Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre ce lundi 05.12.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse + compte rendu : l’oubli peut-il être un bienfait ?
- Ce sujet contient 2 réponses, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 2 années et 4 mois.
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2 décembre 2022 à 15h18 #6408Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 05/12/2022, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
– De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)– Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
– Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée : De l’évolution des civilisations. (Cliquer ici)
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)8 décembre 2022 à 1h54 #6412Compte rendu du sujet du 05.12.2022 : L’oubli peut-il être un bienfait ?Nous étions 8 participants, dont deux nouveaux.
Michel propose une question : Les gouvernements créent-ils délibérément les problèmes que nous avons, de sorte à nous imposer les réponses qui leur conviennent ?
Ainsi formulée, la question comprend trop de présupposés, ils risquent de faire obstacle à son traitement. Par exemple, les problèmes sont-ils créés par les gouvernements ?
Sous-questions : quelle est la différence entre, créer des problèmes, être cause de problèmes, générer des conséquences qui font problème ?
– Qui des membres du gouvernement, de l’administration ou qu’est-ce qui de la Constitution, des Institutions sont causes de problèmes ?
Autre présupposé de la question à partir de la définition du mot, délibérément : c’est un fait exprès, élaboré en vue de parvenir à des fins consciemment assumées, éventuellement formulées après une délibération au sein d’un cénacle.Pour une prochaine fois, nous invitons Michel à formuler par écrit sa question, de sorte à la préciser, notamment en élaguant les implicites les plus massifs. Par exemple, il peut convenir de préciser quels sont les problèmes que le gouvernement crée, d’illustrer sa question avec un exemple typique et, si le terme « délibérément » est maintenu, de montrer en quoi le gouvernement a intérêt à créer ce problème. L’examen d’une situation-exemple nous permettra de voir jusqu’où il est possible de généraliser la thèse de Michel soutenue dans la question.
Autre question proposée par Nadège, et que nous retenons pour ce soir :
> l’oubli peut-il être un bienfait ? (Question du concours de Science Po 2012)Question de méthode.
Deux termes sont à clarifier, définir : l’oubli et le bienfait.
– Qu’entend-on par l’oubli ?
– Est-il volontaire, involontaire ?
– Est-il possible, impossible ?
– Quelle technique d’oubli pour quel effet ?
– De quel type d’oubli s’agit-il, à propos de quoi, pour quelle motivation ?
– En vue de quoi veut-on oublier ? Au profit de qui ?
– Jusqu’où peut-on être amnésique ?Une problématique :
Supposons que nous puissions oublier, ne nous faut-il pas nous rappeler de quelque chose de sorte à ne pas se retrouver indéfiniment dans la même situation, à reproduire les mêmes erreurs ?
Il apparaît d’emblée que la question de l’oubli est exigeante. Elle requiert de la lucidité, du discernement et probablement de la détermination pour trouver une résolution. Sans cette volonté, l’oubli pourrait s’apparenter à un renoncement de la pensée, à un refus de savoir, un déni de conscience délibérément ou inconsciemment refoulé (voir note ci-dessous). Or, si l’oubli devait conduire à un bienfait, ce n’est pas cette amnésie que nous souhaiterions promouvoir, car nous serions pris alors dans le cycle d’une répétition indéfinie.De son côté, le bienfait doit être distingué du simple soulagement que procure, par exemple, le calme retrouvé après avoir été exposé aux bruits des travaux du chantier voisin. On entend par bienfait, l’idée qu’il soit durable et dont les conséquences résultent en une valeur ajoutée et non en une simple absence de nuisance. Littéralement, le bienfait procède d’un acte de bien, d’un don ou d’un service qui doit améliorer les conditions de vie. Ainsi se pose la question : en quoi l’oubli opéré est-il un bienfait ?
Deux grandes sortes d’oubli, et de nombreuses causes.
1° Les oublis personnels (ils nous impliquent dans nos interactions)
2° les collectifs (ceux d’une nation, d’un clan, d’un collectif), qui se commutent en des formes de « commémoration ».Le désir, voire le besoin d’oubli peut receler de nombreuses causes. En général, ces dernières sont douloureuses, elles empêchent une avancée, bloquent une situation. Il peut s’agir de traumatismes, de trahisons, de déceptions plus ou moins affligeantes. Les objectifs pour motiver l’oubli peuvent être également très divers : se donner la paix, repartir d’un bon pied, réparer la situation, passer à autre chose.
