Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse L’universel, la seule voie possible pour s’émanciper (du carcan de la mondialisation et de ses rivalités ) ? D’après Francis Wolff. Sujet du lundi 17.08.2020

7 sujets de 1 à 7 (sur un total de 7)
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    Messages
  • #5890
    René
    Maître des clés
      L’universel, la seule voie possible pour s’émanciper (du carcan de la mondialisation et de ses rivalités ) ?

      La question pour notre prochain débat nous est directement suggérée par un article de Francis Wolff paru dans AOC (lien dans les ressources plus bas).
      Francis Wolff observe un paradoxe : Jamais nous n’avons été aussi conscients de former une seule humanité (la progression des moyens de transport et de communication, notamment depuis l’Internet et le développement des réseaux sociaux, le fait que nous sommes exposés aux mêmes risques planétaires : épidémies, changement climatique, catastrophe nucléaire, épuisement des ressources naturelles, extinction des espèces, crise économique mondiale, etc), et pourtant l’unité de l’humanité et les valeurs universalistes qui lui sont associées reculent dans les représentations collectives.
      Or, pour Francis Wolff, c’est le point fixe des valeurs de l’universel qui offre à l’humanité l’horizon de son éthique. Qu’en pensez-vous ? Doit-on repenser le concept d’universel ? Peut-il trouver des valeurs d’application ?

      Quelques éléments contre l’idée d’universalisme :
      – L’universel est un concept abstrait, il ne s’applique à personne.
      – Ce sont les dominants qui l’utilisent pour asseoir leur domination occidentale ou, à l’inverse, ce sont les dominées qui l’utilisent pour, derrière un esprit de revanche, revendiquer des droits ?
      – L’universel se présente comme neutre, or il ne l’est jamais, il est toujours « situé » par des gens, revendiqué pour des raisons particulières.
      – L’universel nie les particuliers, les singuliers, il est disciminant des minorités pour survaluer une normativité.

      Deux citations qui iraient dans le sens de l’universel (tiré de l’article de Wolff) :
      : « Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose : Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve. Le nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc »
      Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs.

      « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté, aussi certainement que je ne suis pas libre si l’on me prive de ma liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité »
      Nelson Mandela.

      Proposition d’un plan pour l’échange :
      – Qu’est-ce que l’universel ? (Qu’est-ce qui est univervel, y-a-t-il de l’universel) ?
      – Peut-on, doit-on le penser à nouveau (comme ressource /cadre / guide pour un partage de valeurs communes ?)
      – Si oui, comment, à quelles conditions ?

      Un cadre de définitions et de distinctions :
      Universel / Général /Particulier / Singulier
      – Universel
      Qui concerne l’univers tout entier.
      Qui ne souffre aucune exception.
      Qui concerne tous les éléments d’une classe.
      En logique classique, une proposition universelle est une proposition dont le sujet est pris universellement, c’est-à-dire dans toute son extension. Ex.: « Tous les hommes sont mortels ».

      – Général (commun, majoritaire)
      Qui s’applique à plusieurs, voire, à la majorité.
      Par abus de langage, synonyme d’universel.

      – Particulier (spécifique à une classe, une catégorie de choses)
      Qui appartient en propre à un individu (dans ce cas, synonyme de singulier) ou à une classe restreinte d’individus.
      En logique classique, une proposition particulière est une proposition dont l’extension du sujet est restreinte à une partie de ses membres. Ex.: « Quelques hommes sont grands ».

      – Singulier (unique, sans double)
      Ce qui est unique.
      Ce qui est un individu.
      En logique classique, une proposition singulière est une proposition dont le sujet est singulier. Ex.: « Socrate est un homme ».

      Des ressources.
      L’article de AOC qui nous a servi de support (en libre accès ici)
      Une conférence de Francis Wolff sur l’éthique et l’universel. Février 2020. Durée 45mn. Université de Namur.
      La crise de l’universel. Francis Wolff en débat avec Chantal Delsol. Répliques. France Culture.
      Francis Wolff : «Seules les idées universalistes permettent la coexistence des cultures» Article de France Culture.

