Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre ce lundi 15.08.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse + Compte rendu du sujet : Apprenons-nous quelque chose des crises passées ?
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11 août 2022 à 22h00 #6346Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 15.08, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
– De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)– Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle il pensait déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
– Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée :
– La démocratie est-elle adaptée aux situations de crise ?
+ Nous avons ajouté une carte mentale : sur le sujet des émotions et de la raison. Cliquer ici
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)17 août 2022 à 12h11 #6347Compte rendu de la séance du 15 aout 2022 :
Apprenons-nous quelque chose des crises passées ?Nous étions 6 participants réunis ce soir-là. Nous prenons l’habitude de notre mode de fonctionnement où l’on cherche la question que nous allons mettre au centre de notre débat. Trois propositions ont été formulées :
Proposition 1 :
Les crises que nous vivons (covid, guerre, transition climatique) sont-elles construites, non pas selon une logique conspirationniste, mais en raison de conflits d’intérêts où le désordre et les rivalités font le jeu des plus fortunés, au détriment des populations et de ceux qui aspirent à davantage de coopération ?Proposition 2 :
Apprenons-nous quelque chose des crises passées ?Proposition 3 :
Qu’est-ce que nous apporte la philosophie aujourd’hui, selon Deleuze ?
> A quels concepts devons-nous recourir pour penser notre monde, qui semble entrer dans une crise, un désordre, un cahot durable ?Nous retenons la question 2, apprenons-nous quelque chose des crises passées ? Question qui peut s’articuler avec les questions 1 et 3.
La 1 > en analysant la définition, les causes et les raisons des crises, nous aurons une perception de ce qui les provoquent, de ce qui éventuellement les construisent.
La 3 > en cherchant les concepts définissant les rapports de force/tiraillement d’aujourd’hui, des meta-perceptions peuvent rendre compte d’un apprentissage.Quelques éléments du débat.Nous passons rapidement sur la définition du mot « crise » : du latin crisis et du grec krisis, sens de l’action ou faculté de décider en raison d’un évènement soudain (altération de la santé ou de l’ordre des choses).
Krisis vient du verbe grec krinein qui veut dire « juger », avec l’idée de faire le tri. Une période de crise peut donc être interprétée comme un moment décisif où un tri est fait, et qui laisse entrevoir un changement profond à assumer. Mais, une crise qui dure, est-ce encore une crise ?Peut-on parler de crise lorsque celle-ci est durable ?
Le terme de crise est réservé, selon l’académie, à une situation urgente, ponctuelle, liée à un imprévu. Or, le sentiment de crise fait référence à un état qui, par définition, s’installe dans la durée, on parle de société sans avenir. Mais il s’agit bien d’un état de crise, on parle également d’éco-anxiété. Dans les faits, des crises se succèdent les unes aux autres : crise de subprime, zoonose, conflits armés, phénomènes météorologiques extraordinaires, méga feux, sécheresses, inondations, etc.,
> le tout est intrinsèquement lié à la crise climatique et, plus ou moins directement :
> au développement du marché mondial, à l’économie financière qui surplombe et façonne l’économie réelle des marchandises et plus directement, l’économie des marchés locaux et régionaux. (Voir note dans les références en bas de ce message à propos des climatosceptiques)Du côté des États-nations, ceux-ci se mettent en rivalité les uns contre les autres pour accéder et accaparer :
> les ressources en eau, l’exploitation des terres fertiles, ceux des minerais de métaux rares et les gisements d’énergies fossiles encore disponibles.
En bref, tout ce qui correspondant aux besoins premiers des nations modernes est mis sous tension dans le paradigme actuel de la gestion économique et politique de nos ressources.De fait, l’interdépendance de toutes ces entités économiques et politiques entraine bien un état de crise profond, et à un niveau d’intensité et de structure organisationnelle jamais atteint sur le plan mondial. Si notre modèle de société de consommation doit être remis en cause, c’est une dynamique politique, économique, industrielle et citoyenne de plus de 200 ans qui doit être de fond en comble repensée.
Qui est le « nous » ?
Il comprend :
> la personne individuelle et le citoyen. Par définition, l’individu est concerné par lui-même, parfois au détriment du collectif. Le citoyen, la conscience d’être citoyen, implique , de son côté, un sentiment de responsabilité qui s’élabore en rapport à une conscience de ses droits et de ses devoirs. Le «nous », c’est aussi une entité composite qui peut inclure :
> un collectif incarné par une association, une école (une institution publique),
> le collectif politique, les élus, les partis, les administrations qui gèrent une région, un pays,
> ce sont également des multinationales et les Gafam qui charpentent l’économie du monde
> ce sont de grandes administrations étatiques et internationales (OMS, ONU, FMI…)
> et ce sont des collectifs où l’intérêt public se voit confisqué par les intérêts privés via des structures instituées comme le G7, le G20, le Forum Davos, etc.On observe ici qu’une manière de définir le « nous » renvoie à tant d’identités différentes que les conditions et les objectifs d’apprentissage (apprendre quoi, comment et en vue de quelle fin ?) seront nécessairement très différenciés et difficiles à cerner.
