Cafephilos Forums Les cafés philo Des cafés philo sur Grenoble Prochain sujet : L’enseignement des savoirs est-il aliénant ? à partir de l’ouvrage de Bernard Lahire, ce mardi 25 novembre 2025 à 18h30 au café Chimère, 12 rue Voltaire. Grenoble

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  • #7965
    René
    Maître des clés

      Nous nous réjouissons de notre amitié avec l’UTEM (Université de Terrain Edgar Morin). Merci également au café citoyen la Chimère, 12 rue Voltaire, Grenoble d’accueillir notre pratique des cafés philo  (Lien vers le café la Chimère citoyenne, ici)

      Durée des débats (1h30 environ > jusqu’à > 20h30 maximum)
      Discussion informelle pour celles/ceux qui souhaitent poursuivre
      Entrée libre

       

      Sujet proposé pour ce mardi 25 novembre 2025 à 18h30:
      L’enseignement des savoirs est-il aliénant ? 

      Question suggérée à partir d’une lecture de l’ouvrage « Savoir ou périr » Bernard Lahire, Seuil. 2025.

      Quelques liens pour s’informer :
      L’interview de Bernard Lahire sur Elucid Media, aout 2025.
      L’auteur est l’invité du matin sur France Culture (sept 2025). 
      La revue de presse en accès libre de « Alternatives économiques »
      – L’avis en accès libre de la revue, Café pédagogique. 

      > Pour les curieux, un histoire de l’école en 10mn, par la youtubeuse : Dixitologie

      Des citations de l’auteur et/ou de l’ouvrage.
      « Les sciences intimident ou terrorisent à défaut d’émerveiller ou de fasciner »



      Questions associées à notre sujet :
      Qu’est-ce que l’aliénation ?
      Faut-il avoir peur pour apprendre (comme le laisse présupposer les méthodes éducatives du système éducatif) ?
      Autrement dit, faut-il être en compétition pour former des élèves, des étudiants, des chercheurs ?

      Une définition de « aliénation »
      Du latin alienus, l’« étranger », dérivé de aliud, l’« autre ». Ce terme a originellement un sens juridique : aliéner, c’est donner ou vendre. Rousseau l’utilise de manière ambivalente d’abord négativement pour dénoncer la servitude, puis positivement pour signifier l’accès, par échange mutuel des libertés, à une société de droit fondée sur la volonté générale.
      L’aliénation prend un sens plus philosophique avec Hegel, qui s’en sert pour décrire le mouvement dialectique de la conscience comme nécessaire « passage dans son autre » d’abord en se posant comme simple chose, puis en se rendant étranger à soi-même. Le terme est repris par les successeurs de Hegel : Feuerbach, penseur de l’athéisme, montre comment l’homme « s’aliène » en transférant ses propres qualités à Dieu.
      Marx, lui, voit dans l’aliénation économique du prolétaire dépourvu de conscience de classe et exploité dans son travail une stratégie du mode de production capitaliste pour conserver son pouvoir. Le mot se retrouve enfin en psychiatrie, pour désigner l’état de trouble psychique qui isole l’individu en le coupant de lui-même et de la société dans le cas extrême de la psychose. D’une manière générale, et en dépit de son usage dialectique, l’aliénation s’oppose à la liberté.  Vu dans Philomag, ici.
      Une définition simple : le fait de ne pas s’appartenir, de devenir étranger à soi-même, de ne pas être maître en sa demeure.

      Quelques règles concernant nos échanges
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – Pas d’attaque ad hominem /ad persona.
      – On essaie de rendre compte des raisons de sa pensée et de faire évoluer le débat.
      – Chacun est le bienvenu, quelles que soient sa confession, sa classe sociale, sa formation et ses références philosophiques.

      L’approche du café philo de Grenoble
      C’est une approche plutôt non-directive, centrée sur les questions des participants. Nous nous efforçons de faire évoluer le débat au fur et à mesure de nos échanges.
      Nous partons du principe que chaque participant est adulte, autonome, responsable de sa pensée et de ses comportements. On note également que le participant est curieux d’examiner aussi bien les arguments de sa pensée que de ceux d’autrui.
      Nous nous appuyons en fait sur l’idée qu’une écoute compréhensive et qu’un partage structurant et structuré de nos réflexions ne peut être que profitable à tous, à une socialisation réflexive en partage et à une philosophie en travail.

      Ce que le café philo n’est pas :
      Le café philo n’est pas un lieu de propagande politique ou religieuse, ni il n’est celui d’une mise en spectacle de soi. On n’y vient pas faire la leçon aux autres ou répéter ce que l’on sait déjà, chacun étant déjà par lui-même l’auteur de sa propre pensée. L’effort que nous faisons porte sur une réflexivité mise en partage, sur l’écoute de l’autre et du débat qui se construit : on y assume les hésitations d’une pensée qui se cherche.

