Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet libre ce lundi 06.03.2023 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse + Compte rendu : de quelle norme ou singularité relève l’intime de soi ?

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #6529
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 06/03/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
      – De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)

      – Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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      Le compte rendu du sujet de la semaine passée, suggéré par Mickaël : Peut-on confier à l’IA les problèmes de l’humanité ? Cliquer ici
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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
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      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6533
      René
      Maître des clés
        Compte rendu du sujet : de quelle norme ou singularité relève l’intime de soi ?

        Nous étions 7 participants, nous nous connaissons tous.

        Nous prenons des nouvelles de la semaine écoulée à propos de nos activités respectives, celles pouvant donner lieu à une réflexion/question philo pour lancer notre débat.
        Je vous fais l’économie de la visite guidée à l’exposition pandémie de l’université Unimail (voir ici), de ma participation à la table ronde avec un panel de sociologues et de mes interactions/questions que j’ai partagées avec tous les intervenants et les commissaires de l’exposition.
        Mais peut-être puis-je préciser que l’une des commissaires à fort bien accueilli mes questions. Elle estime qu’il y a eu des incohérences par rapport aux modalités de prise de décision dans la gestion de cette pandémie, et elle m’a invité à la contacter. C’est une très bonne nouvelle.

        Sur un autre sujet, j’ai écouté cette conférence : les nouvelles lois de l’amour de Marie Bergström (sociologue à l’Ined). Son étude porte sur les comportements sexuels, amoureux auxquels elle a pu avoir accès en s’appuyant, notamment, sur les bases de données de sites de rencontre.

        Je résume l’essentiel de ses observations ci-dessous.
        Via les sites de rencontre :
        1° Des rencontres se font au-delà de son groupe social géographiquement situé, mais restent cantonnées à sa catégorie sociale (qui se ressemble s’assemble).
        2° Le passage à l’acte « sexuel » se fait plus rapidement que dans la vie réelle, où l’on fait attention à sa réputation sociale.
        3° Explication : après quelques échanges via internet, lorsque les gens se rencontrent dans la vie réelle, ils se sont « entendus » sur les raisons de la rencontre.
        4° Néanmoins, les gens se donnent des « règles » dans leur « liberté sexuelle », alors qu’ils sont à l’abri du regard social. Autrement dit, ils ne font pas des choses très différentes, lorsque les rencontres ont pour point de départ le lieu réel dans leur vie sociale, mais ils y vont plus rapidement.
        5° Si les gens se donnent plus de liberté dans leurs pratiques sexuelles, les relations sont de courtes durées.
        6° L’idée que soutient la sociologue, est que ce n’est pas « internet » qui motive de nouveaux comportements, mais le fait que la relation est « privée » (protégée) du regard « social ». Les gens ne sont ainsi pas soumis à la désapprobation sociale de leur pratique.
        6° On observe que les femmes craignent davantage le regard social que les hommes par rapport à leur pratique sexuelle, elles sont donc discrètes et en parlent peu. Les hommes, de leur côté, peuvent continuer à se vanter du nombre de leurs conquêtes.
        7° On observe également que les hommes font majoritairement le premier pas et non les femmes. Ces dernières ont donc intériorisé les rapports de domination qui ont lieu dans la vie réelle.

        Rappelons que, avant les années 60 – 70, le mariage instituait l’union et la relation sexuelle. Par la suite, la sexualité instituait l’union libre (sans mariage). Aujourd’hui, la sexualité n’institue plus la relation, ni même le couple, elle se fait hors cadre social. Néanmoins, les gens intériorisent des « règles ».

