Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet libre ce lundi 02.01.2023 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse + compte rendu : Transparence, authenticité et vérité dans notre rapport à autrui.

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #6426
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 02/01/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
      – De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)

      – Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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      Le compte rendu du sujet de la semaine passée, suggéré par Benoît : Peut-on philosopher à partir de rien (sous-entendu, sans culture philosophique. Cliquer ici

      Pour ceux que cela intéressent, une mise à jour est ici du sujet sur les effets des psychédéliques, notamment selon une approche thérapeutique.
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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
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      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6427
      René
      Maître des clés
        Transparence, authenticité et vérité, jusqu’où l’une ou l’autre de ces valeurs se trouve-t-elle compromise dans les relations humaines ?

        Nous étions une dizaine de personnes, dont une nouvelle. C’était sa première participation à un café philo, elle venait surtout pour voir. Elle s’est exprimée une fois.

        Après un tour de table, la proposition de Marie-Thérèse a été retenue : Transparence, authenticité et vérité, jusqu’où l’une ou l’autre de ces valeurs se trouve-t-elle compromise dans les relations humaines ?

        Une certaine transparence est souhaitable dans nos échanges avec autrui, et ce, dans tous les domaines : cercle privé, amical, familial, domaine public, civil, associatif, administratif, politique. Lorsque la transparence est volontaire, elle renforce notre confiance dans les échanges, conforte les liens, permet d’entériner des projets par l’engagement qu’elle met en avant. A l’inverse, l’absence de transparence dans les relations humaines entraine le doute, la méfiance, l’appréhension, et, par glissement, la suspicion peut s’installer, pouvant conduire à la défiance ou au repli de chacun sur lui-même. Une certaine transparence est donc souhaitable dans nos échanges. Dans le public, elle donne corps à l’idée d’un contrat « social » et, dans le privé, elle est l’expression d’un principe de reconnaissance, elle est une attention donnée à l’autre pour apaiser une inquiétude naissante. Mais à partir de quel moment, la transparence devient-elle exhibition, mise en scène, manipulation, ou encore, lorsqu’elle est imposée, asservissement, violation de l’espace privé d’autrui et finalement, aliénation à la volonté d’autrui ?

        La transparence dans le privé et dans le public
        Pour ce débat, les deux domaines du privé et du public doivent être clairement distingués. Le public, institué par les pouvoirs publics, a, idéalement, un devoir de rendre compte des services qu’il rend à sa population, or il agit selon des normes et des valeurs transmises hiérarchiquement et unilatéralement par des administrations et des autorités. Par définition, ces normes ne peuvent être adaptées à toutes les situations, mais surtout, elles manquent souvent (en France) de transparence quant à leur justification (gouvernance sous 49.3), elles sont peu convaincantes en regard de leur résultat et, pour faire référence à l’état d’urgence décrété pour des questions de santé publique, jamais un gouvernement n’avait franchi un tel pas pour ce genre de motif. (On en attend toujours le bilan et/ou des retours auto-critiques)

        Du côté du privé, qui retiendra davantage notre attention dans le débat, le problème se pose de façon plus immédiate et prégnante en ce que la transparence implique le sentiment de soi dans notre rapport à nos proches. Le soi, l’idée d’un soi authentique fait le lien avec la notion d’authenticité, laquelle est intimement liée à celle de vérité (réf. à un acte notarié, il est dit authentique, original, vrai). Mais qu’est-ce qu’un authentique soi et quelle différence fait-il avec être soi authentiquement ? De quelle manière cette authenticité fait-elle vérité, autrement dit, comment la valeur subjective du sentiment de soi (authentique) rend-elle compte de sa vérité ou de la vérité d’une situation dans laquelle on engage le sentiment de soi ?
        La seule question d’un soi « authentique » pose problème en ce qu’elle peut laisser supposer l’essence d’un soi (le vrai), par rapport à un faux, celui qu’on afficherait en public. Tandis qu’être authentiquement soi suppose d’être sans détour dans l’instant où, précisément, on engage son sentiment d’être dans une relation. Mais prenons un exemple, tiré des faits divers.