      Pour aider à la structuration du débat
      Le plus souvent, le débat se cherche tout en s’élaborant au fur et à mesure des interventions. Mais voici quelques indications pour aider à cette co-construction et minimiser ainsi le risque de dispersion :
      – On met en lien son intervention avec la question de départ.
      – On s’efforce d’expliquer (de rendre claire) les raisons de sa pensée,
      – L’idée est d’essayer de faire progresser le débat, c’est-à-dire, d’en clarifier les enjeux (sociaux, philosophiques, éthiques…).
      – Pour cela, on peut essayer d’identifier les présupposés à partir desquels les propositions sont faites,
      – On peut également repérer les thèses (les idées défendues), formuler les problématiques (les contractictions) qui sous-tendent soit les idées défendues, soit les argumentations.
      – Dans la mesure du possible, on évite de se répéter, de donner des conseils, de faire la promotion de ses convictions sans les questionner.
      – On n’hésite pas à poser des questions et/ou à questionner les propositions. B)
      – On part du principe que chacun est grand et qu’il est le souverain de sa propre personne. Autrement dit, personne n’est le mâitre de personne.

      #5891
      gerl
      Participant

        Bonjour rené,
        C’est une démarche intéressante car c’est un sujet dont beaucoup de sujets se recoupent universellement tout précisément et dont notamment tout ce qui se prête au problématiques liées à la notion de l’être humain dont le caractère subjectif est à prendre en compte , d’après votre texte que l’universel s’oppose au concept de l’individu.

        #5901
        René
        Maître des clés

          d’après votre texte que l’universel s’oppose au concept de l’individu.

          Oui, par définition, l’universel ne souffre d’aucune exception.
          Deux exemples : le logos de la Grèce Antique ne souffrait d’aucune exception en ce sens qu’il intégrait ou interpénétrait toute vie. Descartes démontre que la somme de deux triangles droits égale 180°, cette démonstration est universelle, elle est vraie partout, sans condition.
          Ce qui s’oppose à cette définition, c’est le particulier (ce qui est propre à quelque chose)
          Par exemple, je m’appelle René et je suis brun. (Tous les René ne sont pas brun et tous les bruns ne s’appellent pas René). Donc tout ce qui est propre à l’individu relève du particulier et n’est pas universel.
          Un autre rapport d’opposition à l’universel est le singulier : le singulier est unique, il ne peut se référer qu’à lui-même. Par exemple, le Big Bang serait issu d’une singularité (qui n’a pas de comparaison dans l’univers)
          Il y a un rapport d’opposition entre le singulier et l’universel, mais un rapport de différence entre le singuler et le particulier. Le singulier est toujours unique (sinon, il n’est pas), le particulier peut relever d’une caractériste propre à plusieurs choses. Quelques personnes ont la particularité de s’appeler René et d’être brunes.

          – Si maintenant tu souhaites défendre l’idée que l’individu est « universel », il faut que tu expliques en quoi il l’est. Commence par un seul exemple (si possible), avec des phrases et/des paragraphes courts… sinon, il sera difficile de répondre. N’hésite pas également à « modifier » ton texte si tu remarques que ta formulation est difficile à comprendre. B) Merci beaucoup.

          #5902
          gerl
          Participant

            En fait quand j’écrivais l’universel s’oppose au concept de l’individu ce n’est en fait pas par rapport à le définition bien sûr, mais par rapport à ce quel’on constate de fait dans notre société. Car par principe l’universalité les différences sous toutes les formes ne comptent pas et précisément un être universel est par principe un être apte de raison pour cohabiter avec les uns et les autres dont les différences font partie d’un tout ou d’une connaissance sans discrimination sous quelle forme que ce soit.