        Conclusion 1 : il y a toujours un double standard sur le jugement des pratiques sexuelles, les femmes sont jugées plus sévèrement que les hommes.
        Conclusion 2 : Si la relation doit se confirmer, le couple s’institue alors par un acte de langage, par un choix, et non par l’acte sexuel. Il y a dissociation entre sexualité, relation, sentiment, amour et conjugalité.
        Toutefois, les participants ont intériorisé des codes sociaux (Foucault, et la gouvernance de soi)

        Question suggérée pour le débat : de quelle norme ou singularité relève l’intime de soi ?
        Mikael observe qu’il se reconnaît, en première instance, comme un être social, c’est une posture première qu’il observe agir en lui, il prend naturellement en compte l’avis de l’autre, sa liberté avant de considérer son propre intérêt. Cela dit, par rapport à la question de l’inégalité de genre, il observe dans son entourage, que des amies considèrent avant tout et en première instance, leur individualité (moi d’abord, mes souhaits, mon envie, ma liberté). De fait, s’il y a « désaccord », l’entente est impossible à cause de la dissymétrie des libertés comparées : la liberté individuelle ne s’examine pas avec les mêmes paramètres (cause, but, finalité, moyen) que la liberté sociale. En conséquence, l’idée de « sens du commun » s’amenuise, voire disparaît, si elle n’est prise en considération que par l’un des acteurs dans les interactions et les projets qui les rassemblent sur le moment.

        Benoît observe également cette dissension lors d’une majorité d’échanges qu’il a avec des femmes sur le thème de l’égalité. Par exemple, lorsqu’on évoque, en tant qu’homme, que la galanterie est une manière de considérer l’autre, qu’elle peut être l’expression d’une courtoisie, on est taxé de machiste. Le partage du questionnement devient souvent impossible, car il dérive vers un égalitarisme comparatif point par point, comme si rien n’était singulier chez l’autre, comme si rien n’était incomparable.

        Des questions se posent :
        – L’individualisme de notre société est-il trop profondément ancré et rend-il inaudible des règles de la considération d’autrui et du sens du commun ?
        – l’incapacité de prendre en considération le point de vue de l’autre relève-t-elle d’une compétence, d’un savoir-vivre, d’une éducation, d’une empathie, etc, dont tout le monde (hommes et femmes) ne sont pas aptes ?
        – L’angle utilitariste et rationnel de l’égalité qui privilégie un rapport comptable, donc de similarité-indifférenciation entre l’homme et la femme, cet angle-là rend-il aveugle à l’approche personnelle, singulière, éventuellement complémentaire de la relation à autrui ?
        – La blessure narcissique des femmes (de certaines d’entre elles) est-elle trop forte en raison de la domination masculine passée, et empêche-t-elle un questionnement apaisé ?
        – Le traitement de l’égalité, vu essentiellement du point de statistique et polique, interdit-il la mise en dialogue des problèmes et clive-t-il les échanges en des rapports de force, des confrontations de type « politicienne » ?

        Ce qui se joue dans l’intime, quand on ne se compare pas en termes d’équivalence.
        La question se pose de ce qui se joue dans l’intimité et, pour revenir aux conclusions de la conférence de Marie Bergström, si, la question de l’égalité ne souffre pas d’un biais d’interprétation lorsqu’elle est vu sous l’angle utilitariste ? En effet, les femmes doivent-elles être en tout point comparable aux hommes ? Ou doivent-elles se reconnaître dans une singularité qui se construit avec une autre singularité ? C’est cet aspect du singulier qui semble manquer dans un principe de reconnaissance partagée. On peut penser ici à Axel Honneth, mais c’est Dewey qui se présente, il souligne ce qui s’échange dans des interactions, des transactions (physiques, mentales, émotionnelles, intrapsychiques). Ces transactions sont au centre de ce qui transforme à la fois l’environnement, mais également, ceux qui se trouvent impliqués dans l’échange. Les mondes (de chacun) sont en constructions partagées avec autrui. Au fil du temps, chacun se trouve transformé par ses relations et son rapport à l’environnement. Cette transformation de soi a lieu y compris lorsque les échanges sont refusés, ils sont, dans ce cas, transformés sur un mode négatif. (Voir ici)