        Un exemple :
        Colline Berry, lors d’une interview (voir ici) témoigne des agressions sexuelles que son père, l’acteur, Richard Berry, lui a fait subir dans son enfance. Elle semble parfaitement sincère, et justifie sa dénonciation au nom également de ses enfants.
        Or, la justice la déboute et la condamne pour diffamation, tandis que son père, ses ex. Josiane Balasko et Jane Mason, ainsi que la sœur de Colline, tous la traitent de folle, de mythomane. Seule la maman de Colline, Catherine Hiegel, la soutient (voir ici).
        De mon côté, j’avoue sincèrement avoir été convaincu par les propos de la victime. Mais là n’est pas le problème et je suis parfaitement ok pour réviser mon jugement. La perception de l’authenticité ne fait pas preuve en elle-même.
        Supposons maintenant que les protagonistes de cette affaire soient tous « authentiques », convaincus que la perception qu’ils ont de la situation fait « vérité ». Comment savoir où est la vérité des faits, indépendamment de leur perçu respectif ? Qu’est-ce que cela nous dit de l’authenticité, de la sincérité ? On ne peut clamer son authenticité sur la base de sa seule subjectivité, et l’émotion de déni des uns à l’égard des autres sera aussi convaincante que leur désir de faire valoir leurs causes. L’authenticité ne fait pas vérité.

        Autre exemple, pris dans le « collectif »
        L’église a protégé les prêtres pédophiles pour sauvegarder l’image de l’institution et, avec elle, l’idée d’un caractère sacré de la foi, mais par ce choix, elle sacrifie dans le même temps des centaines de milliers d’enfants (voir ici).
        Il ne s’agit plus ici d’authenticité, mais d’un calcul d’intérêts calqué sur une hiérarchie des valeurs. L’église oppose l’éternité de l’image sainte de l’institution contre les péchés de centaines de brebis galeuses parmi ses prêtres, au mépris de l’innocence de milliers d’enfants.
        Ainsi, la transparence dans le collectif ne recouvre pas tout à fait les mêmes enjeux que ceux du privé, mais elle les comprend (les englobe). Le collectif se préoccupe de sauvegarder l’institution, elle se veut la gardienne de l’autorité, elle incarne la loi et par sa mission, la sauvegarde de ses valeurs. L’église croit plus en elles qu’en ses valeurs.

        En résumé, la question des enjeux
        L’institution se sauvegarde prioritairement pour se présenter comme la garante des valeurs qu’elle incarne pour les usagers. Son image vaut mieux que les vicissitudes du présent, y compris si elle trahit ses valeurs et le cœur de sa mission, l’éternité vaut mieux que le présent. La question des contre-pouvoirs défie les institutions, formalisée par Montesquieu au XVIIIe, elle nait en même temps que les sociétés s’établissent, en même temps que des institutions sont mises en avant pour se montrer garantes de valeurs qu’elles voudraient éternelles (l’église et l’Etat s’entende ou se combatte pour le contrôle du gouvernement).
        Dans le privé, c’est l’intimité de soi et celui de notre rapport immédiat aux autres qui est concerné. C’est la valeur de sa vie, de son intégrité psychique qui est en jeu. Quand les valeurs structurantes du cadre éthique de notre société se délitent, un mouvement de balancier entraine dans son sillage le délitement des valeurs de lien et du contrat social au niveau des citoyens. Les rapports du privé et du public se tiennent par des liens :
        > contrat social, qui est plutôt philosophico-politique dans le champ du public,
        > et sentiment de soi, qui est plutôt empirico-interactionnel, dans le champ de nos relations privées.
        Chacun peut observer en termes de conséquences, les effets sur soi, sur les autres de ses pratiques relationnelles, et chacun peut également observer le fonctionnement des institutions publiques, les rapports qu’elles ont en elles-mêmes (leur gouvernance) et la façon dont elles « traitent » et interagissent avec les citoyens, autrement dit, l’effet qu’elles ont sur la société (santé, justice, éducation, médias). A partir de là, faites vous votre propre idée.

