Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Retour au réel : Ce qui questionne par rapport aux positions de Comte-Sponville durant le Covid. Sujet du lundi 15.06.2020 + mini compte-rendu

3 sujets de 1 à 3 (sur un total de 3)
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  • #5863
    René
    Maître des clés
      Prochain thème : à partir de vos questions/réactions par rapport aux interventions d’André Comte-Sponville durant le Covid19

      Nos débats reprennent chez Maître Kanter, dans la vie réelle.
      > Désinfectez-vous les mains ou lavez-les.
      > Portez un masque si vous estimez nécessaire de vous protéger ou de protéger les autres.
      > Sinon, tous les infestés, les louches, les suspects, les normaux, les originaux sont les bienvenus, dans la mesure où ils acceptent de questionner autant leurs idées que celles des autres. :cheer:

      Pour la reprise de nos échanges, peut-être ferons-nous un tour de table pour prendre des nouvelles des uns et des autres, en particulier, interessons-nous sur ce qui vous a posé question lors de cette crise…Vos réponses peuvent inspirer nos thèmes à venir… B)

      Introduction de notre débat :
      Dans un article du Temps (Laissez-nous mourir comme nous le voulons – voir ici) André Comte-Sponville répond à une série de questions. En voici quelques extraits :

      Le Temps: Pour la première fois dans l’Histoire, l’humanité se donne pour mission de sauver tout le monde. Une bonne nouvelle?
      André Comte-Sponville: (…) j’ai deux nouvelles à vous annoncer, une bonne et une mauvaise. La mauvaise, c’est que nous allons tous mourir. La bonne, c’est que l’énorme majorité d’entre nous mourra d’autre chose que du Covid-19!

      Le Temps: A 68 ans, vous devriez pourtant vous réjouir du principe de précaution!
      André Comte-Sponville: (…) Ce qui m’inquiète, ce n’est pas ma santé, c’est le sort des jeunes. Avec la récession économique qui découle du confinement, ce sont les jeunes qui vont payer le plus lourd tribut, que ce soit sous forme de chômage ou d’endettement. Sacrifier les jeunes à la santé des vieux, c’est une aberration. Cela me donne envie de pleurer.

      Le Temps: Vous serez accusé de vouloir condamner des vies pour sauver l’économie!
      André Comte-Sponville: (…) Augmenter les dépenses de santé? Très bien! Mais comment, si l’économie s’effondre? Ce sont nos enfants qui paieront la dette, pour une maladie dont il faut rappeler que l’âge moyen des décès qu’elle entraîne est de 81 ans. Traditionnellement, les parents se sacrifiaient pour leurs enfants. Nous sommes en train de faire l’inverse! Moralement, je ne trouve pas ça satisfaisant!

      Le Temps: La surcharge des hôpitaux n’était-elle pas une raison suffisante pour confiner?
      André Comte-Sponville: (…) C’est en effet sa principale justification (…) je crains qu’en France, où l’on se soucie de plus en plus de santé et de moins en moins de liberté (la France est quand même l’un des rares pays où le mot «libéral» soit si souvent une injure), cela se fasse plus tard que dans la plupart des pays comparables.

      Le Temps: Déplorez-vous le retour en grâce des scientifiques?
      André Comte-Sponville: (…) Je déplore le pan-médicalisme, cette idéologie qui attribue tout le pouvoir à la médecine. Une civilisation est en train de naître, qui fait de la santé la valeur suprême. Voyez cette boutade de Voltaire: «J’ai décidé d’être heureux, parce que c’est bon pour la santé.» Auparavant, la santé était un moyen pour atteindre le bonheur. Aujourd’hui, on en fait la fin suprême, dont le bonheur ne serait qu’un moyen! Conséquemment, on délègue à la médecine la gestion non seulement de nos maladies, ce qui est normal, mais de nos vies et de nos sociétés. Dieu est mort, vive l’assurance maladie!
      Pendant ce temps, les politiciens évitent les sujets qui fâchent, donc ne font plus de politique, et ne s’occupent plus que de la santé ou de la sécurité de leurs concitoyens. Quand on confie la démocratie aux experts, elle se meurt.

      Le Temps: Notre réaction à l’épidémie vient-elle du fait que la mort fait obstacle à notre sentiment contemporain de toute-puissance?
      André Comte-Sponville: (…) La mort est aujourd’hui vécue comme un échec. Le remède du vulgaire, c’est de n’y penser pas. […] Mais aussi, quand elle arrive ou à eux ou à leur femme, enfants et amis, les surprenant soudain et à découvert, quels tourments, quels cris, quelle rage et quel désespoir les accable!» Nous en sommes là! On redécouvre qu’on est mortel. Alors que si on y pensait davantage, on vivrait plus intensément.
      Arrêtons de rêver de toute-puissance et de bonheur constant. La finitude, l’échec et les obstacles font partie de la condition humaine. Tant que nous n’aurons pas accepté la mort, nous serons affolés à chaque épidémie. Et pourquoi tant de compassion geignarde autour du Covid-19, et pas pour la guerre en Syrie, la tragédie des migrants ou les neuf millions d’humains (dont trois millions d’enfants) qui meurent de malnutrition? C’est moralement et psychologiquement insupportable.

