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Métaphysique du pardon, peut-on vraiment pardonner ?
« le pardon est mort dans les camps de la mort. […] Lorsqu’un acte nie l’essence de l’homme en tant qu’homme, la prescription qui tendrait à l’absoudre au nom de la morale contredit elle-même la morale. »
Wladimir Jankélévitch dans L’imprescriptible (Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité – 1971 et 1948)Rappelons que Jankélévitch était animé d’une colère contre « l’Allemagne », et très critique à l’égard de pratiques de « réconciliation » entre des Etats qui peuvent rapidement, au gré des affaires qui reprennent, tout pardonner, et tout oublier.
Jacques Derrida répond à Jankélévitch, mais non sans nuance. Il déduit en premier lieu deux axiomes de la pratique du « pardon » :
1) On ne peut pardonner que ce qui fait l’objet d’une demande de pardon.
2) On ne peut pardonner que ce qui peut faire l’objet d’un châtiment, d’une punition.Or, il y a bien de « l’imprescriptible » contre les crimes nazis sur le plan législatif et humain. Qui, en effet, parmi les responsables, le peuple, et les intellectuels contemporains d’Hitler a demandé « pardon » ? Jankélévitch en a précisément formulé le reproche (Voir les références sur le forum du site).
Par ailleurs, se pose la question du châtiment correspondant à un crime contre l’humanité ? Il n’y en a point quand presque tout un peuple y a participer, la condamnation de quelques dignitaires aussi symbolique qu’elle soit, est insignifiante . Sur ce point, Derrida s’accorde avec Jankélévitch : il y a de l’impardonnable.En somme, selon Derrida, si l’on écarte les excuses diplomatiques, la pragmatique du bon sens, le calcul utilitariste et psychologique, le pardon côtoie l’impossible : « Le pardon pur et inconditionnel, pour avoir son sens propre, doit n‘avoir aucun « sens » , aucune finalité, aucune intelligibilité même. C’est une folie de l’impossible ». En Revanche, précise Derrida : le pardon ne se justifie que face à l’impardonnable.
Que demande « le pardon » ? Parlons en lors notre prochain débat.
Etymologie : pardonner est composé du préfixe latin per-, qui a une fonction de renforcement, d’intensification, d’aboutissement, et du verbe dono, dont le sens troisième est tenir quitte de … (Gaffiot).
Au XIIème Siècle apparaît le substantif avec l’expression demander pardon = implorer grâce.Mots associés : amnistie, prescription, pitié, clémence, mansuétude, disculpation, réhabilitation, absolution, rémission, miséricorde, grâce, oubli, acquittement effacement.
Pour le coupable : aveu, excuse, humiliation, repentir, regret, réparation, dédommagement.Citations
– Sénèque : «[…Le Pardon …] c’est aussi la remise d’un châtiment mérité »
– Voltaire : « Les soldats se mettent à genou quand ils tirent, apparemment pour demander pardon du meurtre. »
– Proverbe guadeloupéen : « Le pardon ne guérit pas la bosse »
– Paul Claudel : « Celui qui aime beaucoup ne pardonne pas facilement » (L’Otage)
– Derrida « Le pardon n’est, il ne devrait être ni normal, ni normatif, ni normalisant. Il devrait rester exceptionnel et extraordinaire, à l’épreuve de l’impossible : comme s’il interrompait le cours ordinaire de la temporalité historique. »Ressources :
– Le siècle et le pardon. Jacques Derrida répond à Michel Wierviorka dans Le Monde des débats.
– Le pardon, plan d’un mémoire sur le livre de Jankélévitch (par un étudiant, Université de Liège).
– L’imprescriptible, présentation de l’ouvrage de Jankélévitch par le Prof. Luc-Thomas Somme.
– Lettres pour un pardon. Une lecture comparée entre Derrida et Jankélévitch, avec des extraits audio de Jankélévitch et de Wiard Raveling (le seul Allemand qui ait répondu à l’indignation de Jankélévitch) sur France Culture. Placé le curseur sur 17mn après le début de l’émission. 😉
– Les causalités du pardon de Laurent Jaffro. Une conférence dense mais détaillée, notamment sur des processus cognitifs à l’œuvre dans le pardon. à l’ENS (les Lundis de la philosophie).
– Le pardon est-il une valeur démodée, avec Jean-Luc Marion, philosophe académicien, invité de la Grande Table par Caroline Broué sur France-Culture.
– Plaidoyer pour un pardon modeste par Olivier Abel, professeur de philosophie et d’éthique.
– Un diaporama fort intéressant sur le pardon par le café philo Agathois. Merci à Jean-Paul Colin.
– Une origine du pardon (chez les Grecs, les païens..). (un cours de Jacques Darriulat dispensé au Lycée Henri IV)———————————–
Une information toute autre
Les Rencontres sur les Pratiques Philosophiques cet été, les 24, 25 et 26 juillet (Voir les infos ici).
> Nous faisons voiture commune depuis Annemasse-Genève pour nous y rendre.__________________________
Les principes qui régissent notre café philo sont iciCi-dessous quatre cartes mentales en guise de compte rendu,
elles reprennent les problématiques qui ont été évoquées lors de notre débatCarte mentale n°1 : Le pardon est une transaction
Si l’image n’est pas nette, cliquer sur le lien dans « Télécharger le fichier » ci-dessous. Merci de votre compréhension.Cartementale1Lepardonestunetransaction.pdf
Carte mentale n°2 De quoi le pardon est-il le nom ?Si l’image n’est pas nette, cliquer sur le lien dans « Télécharger le fichier » ci-dessous. Merci de votre compréhension.
Cartementale2Dequoilepardonest-illenom.pdf
Carte mentale n°3 Le pardon, du point de vue de l’offenseurSi l’image n’est pas nette, cliquer sur le lien dans « Télécharger le fichier » ci-dessous. Merci de votre compréhension.
Cartementale3Lepardondupointdevueloffenseur.pdf
Carte mentale n°4 Qu’en est-il des crimes particuliers, et des crimes contre l’humanité ?Si l’image n’est pas nette, cliquer sur le lien dans « Télécharger le fichier » ci-dessous. Merci de votre compréhension.
Cartementale4Quenest-ildescrimesetdescrimescontrelhumanit.pdf
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