      L’affiche du mois de novembre.

       

      ————————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #7999
      René
      Maître des clés

        Compte rendu de notre échange du mardi 25 novembre 2025 :
        L’enseignement des savoirs est-il aliénant ? 

        Nous étions entre 25 et 30 personnes. La pluie et le froid n’ont pas découragé les participants. Merci à eux, et merci à Gilles (du Café Chimère) pour son accueil.

        La question de départ est ouverte : l’enseignement des savoirs est-il aliénant ?  Et il nous a fallu assumer un sujet qui se travaillait en exploration-découverte (la façon dont le sujet se présente à chacun), nous n’avons pas ainsi approfondi une problématique spécifique. Par exemple, que se passe-t-il dans la relation à l’autorité de l’enseignant et de l’élève ? Toutefois, la question de départ fût accompagnée d’une citation de l’auteur :
        « Ce serait une grave erreur de croire que la joie de l’observation et de la recherche peut croître sous l’effet de la contrainte et du sens du devoir. »
        Il s’agissait de faire le lien entre, d’une part, la pression « totalisante » d’un système éducatif autoritaire, discriminant et élitiste et, d’autre part, l’allant naturel de l’enfance, et de l’humanité en général, à apprendre. Cette question générale est d’autant plus pressante, que nous avons tous conscience de la crise civilisationnelle que nous traversons (un gouvernement incompétent, immature, malade du pouvoir) alors que notre monde appelle (et a besoin) de se transformer, de revoir son mode de vie, ses modes d’échange, de production et son rapport à l’environnement. Bref, je ne développe pas davantage cette thématique ici.  😉

        Quelques mots clés, des termes à préciser et à contextualiser :
        Cadre, contrainte, joie d’apprendre, système éducatif, élitisme, rapport à la transmission dans la société et rapport de domination.
        Fondamentalement, on peut s’étonner que la question présente « insidieusement » la connaissance comme aliénante, alors qu’elle est la trame par laquelle, historiquement et structurellement, l’émancipation des consciences se fait. Mais c’est tout le reproche qu’adresse Bernard Lahire à notre système éducatif (voir ici notre introduction). Par la pression que la structure de notre système éducatif exerce sur les consciences, par ses modes d’évaluation et le système de classe qu’il perpétue, celui-ci disperse les compétences, atomise les individus, isole les chercheurs et fabrique des suiveurs plutôt qu’il n’ouvre les consciences vers de nouvelles voies. Mais les questions ont été posées :
        – Peut-on apprendre sans contrainte ?
        – La joie d’apprendre s’oppose-t-elle à la contrainte ?
        – Les disciplines du savoir n’exigent-elles pas de se dépasser et d’endurer l’apprentissage ?
        Qu’est-ce que s’efforcer pour apprendre, et en vue de quoi ?
        – Qu’est-ce que le savoir,  quels types d’intelligence suppose-t-il ?
        – L’autorité n’est-elle pas, par nature, castratrice ?
        > Une problématique fût évoquée néanmoins : en quoi les contraintes sociales (du système économique et des rapports de classe) se confondent et/ou se distinguent de l’effort que demande un apprentissage ? Vers quoi nous conduit ou devrait nous conduire l’effort d’apprendre, notamment s’il engage des souffrances, des sacrifices et, finalement, peu ou pas de « joie » ? 

        Pour la dernière question qu’il y avait une sorte de confusion à clarifier : distinguer d’une part, le plaisir et le désir d’apprendre que l’on associe à la dimension émancipatrice des savoirs et, d’autre part, dénoncer le cadre coercitif imposé par une structure institutionnelle gouvernementale qui édite les contenus des programmes, contrôle la formation des enseignants et oriente les financements de la recherche et des enseignements vers le privé.

        Des schémas pour un compte rendu impressionniste. 

        Ce qui se transmet, de même que la question des enseignements et des apprentissages, tout cela peut se présenter sous la forme d’un triptyque, comme ci-dessous : 

        Le triptyque avec quelques éléments de précision :

        Une autre manière de préciser le triptyque :

        Et finalement, le questionnement à l’autorité (ce qui fait autorité) et possiblement, ce qui aliène (nous dépossède de notre autonomie) ou, à l’inverse, nous conduit vers davantage d’émancipation et de possibilités à nous auto-gouverner.

