Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, d’après le livre d’Emmanuel Todd, sujet du 01.06.2015 + mini compte-rendu
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27 mai 2015 à 3h22 #5250Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse (Emmanuel Todd – 2015)
Ou comment lire, et interpréter la manifestation du 11 janvier 2015 ?A la suite des attentats contre Charlie hebdo, la manifestation qui avait rassemblé plus de 4 millions de citoyens avait été perçue comme un moment d’unité nationale. Mais Emmanuel Todd donne une autre lecture de cet événement, il l’aborde sous un angle socio anthropologique, et dresse un portrait type du manifestant, il ne serait pas représentatif de la « France » d’aujourd’hui (voir portrait-robot ci-dessous). ¨Par ailleurs, cette manifestation témoignerait davantage, selon l’historien-démographe, d’une crise des valeurs, d’un « entre-soi » des classes bourgeoises. Ce mouvement répondrait du réflexe de se trouver un bouc émissaire : le groupe religieux minoritaire que représentent les musulmans, et sur lequel évacuer son angoisse. ( On compte 2,1 millions de pratiquants pour les 18 – 50 ans – chiffre du Le Monde 2015).
En dehors de quelques médias (Libération, Rue 89, et Mediapart), tous ont crié haro sur les conclusions d’Emmanuel Todd, et ses méthodes de travail. Parlons-en lors de notre prochain débat.
Questions de départ :
> Comment comprendre le rejet que l’analyse de l’historien suscite ?
– Est-ce le sentiment généralisé d’une peur pour les valeurs de la République qui conduit les politiciens et la plus grande majorité des médias à rejeter son interprétation ?
– Est-ce le choc « affectif » provoqué par l’assassinat des dessinateurs et des intellectuels de Charlie’s Hebdo qui rend insupportables ses conclusions ?
– Est-ce le portrait-robot du manifestant qui n’est pas très gratifiante ?> Au delà des réactions immédiates:
– Y a-t-il quelque chose de vrai dans l’analyse d’Emmanuel Todd ?
– Quels enseignements peut-on tirer de son analyse ?
– Quelles autres interprétations pouvons-nous faire de cet événement ?> Et vous, quelles sont vos questions ?
Soyez les bienvenus pour en débattre.Ressources qui m’aideront à alimenter le sujet
– Une copie de l’introduction du livre d’Emmanuel Todd en libre accès ici.
– « Qui est Charlie ? » Emmanuel Todd et ses méthodes par Joseph Confavreux (article offert par Médiapart)
– L’insulte est contreproductive, le philosophe Patrick Viveret répond à Todd.
– L’esprit du 11 janvier, une vidéo avec Alain Badiou, Emmanuel Todd et la journaliste philosophe Aude Lancelin
– L’émission » Ce soir ou jamais » sur ce même thème
– Mesurer les discriminations en France (Dans La vie des Idées)
– Le problème de l’immigration (Dans La vie des Idées)
– L’islam et les pouvoirs publics (Dans La vie des Idées)
– Big data et statistiques sociologiques (Nouvel Obs)
– L’analyse de France Tv Info en cinq citations commentées du livre d’Emmanuel Todd
– Ci-dessous, le portrait-robot du manifestant du 11 janvier (France Tv Info)
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Une information toute autre
Les Rencontres sur les Pratiques Philosophiques cet été, les 24, 25 et 26 juillet (Voir les infos ici).
> Nous faisons voiture commune depuis Annemasse-Genève pour nous y rendre.__________________________
Les principes qui régissent notre café philo sont ici1 juin 2015 à 17h33 #5251Quelques liens qui permettent d’élargir notre regard sur des problématiques de fondSur les interactions qui se tissent entre Islam, modernité, et République, on peut écouter avec intérêt Hélé Béji (Fondatrice du Collège International de Tunis) : L’Islam politique, fin ou début d’un monde ?
> En bref, selon Hélé Béji, on distinguera un Islam « modéré » d’un Islam civil. L’islam modéré est impossible à circonscrire, ses frontières sont indistincts. L’Islam civil ne fait pas de politique, il est un fait de culture et de valeurs porté par des personnes, l’islam civil ne se confond pas avec des institutions qui se radicalisent dans des partis d’opposition.
> La Tunisie a intégré l’Islam civil dans un désir de démocratie. Politique et Islam civil tissent ainsi une voie en évitant de se laisser radicaliser par des fondamentalistes et les institutions.Un article et une vidéo offert par Médiapart, le journal vraiment indépendant : Akram Belkaïd: sur l’islam, il faut choisir entre «le débat ou l’affrontement
Mediapart a choisi de dépasser les polémiques à propos du 11 janvier, en écoutant la parole nuancée du journaliste Akram Belkaïd. Il est l’auteur dans Le Quotidien d’Oran d’une « Chronique du Blédard » qui parle de la France aux Algériens, et des Algériens à la France.Enfin, dans Slate, (merci Nadège pour le lien) l’auteur Thierry Joliveau reprend d’une manière dépassionnée les cartes et les conclusions du livre (voir ici).
« Symboliquement, le slogan qui avait éclos et qui s’était diffusé en clin d’œil sur la terre entière correspondait bien à cette époque d’individus en réseau. «JE SUIS», et pas «NOUS SOMMES», Charlie. Symbole non d’un collectif, mais d’un rassemblement d’individus ayant chacun leur propre raison d’être là avec les autres. Affirmer qu’on était Charlie dispensait d’expliciter CE qu’était précisément Charlie, tout en laissant à chacun la liberté de décliner à l’envi le slogan en le spécifiant selon ses motivations ou ses engagements personnels. »2 juin 2015 à 16h23 #5252Un rapide compte-rendu
A vous d’y réagir, ou de le compléter B)Ambiance générale
– Une vingtaine de personnes présentes
– Deux personnes nouvelles, l’une d’entre elles s’est exprimée.
