totalement hors service (sauf décès), bien qu’il puisse être absent à la conscience (quand il dort) ou non préoccupé par lui-même (quand il est absorbé par une tâche), par rapport au problème posé, reste à formuler le réel. Or, c’est bien à partir d’un « soi », c’est-à-dire, d’une personne identifiée quelque part, que le réel en question sera « formulé ». Se pose la question si un groupe de personnes est égal à un « soi » ou si, précisément, le « soi » individuel est dépassé dès lors qu’ils se constituent en groupe, que ses membres interagissent et s’échangent des signes de considération.

        Troisième difficulté : du réel et de la réalité.
        Le réel existe-t-il s’il n’est pas formulé ? Réponse simple : deux fois, oui, car le réel existe indépendant de la conscience humaine, puisqu’il lui préexiste. De plus, comme vu précédemment, la non-conscience d’une chose n’empêche pas son existence.
        Distinguons dans notre débat, le réel de la réalité. Le premier échappe à toute « identification » (ontologie), il est « existant » (étant) sans qu’il puisse être nommé, car aucun nom ne peut contenir tout le réel qu’il est. En revanche, toute réalité est un construit à partir d’un « perçu » (un phénomène). En somme, le réel est à distance de la réalité, en ce que la réalité prend appui sur un réel, mais en introduisant entre elle et lui une phénoménologie. La chose en elle-même (noumène, Kant) ou le réel, ne pouvant être appréhendée, nous nommons à partir de « phénomènes » (la phénoménologie – les choses telles qu’elles apparaissent), une réalité. En somme, à partir de phénomènes, nous appréhendons différents aspects de la réalité, qui est ainsi toujours un construit, tandis que le réel sur lequel il prend appui, reste hors d’atteinte.

        Quatrième difficulté, mais qui sera écartée.
        Personne parmi nous n’est expert de Fichte, on situe grosso-modo qu’il répond à Kant et qu’il résiste aux conséquences de sa proposition : les limites de ce que la raison peut concevoir. Il veut ainsi lui opposer une contre-proposition. Ce combat donnera plus tard naissance au courant de la phénoménologie, lequel verra dans le même temps, les sciences et les sciences humaines se développer indépendamment de la philosophie. En conséquence, on ne situera pas la citation de Fichte par rapport à sa philosophie, mais par rapport à ce qu’évoque sa citation.

        Cinquième difficulté, à laquelle nous nous sommes heurtés :
        C’est la tendance à généraliser trop tôt notre propos. Exemple, le soi ne peut pas ne pas être là, donc la question est absurde. Ou encore, si le réel ne peut être nommé, considérons qu’il n’existe pas et que nous n’avons accès qu’à la « réalité ». Mais, ces propositions peuvent nous enfermer dans les limites de nos « représentations » et exclure définitivement toute ouverture vers l’inconnu. On peut ainsi penser que tout le connu tient dans la réalité qui est nommée. Il reste un réel au-delà de tout ce que nous « nommons ».

        Aux termes des difficultés mentionnées, le point-situation peut être formulé ainsi : Le réel existe, mais il est hors de portée, en revanche différents champs de la réalité sont prédéfinis, ils sont exprimés par des points de vue, par des disciplines académiques, par des techniques, notamment par une « phénoménologie ». La question qui se pose est : de quelles manières ces différentes réalités rendent-elles compte du réel ? Aucun, puisqu’il est hors des mots. Néanmoins, toutes les réalités exprimées se valent-elles ? Non, n’est-ce pas, puisqu’elles éclairent différents angles d’un réel, qui reste à être mieux appréhendé. Nous n’avons affaire qu’à des éclats de « réalités » correspondant aux conditions de leur formulation.
        Le pragmatisme ici peut nous aider en ce qu’il invite à reconnaitre la motivation de celui qui propose un regard (car tout regard est situé), le contexte de ce regard (au milieu de quoi, par rapport à quoi, avec quel instrument et méthode j’observe) et en vue de quoi (pour quel résultat, pour quel effet) le regard est-il posé ? Un regard qui, en bout de course, est pluriel en déclinant les conditions de sa possibilité (cause, moyen, effet). En ce sens, des aspects de la réalité, à défaut du réel sur lequel ils s’appuient, s’appréhendent par des manières de contourner le soi identifié à une personne. La pluralité des « soi-s » permet d’appréhender différents aspects de la réalité.

        Pour la petite histoire.
        J’ai évoqué le cours de Laurent Mermet (voir ici), dans lequel il fait référence à la théorie de la Justification, une sociologie pragmatique de Luc Botlanski et Laurent Thévenot. Ces derniers repèrent six types d’idéaux aux principes des choix que nous faisons tous. Généralement, selon les choix, nous modulons notre réponse en pondérant un système de valeurs (de réalité prédominante pour soi) selon ces six grands axes.

        Commentaire concernant le schéma.
        Il est un simplifié de la théorie, la version mixte de Botlanski et Thévenot que présente Laurent Mermet (que nous vous conseillons vivement d’écouter, voir ici). Les personnes ont habituellement recours à ces ordres de valeurs pour justifier leurs choix. Il faut néanmoins considérer, dans ce cas, qu’ils s’obligent à négocier, à ne pas se mettre dans un rapport de force ou de rupture, et qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent pas être indifférents à l’autre. En somme, ils sont tenus de se prendre en considération les uns les autres, précisément car ils n’ont pas d’échappatoire et qu’ils devront partager un environnement commun. Dès lors, selon le contexte et le problème à gérer, chacun peut déployer un argumentaire relatif essentiellement à l’une ou l’autre de ses valeurs ou à plusieurs d’entre elles, selon éventuellement un ordre hiérarchique qui peut varier, pour une même personne, en fonction de l’objet de la négociation.
        De fait, la problématique de fond est celle-ci : à quels biens souverains (ils sont pluriels) consentir lorsqu’on doit prendre une décision se rapportant à une situation où un collectif est impliqué ?
        La gestion du débat doit permettre d’entendre les 6 ordres de valeurs déclinés ici, auquel s’ajoutent des degrés d’urgence ou de priorités.

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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