             » Dieu est un être absolu . En cela nous ne connaissons rien tout de lui. Il en est de même pour l’être humain dans sa globalité. Ce qui fait que le caractère universel absolu échappe à notre connaissance. »

            #5903
            René
            Maître des clés

               » Dieu est un être absolu . En cela nous ne connaissons rien tout de lui. Il en est de même pour l’être humain dans sa globalité. Ce qui fait que le caractère universel absolu échappe à notre connaissance. »

              Si Dieu, par définition, échappe à notre connaissance, Deleuze ou Wittgenstein vous demanderaient : que vous pouvez en dire ? Ce dont on ne peut parler, peut-on le communiquer, et si on ne peut le communiquer, pour quoi parler ?
              En bref, Dieu, ou les manières de le concevoir, y compris par les philosophes de la métaphysique, est si complexe et multiple (différent pour les stoïsciens, pour Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Hegel, Bergson…) que cette notion doit être avancée avec beaucoup de prudence et d’attention… Au demeurant, le concept d’universel doit être abordé pas à pas, et sans partir du principe que ceux qui vous lisent sont des croyants ou qu’ils acceptent vos présupposés….

              #5904
              gerl
              Participant

                Par rapport à :
                « Si Dieu, par définition, échappe à notre connaissance, Deleuze ou Wittgenstein vous demanderait : que vous pouvez en dire ? Ce dont on ne peut parler, peut-on le communiquer, et si on ne peut le communiquer, pour quoi parler ? »

                En fait le fait de ne pas tout comprendre de lui c’est pour moi une sorte de connaissance qui nous invite à ne pas essayer de tout comprendre et chacun a ses propres convictions , ce qui est essentiel c »est que sur le plan humain on développe une sorte de connaissance de comprendre par le biais de la tolérance…

                #5909
                René
                Maître des clés

                  Par rapport à :

                  En fait le fait de ne pas tout comprendre de lui c’est pour moi une sorte de connaissance qui nous invite à ne pas essayer de tout comprendre et chacun a ses propres convictions ,
                  > ce qui est essentiel c »est que sur le plan humain on développe une sorte de connaissance de comprendre par le biais de la tolérance…

                  Il y a là deux niveaux d’appréhension d’un problème. Explication :
                  1° « ne pas tout comprendre » est (pourquoi pas ?) une sorte de connaissance, mais c’est plutôt une prise de conscience de type socratique : ne pas comprendre. Ce n’est pas un savoir en tant que tel, car il n’énonce aucun contenu. Ce savoir est une absence (de compréhension), c’est une sorte de vide.
                  2° De là, vous pouvez estimer qu’il s’agit d’une invitation à ne pas tout comprendre. Pourquoi pas ? Mais si vous ne pouvez pas tout comprendre d’un propos, comment pouvez-vous estimer qu’il est en lui-même « compréhensible ». Peut-être n’est-il pas compréhensible car chargé de contradictions ?
                  3° Ensuite, vous estimez que chacun a ses propres convictions. Oui, très bien, mais on peut comprendre ou ne pas comprendre un propos, cela n’empêche pas d’estimer que chacun a ses propres convictions. Il peut néanmoins y avoir un problème si vous êtes face à un nazi. Vous n’allez pas le comprendre, mais devez-vous le tolérer si lui-même ne vous tolère pas en tant que juif, musulman, franc-maçon ou syndiqué ?
                  4° Je serai d’accord avec votre dernier point : > on peut comprendre l’autre si on le tolère.

                  Autrement dit, il faut au minimum de la tolérance si l’on veut s’efforcer à comprendre autrui. Cela dit, la seule tolérance ne sera pas suffisante, il faut déployer une attention soutenue aux mots, aux phrases écrites pour en comprendre le sens et il faut poser des questions pour faire préciser ce qu’on ne comprend pas et demander des explications.

                  En résumé, les deux niveaux du problème soulevé sont celui du raisonnement (logique, épistémologie) et celui de l’éthique (du comportement, de la tolérance).

                  Il me semble qu’en philosophie, on ne peut pas d’emblée mélanger tous les plans. Les questions de la logique ou d’épistémologie doivent être traitées en tant que telles (par des procédés argumentatifs logiques), tandis que ceux de l’éthique, doivent être, certes traités en faisant usage d’un raisonnement rigoureux, mais en référence aux plans qui sont les leurs (politique, existentiel, moral, le rapport à autrui, la justice, etc…)

                  Bon courage à vous.

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