      Le Temps: Est-ce l’incertitude qui engendre cette terreur collective?
      André Comte-Sponville: (…) L’incertitude est notre destin, depuis toujours. Le combat entre l’humanité et les microbes ne date pas d’hier, et cette maladie n’est pas la fin du monde. Dans les temps anciens, c’était encore pire! Ces dernières semaines, je n’ai heureusement entendu personne qui dise que le Covid-19 est un châtiment divin, ni qui compte sur la prière pour vaincre le virus! C’est un progrès! Moins de superstition, plus de rationalité!

      Le Temps: Vraiment? Vous oubliez les théories du complot!
      André Comte-Sponville: (…) C’est vrai! La superstition recule. Le taux de bêtise, hélas, demeure constant.

      Le Temps: Quelle valeur à vos yeux surpasse la santé?
      André Comte-Sponville: (…) La santé n’est pas une valeur, c’est un bien: quelque chose d’enviable, pas quelque chose d’admirable! Les plus grandes valeurs, tout le monde les connaît: la justice, l’amour, la générosité, le courage, la liberté… Je ne suis pas prêt à sacrifier ma liberté sur l’autel de la santé! Nous ne pouvons accepter l’assignation à résidence – ce qu’est en réalité le confinement – que si elle est de courte durée. Je crains que l’ordre sanitaire ne remplace «l’ordre moral», comme on disait du temps du maccarthysme. Je redoute qu’on s’enfonce dans le «sanitairement correct», comme nous l’avons fait dans le politiquement correct.
      Va-t-on continuer à confiner indéfiniment les plus âgés, soi-disant pour les protéger? De quel droit prétendent-ils m’enfermer chez moi? J’ai plus peur de la servitude que de la mort. Depuis quinze jours, j’en viens à regretter de ne pas être Suédois: je serais moins privé de ma liberté de mouvement!

      Le Temps: Même si c’est au prix de la vie?
      André Comte-Sponville: (…) Mais laissez-nous mourir comme nous voulons! Alzheimer ou le cancer font beaucoup plus de victimes que le coronavirus; s’en soucie-t-on? On pleure les décès dans les établissements médicosociaux, mais faut-il rappeler qu’en général, on y va pour mourir?
      L’être humain est partagé entre égoïsme et altruisme, et c’est normal. Ne comptons pas sur les bons sentiments pour tenir lieu de politique.

      Le Temps: Est-il illusoire de penser que cette crise changera la société?
      André Comte-Sponville: (…) Ceux qui croient qu’elle ne changera rien se trompent. Ceux qui croient qu’elle changera tout se trompent aussi. Cette pandémie pose toutes sortes de problèmes, mais n’en résout aucun. L’économie gardera ses contraintes et ses exigences. Peut-être allons-nous revaloriser les salaires de certains métiers d’utilité sociale? Tant mieux! Mais des footballeurs continueront à gagner des millions, ce qui a peu de chances d’arriver aux infirmières.

      Propostions pour notre échange :
      – On réagit brièvement à l’article ou à l’un de ses paragraphes.
      – On essaie d’en tirer une question par rapport à un extrait ou à l’article en général.
      – Notre débat s’organisera autre des questions suggérées.
      – Pour info, le philosophe Jean-Pierre Dupuy à répondu a André Comte-Sponvile dans une lettre ouverte a AOC (Analyse Opinion Critique) . Comte-Sponville lui a répondu à son tour.
      > En libre accès, la lettre ouverte de Jean-Pierre Dupuy ici, > et là, celle d’André Comte-Sponville.

      Ressources, un rappel des liens utilisés pour ce débat :
      André Comte-Sponville : Laissez-nous mourir comme nous le voulons. Article du Le Temps
      Jean-Pierre Dupuy. Le virus du sophisme – lettre à André Comte-Sponville. Article de AOC.
      André Comte-Sponville. Toujours contre la peur – réponse à Jean-Pierre Dupuy. Article de AOC

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat :
      – Evitez de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de vous lancer dans de longues explications, mais allez au fait de votre argumentation.
      – On s’efforce de relier son intervention au sujet, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, on reste concis.
      – On s’attache non pas à affimer son opinion, mais à expliquer la raison de sa pensée. En effet, c’est sur la base des argumentations, que l’on met en lien avec la question/le thème de départ, que l’on tente de faire progresser le débat, c’est-à-dire, d’en clarifier les enjeux.
      – Si possible, on tente d’identifier les thèses, les problématiques philosophiques qui sous-tendent notre argumentaion.

      #5864

      « André Comte-Sponville, philosophe français, déplore qu’on sacrifie les jeunes au détriment des personnes âgées, la liberté sur l’autel de la santé. » amusant que le titre du temps.ch soit un contresens du fond ?