Mais que se passe dans le processus de l’oubli, dont on voit qu’il ne se réduit pas un effacement de l’activité cognitive ? Il peut faire l’objet d’une action spécifique (méditation, repos, rupture de rythme, départ en voyage, reprise d’un sport, isolement…) en vue de s’octroyer une accalmie, de se désaliéner d’un « enfer » (peine, douleur, traumatisme), de tenter d’étouffer sa douleur ou d’essayer de retrouver son centre ponctuellement perdu. On observe que la question se pose de ce qu’il advient de la peine, de la douleur ou du ressentiment éprouvé. Que devient cet « affect » en soi et celui dans la mémoire du collectif ? Quel récit, quelle mémoire, quel souvenir en ressortira-t-il ? Que disons-nous du passé a postériori ?Quatre lieux ou enjeux du problème :
1° De la gestion d’un affect blessé,
2° de la possibilité d’élaborer un récit de l’événement
3° de la possibilité de mesurer les conséquences de son récit sur soi
4° et sur l’évolution de la situation-problème.Exemple :
Pour la réconciliation entre la France et de l’Allemagne, il a fallu des actes politiques (Mitterrand – Khol) pour tourner la page des ressentiments, pour ne pas tenir pour « mémoire » indélébile les actes du passé puis, pour les inscrire dans une histoire de sorte à ouvrir l’horizon sur un autre avenir. Il a fallu également que les enfants de l’après-guerre se demandent s’ils devaient porter la responsabilité des actes engagés par leurs parents (commentaire dans le message suivant). Ajoutons que le contexte de la modernité, ayant beaucoup évolué dans les années 60/70, celui-ci engageait fortement à sortir des trames d’un passé révolu.La mémoire sur le plan collectif semble, pour la France et l’Allemagne, avoir fait son œuvre, elle a été réécrite. A contrario, pour la Pologne, la Hongrie et l’Ukraine, les ressentiments sont restés vifs à l’égard de l’ex. URSS, dont on ne pardonne pas le passé. Pourtant, le nom (la Russie) et son histoire (dislocation) ont, eux aussi, beaucoup évolué. Il importe peut-être de s’interroger sur cette mémoire retenue dans une colère. Pour quelle raison ces mémoires sont-elles ravivées ? N’ont-elles pas été recomposées, retravaillées depuis ? Le processus de réconciliation/réappropriation du passé est-il empêché par les blessures non reconnues, par l’absence de projet, par l’absence d’intérêt à envisager un autre avenir ? Une culture du ressentiment et des identités est-elle instrumentalisée par le politique ?
Sur le plan individuel, la question des trois plans : affect, récit et avenir ne demande certainement pas moins d’actes, mais plus de précision. Que devient la blessure ? Est-ce le temps qui l’efface ? Est-ce, plutôt que le temps, le nombre de fois que tourne l’événement dans sa tête ? Est-ce l’intensité de la douleur ressentie qui, parvenue à son acmé, s’évacue ? Est-ce encore, l’explication (le récit) que l’on s’en donne, mais qui manque d’ouverture ? Selon les profondeurs de la blessure, tourner la page, s’apparente à une métamorphose, à une transformation totale qui peut comprendre alors une phase de deuil. Dans ce cas, pour quelle philosophie de vie, pour quelle métaphysique immanente ou transcendante tourne-t-on la page ?
De fait, la question qui se pose revient à la « leçon » que l’on tire du passé : comment s’organise (se panse) la douleur des affects et que devient la mémoire des faits sur le plan cognitif ? On observe ainsi qu’il y a une rupture (une désidentification = ne pas identifier à) à opérer entre les affects (le ressenti) d’une part et, d’autre part, le récit que l’on en fait.
Plus loin encore, selon la profondeur de la blessure liée à l’événement vécu (le trauma), la mémoire touche au sentiment de soi, à la question de l’identité. Jusqu’où peut-on soutenir l’intensité qui nous habite, sans disparaître avec elle ?
Une citation retenue pour clore notre débat :
Rémy conclura par ces mots : « Je vais faire en sorte que tu n’aies que de bons souvenirs et ainsi, rien à oublier. »
Le sourire que laisse à l’assemblée cette sortie dit en creux le pas-de-côté qu’il s’agit de faire pour se projeter dans un devenir différent que celui auquel une mémoire du passé peut nous enfermer. Elle résulte, toutefois, d’une introspection ou celui d’un travail des affects qui ont dû s’épurer (si toutefois, en vivre l’intensité les évacue ?) et trouver des ressources ailleurs que dans le passé.Une autre intervention nous donne à réfléchir (Nikky) : on oublie de dire « merci », de répondre à un ami, une connaissance. De quelle manière ces « oublis » sont des « mépris », des absences de reconnaissance du lien, une fin de non-recevoir, des échappatoires à la vie, aux relations, une déconnexion du réel ?
Ps : une définition ci-dessous du mot : refoulé (sens psychologique)
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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Le refoulé, une définition (de mémoire) de R. D. Laing. Refouler, c’est oublier, puis c’est oublier qu’on a oublié.
Commentaire : Le corps exprimera par une tension ce que la conscience s’efforce d’oublier.
De son côté, la conscience, pour ne pas revenir à elle-même, se projettera continuellement hors du temps, hors de l’instant présent.Les enfants de l’après-guerre se sont demandé s’ils devaient porter la responsabilité des actes engagés par leurs parents.
Dans l’ordre des choses, ce sont les parents qui, en ayant des enfants, contractent un engagement à leur égard : leur donner une éducation qui les rendra dignes d’eux-mêmes et de ce qu’ils feront de leur vie.
Pourtant, dans bien des cas, les enfants portent une charge que des parents font peser de tout leur poids sur eux. Les enfants peuvent-ils être responsables de leurs parents ? Non, n’est-ce pas ?
Comment expliquer cette inversion, sans que nombre d’enfants puissent se débarrasser du fardeau imposé par leurs parents ?On parle aujourd’hui de la responsabilité des anciens par rapport au climat. Quelle est leur responsabilité par rapport à leurs enfants ? Que leur lèguent-ils de sorte qu’ils aient une vie meilleure que la leur ?
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