– Une tension régnait mais elle fût très bien contenue et a permis un échange de propos à la fois argumenté, construit, assez précis.Un regret et un plaisir exprimés après les débats :
> Peut-être avons-nous perdu un peu de temps à discuter de la méthodologie d’enquête… alors que fondamentalement, nous n’étions pas compétents pour discuter précisément de la méthodologie d’Emmanuel Todd. Mais la critique de la méthode ne devait pas conduire à rejeter en bloc les interprétations que propose Emmanuel Todd.
> On a questionné malgré tout les interprétations de fond qui sous-tendent ses analyses.Des niveaux de lecture de la manifestation du 11 janvier à différencier :
> Le choc affectif ressenti par nombre de citoyens, et qui souhaitaient témoigner à la fois d’une peine, du tragique des évènements, du ral-le-bol de cette violence, de l’intolérance (celle des religieux, celle des politiques, celle des intellectuels, celle des frustrés et des rancuniers…), en bref, il y était question d’un appel à des valeurs « humanistes universelles ».
> De la récupération politique de l’évènement, la marche des politiques qui, tous, étaient loin d’être pour la liberté, l’égalité et la fraternité des citoyens et des peuples.
> De la radicalisation du message: notre « République est mise en danger par les fondamentalistes »…alors que dans les faits, selon Emmanuel Todd, c’est l’inégalité croissante qui menace les trois principes fondateurs de notre « République » (Liberté, Egalité, Fraternité).
> Celui qui n’était pas Charlie était immédiatement suspecté de complaisance envers la religion, les fondamentalistes, et de vouloir remettre en cause les valeurs de la liberté.> Sur le droit au blasphème (un avis personnel) : vous pouvez blasphémer votre religion tant que vous le souhaitez, mais avez-vous le droit (moralement parlant) de blasphémer la religion des autres ?
> La satyre, aujourd’hui, se moque-t-elle vraiment de ceux qui sont au pouvoir, et de ceux qui menacent nos valeurs ?
> Pourquoi la satyre se moque-t-elle de « Dieu », plutôt que des terroristes ?Emmanuel Todd a permis de relancer le débat sur un mal qui ronge les valeurs qui ont fondé notre pays, et sur un évènement que s’approprient les politiques… alors que la profondeur de cet évènement, et ce qui en est la cause, ne peut se réduire à un slogan, et aux discours sécuritaire des politiciens.
> Il faudrait s’entendre sur l’analyse du mal > avant d’envisager son traitement.
>> Les discriminations et les humiliations que subissent les français d’origine arabe, à l’école comme dans la vie civile et professionnelle, ne doivent pas être niées. Le refuge dans des valeurs de solidarité, de partage, de fraternité que leur offre l’Islam peut être vu comme une compensation aux valeurs « universelles » que la France n’incarne plus.Portrait-type d’un zombie catholique : François Hollande (Extrait du livre de Todd)
« Francois Hollande, fils d’un médecin catholique d’extrême droite et d’une assistante sociale catholique de gauche … pourrait même être considéré comme le type idéal, au sens wébérien, du catholique zombie. L’homme se pense sans doute de gauche, et ne saurait facilement admettre que ses valeurs profondes demeurent celles de son enfance : hiérarchie, obéissance, matriacat peut-être… Ce simple coup d’oeil à la carte d’identité religieuse du Président nous permet de comprendre bien des choses. Placé à la tête d’une nation en difficulté, le Président s’obstine à ne rien faire, à ne pas décider, à ne pas être grand, à rester en conformité avec l’éducation qu’il a reçue, humble. » (Chapitre 1, emplacement 592 dans Kindle)> En somme, le catholique zombie n’est plus ni croyant ni pratiquant au sens religieux du terme, mais il hérite de son ascendance d’un « habitus » (des manières d’être et de se comporter) qui s’accommode des tendances de la modernité, et résiste à en changer le cours.
Quelle solution envisager ?
> Peut-on penser que les valeurs de la « République » sont mortes et que, désormais, ne peut prévaloir que les valeurs d’un homo économicus radical, motivé par son seul confort, inquiet pour sa seule personne, et armé d’une seule idéologie méritocratique hargneuse, colérique, arrogante ?
> Quelle solution envisager sur le long terme qui soit susceptible d’articuler l’équation complexe entre les trois idéaux de notre « République » : Liberté, Egalité, Fraternité ?
> Quelle place donner à l’écologie aujourd’hui dans un environnement qui déjà nous fait suffoquer, et risque bientôt de nous étouffer ?
> Notre société peut-elle stimuler une réflexion et mettre à jour un projet de vie, (une nouvelle constitution ?) qui réexamine les valeurs de l’universel en intégrant l’Histoire des civilisations, la sagesse des grands auteurs, et les connaissances d’aujourd’hui ?Deux citations
– « Si l’Etat ne vous donne pas une dignité, vous allez la chercher ailleurs »
Régis Debray (Conférence donnée à l’institut du Monde Arabe, 2015 : L’Islam politique, fin ou début d’un monde ? à la minute 58)-« Aimons donc tous la forme humaine,
Dans le païen, le Turc, le juif.
Où logent Pardon, Amour, Pitié,
Dieu se trouve aussi. »
Dernière strophe du poème : La Divine Image (William Blake – 1789) Cité par Emmanuel todd dans « Qui est Charlie ? -
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