        En guise de conclusion, la question des enjeux, au niveau des participants, aussi
        Durant notre débat, nous avons tenté de trouver des définitions, des critères, des limites aux concepts de transparence, d’authenticité et de vérité, mais aucun d’eux n’est stable ou ne trouve une limite claire et définie. De ce constat, j’observe, en tant qu’animateur, deux grandes tendances parmi les participants, celles des sceptiques embarrassés par ce constat et celle des résignés convaincus, tendance nihiliste. Ces derniers se plaisent souvent à disperser le débat, comme pour dire, vous voyez bien qu’on ne peut tirer aucune conclusion (je salue mon ami Boris au passage). Or, il y a une autre approche, elle ne vise pas l’ontologie ou la stabilité des concepts, mais tente de cerner le relatif propre au contexte, c’est-à-dire, le singulier. Ici (dans les églises et les gouvernements), ce sont les enjeux éthiques des protagonistes qui importent, ils impliquent des valeurs qui structurent les principes de fond d’une société, la gouvernance de ses institutions. Quand il s’agit de vie privée, c’est la profondeur et la valeur des liens dans notre relation à l’autre qui sont touchés, et dont on peut hésiter à les bouleverser complètement, car c’est de notre vie (de notre équilibre psychique) que nous le payons.

        Supposons une culture de la transparence reconnue comme « bonne volonté ». Cette transparence volontaire (par bonne volonté), dirait : je peux être faillible, les appréhensions de mon proche sont compréhensibles, ainsi, par l’attention, le don (a estimé Caroline) d’une transparence que j’accorde à l’autre, je témoigne d’une honnêteté engagée envers lui, mais elle est aussi engagée envers soi, envers la vie, elle tient en un principe d’intégrité qui confère à chacun des éléments structurant sa dignité. L’authenticité, ici, dit le prix qu’elle avance pour faire valoir ce qu’elle engage de soi. Est authentique ce qui prend le risque de sa décision pour se prémunir contre la tentation de se corrompre ou pour témoigner de son attention à l’autre.


        Sujets corrélés avec compte rendu dans notre forum sur le thème de l’émotion/implication de soi

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        Le paragraphe du sujet : Raisons et émotions/affects/passions.
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        Une ressource dernière trouvée : la psychologie de l’évolution sur la chaine Homo Fabulus.
        Dernièrement, j’ai écouté des séries de ce spécialiste de psychologie évolutionnaire, Stéphane Debove. Il est brillant, c’est complexe, mais bien expliqué.
        A vous de voir si cela peut vous éclairer.
        La série : comment expliquer la diversité des morales ? (Cliquer ici)
        > Et là, la série sur la psychologie évolutionnaire en elle-même.

        Par rapport au thème d’aujourd’hui, on peut faire le lien avec l’utilitarisme (maximisation de l’intérêt) et la déontologie (devoir moral (comportemental) dans le cadre d’une profession), mais la psychologie de l’évolution voit une troisième voie qui met en balance l’hésitation entre ces deux morales philosophiques. Cliquer ici pour voir sa vidéo n°6 (durée 32mn)
        Si vous préférez lire, le site de l’auteur, Stéphane Debove, sinon, il présente son bouquin ici.

        Si l’on devait rester que sur le plan philosophique, personnellement, je pencherai pour le concept de reconnaissance d’Axel Honneth ou pour des philosophes contemporains comme, Jean-Hugues Barthélémy, Corinne Péluchon, Bernard et Barbara Stiegler, Vinciane Despret. Je vous laisse chercher les liens.
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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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