      Et, après avoir tout lu,
      le pinaillage de Dupuy m’amuse , mais il est coutumier du fait l’ingénieur Xmines en chef,
      et la réponse du pur et délicieux Comte-Sponville qui gagne haut la main le débat 🙂

      je suggère que

      Votre débat pourrait porter sur les différents critères de choix de qui on protège et pourquoi ?

      J’ai été très étonné que, au contraire de la Suède, on n’identifie pas les fragiles (dont les différents vieux)
      et qu’on ne les loge pas dans des conditions non dangereuses et psychologiquement supportables .
      (la Tunisie l’aurait un peu fait en profitant de ses hôtels vides) .

      En Suède les écoles sont restées ouvertes et seuls les personnels fragiles ou cohabitant avec des fragiles ont été mis en « congés ».

      En France, la Sécu connait tous les profils pour qui elle paye les soins : elle aurait pu prévenir les fragiles et pourquoi pas, les aider à se protéger par différents moyens et processus de relations avec les autres.

      Cyrulnik (Cerveau et Psycho de Sébastien Bohler et auteur du ‘Bug Humain » ) aurait dit qu’il ya eu plus de morts de solitude que de Covid chez les très âgés,
      et que les conséquences psy négatives des mauvais confinements vont se payer pendant des années.

      #5865
      René
      Maître des clés

         »André Comte-Sponville, philosophe français, déplore qu’on sacrifie les jeunes au détriment des personnes âgées, la liberté sur l’autel de la santé. » amusant que le titre du temps.ch soit un contresens du fond ?

        Et, après avoir tout lu,
        le pinaillage de Dupuy m’amuse , mais il est coutumier du fait l’ingénieur Xmines en chef,
        et la réponse du pur et délicieux Comte-Sponville qui gagne haut la main le débat 🙂

        Merci pour votre réaction.. Je n’avais pas noté le contresens du titre « au détriment des personnes agées »… En fait, dans cette gestion, il y a eu à la fois sacrifices des jeunes et des personnes agées (isolées, parfois triées selon des témoignages d’urgentistes, non protégées selon les Ehpad et selon Cyrulnik et Bohler…)

        Sinon, pourquoi estimez-vous que Comte-Sponville l’emporte sur Jean-Pierre Chapuis ?

        Un mot sur notre première reprise des débats in real life.
        Nous étions 5 ou 6 personnes (3 habitués de nos échanges nous ont averti ne pas pouvoir venir)… 2 nouvelles personnes sont arrivées, mais ne sont pas restées (sans explication)
        L’aménagement de la salle où nous avons été reçu permet de recevoir 10 personnes et plus si nous séparons les tables. Certains participants portaient des masques, d’autres non. Masque qui était ponctuellement relevé pour prendre la parole…

        L’une des questions qui a retenu notre intérêt a été : le confinement a-t-il été l’occasion de revisiter nos valeurs (ou de prendre conscience de nos valeurs) ?

        Une réponse très résumée : pour certains oui, pour d’autres, non et pour d’autres encore, cela a été une privation de l’expression de ses valeurs (le confinement)… d’où l’idée qu’il fallait trouver (s’efforcer) à exprimer ses « valeurs » (talents/compétences) différemment. En cela, c’était un moment de découverte ou de redécouverte de soi sur différents plans.

        – Cela dit, il y a eu une sorte de perception selon laquelle l’Etat abusait de son autorité et cherchait moins à nous « protéger » qu’à exercer son autorité/pouvoir… d’où l’idée que le confinement n’était pas nécessairement vécu pour lui-même, mais par un choix autoritaire probablement abusif (en partie du moins, notamment au fur et à mesure que l’on connaissait mieux la maladie et les autres pratiques du confinement (en Allemagne, chez nos voisins les Suisses…etc)
        – J’ai noté également l’idée que, pour certaines personnes, le rythme cassé, grâce au confinement, a été pour elles un moment de « retrouvaille » avec elle-même, un moment où elles pouvaient disposer de leur temps, comme pour la première fois de leur vie. En cela, ce temps a été une opportunité pour se découvrir soi sans répondre d’aucune contrainte.

        – On s’est posé une drôle de question : le partage en présence des uns et des autres (et non plus derrière un écran d’ordinateur) permettait-il d’échanger des « ondes » (de l’électricité, des vibrations ou autre chose) en ce sens que, si nous avions tous été derrière des « vitres », nous nous serions sentis comme derrière (à nouveau) des écrans. Alors que sans « intermédiaire » vitré entre nous (écran ou vitre supposée), nous avions (on le suppose) le sentiment de communiquer de façon plus directe…

        – En bref, nous avons été davantage dans un moment de partage, de retrouvaille et de questionnement-échange partagé, plutôt que dans une pratique argumentée très structurée… mais c’était très bien… d’ailleurs, notre échange s’est terminé passé 21h (plutôt que vers 20h30)

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