        Nous n’irons guère plus loin ce soir dans notre débat, mais si tout se transforme (l’identité dans son entier) dans nos relations, il peut se poser la question de l’utilitarisme. Dans ce cadre, le fait de voir l’autre comme un individu comparable à soi et dont les intérêts s’opposent aux siens, ce rapport peut constituer une forme de résistance au changement, une résistance à la transformation de soi par l’autre sur un mode coopératif, une résistance à l’édification d’une pensée soucieuse du commun. En effet, la rencontre avec le plus intime en soi partagé avec autrui peut inviter à redéfinir le sentiment de soi par les transformations qui s’opèrent, et par les projets en commun qui peuvent en découler. C’est par une rencontre avec l’intime en soi que l’on peut rencontrer l’intime en l’autre, condition nécessaire pour que s’explore l’empathie.


        Quelles perspectives de se définir en se comparant à autrui ?

        Pensée a posteriori du débat et du compte rendu.
        Sur la question de l’intimité :
        L’expérience de l’intime en soi, plus souvent corrélée au sentiment amoureux qu’à la nudité ou à la sexualité, n’est pas uniquement en lien avec l’expérience fusionnelle et l’intensité caractéristique qui l’accompagne.
        L’expérience fusionnelle, donc chacun éprouve généralement une fois la pratique, met à jour autant une vulnérabilité, qu’une étape dans le processus de « construction » de soi. La fusion confronte à une alternance entre rapprochement et distanciation qu’accompagnent des sentiments d’amour-haine. La fusion invite à mettre en place un rapport structurant de distanciation-discernement d’avec soi et d’avec l’autre.
        1° Il y a une vulnérabilité, car se rejoue lorsqu’on est « amoureux, » l’élan premier de s’unir à l’autre. Il y a donc un risque de se perdre soi et de rendre confus soi, l’autre et la relation.
        2° Processus de construction de soi, car les sciences affectives (les théories sur l’attachement) disent qu’il s’agit là d’un moyen pour reprendre/poursuivre un processus de développement, notamment parce que l’on a tous été blessé dans notre enfance. On rejoue quelque chose des attachements premiers de l’enfance lorsqu’on tombe amoureux, d’où la remise en jeu d’une vulnérabilité première.
        3° Il y a un enjeu de distanciation-discernement, car pour ne pas blesser plus que nécessaire la relation et soi-même, il faut faire preuve de maturité pour opérer des discernements : l’autre n’est pas soi, le sentiment amoureux évolue et, si un dialogue intérieur et partagé s’établit entre les partenaires, il peut inspirer une éthique de la relation à l’autre.
        En bref, le temps ou la clairvoyance nous ont manqué pour ouvrir la conversation sur les processus en travail dans l’intime de la construction de soi ce soir.

        Par rapport à la méthodologie de l’introduction à la séance philo de ce soir.
        Nous ne sommes pas partis immédiatement avec une question de départ, ni je n’ai proposé de le faire. L’idée était de partir d’une conversation informelle en prenant des nouvelles de chacun, et de rechercher dans notre partage ce qui peut poser question sur un plan philosophique. C’est ainsi que plusieurs sujets ont été démarrés, par exemple sur le thème et concept de la manipulation des esprits, sur celui de l’éducation entre « normes structurantes » et « écoute compréhensive » de l’enfant. De fait, par rapport au sujet retenu, l’idée consistait bien à clarifier à partir de quoi nous nous positionnons dans notre rapport à l’autre : avec des acquis, des a priori, des normes, des idées toutes faites ou à partir de ce qui se joue dans l’instant (approche compréhensive).

        Mais cette dynamique en live demande aussi parfois à être décrite au fur et à mesure où elle se déroule. Par exemple, il peut valoir la peine de déclarer de manière suffisamment évidente que, à partir de cet instant de notre conversation, nous nous attachons à répondre à cette question (entre norme et intime de soi), plutôt qu’à une autre question (éducation ou manipulation).

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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