        Le savoir, un rapport à l’autorité, à un modèle, à un système ?
        Cette question, cruciale, sera reprise lors de cafés philo à venir (je n’en doute pas). Et le temps va me manquer pour la développer ici.  Mais l’idée a été formulée : alors que notre société est en crise, on peut imaginer qu’une mise à plat de nos manières de faire l’école soit repensée à l’aune de nouvelles sensibilités, en vue de nouveaux horizons de vie, tout en nous appuyant sur ce que le meilleur des sciences humaines et de chacun peut nous apporter aujourd’hui. Il s’agit de libérer notre système éducatif, qu’il ne se réduise pas à être la gare d’un système de triage en vue d’un idéel mondialiste.  Ce système (financiarisation de l’économie, multinationales et IA)  en mèche avec des gouvernements corrompus, nous conduit tout droit à des guerres et à l’épuisement de toutes les ressources. (Voir ici, par exemple ici, l’analyse de Barbara Stiegler interviewée par Aude Lancelin, octobre 2025)
        Un autre exemple, l’analyse civilisationnelle sur le long terme d’Emmanuel Todd, sur Thinkerview, novembre 2025. Cliquer ici.

        Dernière question 
        – Qu’est-ce que prendre sur soi, s’efforcer pour apprendre, et en vue de quoi, de quelle espérance ?
        Puisque nous sommes toujours tendus vers un « effort », en vue d’un dépassement, en vue d’un devenir, la question se pose, en vue de quelle humanité, de quelle idée de l’homme nous efforçons-nous ?  De quoi sommes-nous la transition ? Les apprentissages, les formations, les savoirs, le système éducatif qu’une société se donne nous appartiennent-ils en termes de projet dans lequel nous reconnaître, ou ce système nous conduit-il à une société que nous ne voulons pas ? La question se pose de manière générale, reste à creuser des pistes de réflexion, à s’essayer à des pratiques, à prendre en compte, à minima, de l’état des savoirs aujourd’hui, mais en vue de l’ouvrir, de l’affiner, de l’enrichir et surtout, de l’humaniser.

        Quelques interventions retenues durant notre débat :
        – « Il peut y avoir de la joie dans la contrainte »
        « Le sachant détient un pouvoir et par là une autorité… ce rapport n’est-il pas aliénant ? De qui tient-elle ce pouvoir ? Et comment l’exerce-t-elle ? »
        –  Je rappelle une étude de l’OCDE qui classe le système scolaire français parmi les plus inégalitaires des pays industrialisés.
        – « L’école est là pour proposer des métiers […] et non pour proposer des apprentissages et une volonté d’apprendre. »
        – « Le cadre offre aussi une certaine égalité […] une base de savoir […] sa maîtrise peut peut-être nous conduire à en sortir. »
        – On inverse les priorités en finançant davantage l’effort de guerre que l’éducation et la recherche.
        – « Entre les évaluations diagnostiques, formatives, sommatives […] un enseignant passe autant de temps à évaluer qu’à enseigner, or, quand on évalue, on évalue une réussite, non des connaissances.
        – « La connaissance c’est […] la base du tout […] ce qui est remis en question aujourd’hui, c’est la manière dont on transmet la connaissance, c’est un rapport à la compréhension, à une évolution qu’il vaudrait mieux prendre en compte.
        – « Ceux qui n’ont pas réussi […] c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas la disponibilité d’esprit pour réfléchir à autre chose que leur survie. »
        – Ps : le rapport à la classe sociale n’engendre pas nécessairement (systématiquement) le déclassement. Sans relancer le débat sur la méritocratie (voir ici), Ce n’est pas le niveau des revenus qui conditionnent l’équilibre d’une personne, son intelligence (et une multiplicité des types d’intelligence), mais c’est également un climat affectif, une ambiance familiale, des héritages et transmissions culturels et humains qui participent d’un tout à la formation de l’enfant.
        – Évocation de l’ouvrage de Jacques Rancière : Le maître ignorant (2004)
        Thématique : un enseignant français parvient à enseigner sa langue à des étudiants flamands à l’université de Louvain — sans connaître le flamand — il leur donna un livre bilingue, sans fournir d’explications ni de cours supplémentaires. Et ses étudiants parvinrent néanmoins à apprendre le français.
        Une ou deux citations : 
        « Qui enseigne sans émanciper abrutit. Et qui émancipe n’a pas à se préoccuper de ce que l’émancipé doit apprendre. »
        « La routine n’est pas ignorance, elle est lâcheté et orgueil de gens qui renoncent à leur propre puissance pour le seul plaisir de constater l’impuissance du voisin. « 

        Fin du compte rendu.

        Merci pour votre attention. N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à faire part de votre synthèse ou de l’une de vos réflexions survenues durant le débat ou à la suite de ce compte rendu. Merci à vous.

        Pour retrouver l’introduction du débat et les ressources renvoyant à Bernard Lahire que nous avons utilisées, cliquer ici. 

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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