– Voir ici l’article de Joëlle Zask : Le public chez Dewey : une union sociale plurielle.
– ou la vidéo zoom ici : Autour de la pensée de John Dewey. Chaire de Philosophie à l’Hôpital. 2020Une première tension s’opère entre des intérêts privés et publics et selon une sphère d’appartenance plus ou moins resserrée autour de sa communauté (un groupe ethnique, un quartier) ou, sur un plan collectivement structurant. Dans ce cas-là,
> la tension des intérêts entre le privé et le public se distribue entre différents groupes d’intérêts (des lobbyistes, des syndicats, des politiques, des associations civiles, etc.).
> Chacune des entités de ces « nous » se crispe sur elle-même ou, à l’inverse, entrevoit la possibilité de penser son rapport à l’autre et à l’ensemble des « autres ». Chacun envisageant la possibilité de considérer une place à l’autre qui soit équivalente à la sienne).Une seconde tension apparait dans ce à quoi confronte l’apprentissage, et en vue d’apprendre quoi ? Qui est bousculé, qui préfère le statuquo et résiste à tout changement ?
Enfin, la troisième tension se réfère à la coordination éventuelle qui peut émerger, au sens de mettre en dialogue, les différents acteurs qui opèrent en ces différents lieux et niveaux.
> Par exemple, certains pensent à une autorité supra-mondiale (un gouvernement du monde) pour coordonner le tout,
> d’autres estiment que les instances internationales (BIT, ONU, FMI, OMS, les Cop, etc.) jouent déjà ce rôle.
> D’autres encore sont en faveur d’une multipolarité du monde. Cette dernière refonderait un droit international pour suppléer/remplacer/se passer des administrations internationales issues de la seconde guerre mondiale.
De ce point de vue, la guerre russo-ukrainienne est analysée selon cet angle : les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et les MINT (Mexique , Indonésie, Nigeria et Turquie), élargis à tous les pays qui ne votent pas les sanctions économiques contre la Russie, établissent des accords entre eux sur la base d’une autre monnaie d’échange que le dollar, abandonnant les vielles administrations internationales à leur sort.Selon cette perspective, ces administrations internationales, incarnant l’échec d’un universalisme « occidental » au sortir de la guerre, sont à la fois cause et vecteur du « monde qui chancèle ». Une réflexion est à conduire sur les valeurs, les critères de décision, les modalités de vote de ces grandes administrations : comment parviennent-elles à se distancier autant de l’intérêt du citoyen que de la majorité des Etats, qu’elles se rendent incapables de coordonner l’intérêt de tous, tout en prenant en compte l’intérêt de chacun ?
Les enjeux de l’apprendre dans un monde qui ne délivre pas de « sens » a priori.
On s’interroge sur les rapports de force qui semblent se rejouer, tel que Hobbes les a pensés au XVI ème : le citoyen remet à l’autorité son pouvoir, de sorte que celui-ci s’impose à tous, sans discussion possible. Et le monde serait en paix selon Hobbes, la symbolique menaçante du Léviathan maintenant chacun dans la crainte de bouleverser l’ordre régnant. Le pouvoir étant unique, il n’y aurait plus de conflit.
On sait l’opposition que lui adresse Spinoza, la liberté est irrépressible (elle est un attribut de la nature ou de Dieu). Dès lors il convient de laisser à l’être humain sa liberté de penser, car la raison lui permettra de trouver les idées adéquates pour qu’il apprenne à s’organiser et à s’accomplir selon la complexion des régimes des différentes nations.Qu’apprend-on ?
Certains participants ont plutôt l’impression que l’être humain n’apprend pas grand-chose, puisqu’il rejoue un combat philosophique datant du Moyen Âge.
Toutefois, à un autre niveau, sur le plan mondial, les BRICS élargis, qui ne suivent pas la logique occidentale du rapport de force contre la Russie, laissent supposer qu’ils s’émancipent du joug américain.
Une supposition est faite : éprouvés par l’hégémonie américaine qui prône un seul dominant (un monde unipolaire) avec ses logiques de guerres proxi (par procuration), les nouvelles BRICS pourraient s’entendre sur un fonctionnement multipolaire et vouloir se protéger les uns les autres de la volonté dominante d’un seul (les USA d’aujourd’hui).
Mais, cette proposition est-ce une question, un espoir, une éventualité, une spéculation hasardeuse, une presque « utopie » ? Se peut-il que ce soit un cycle civilisationnel : un désordre succède à un ordre élargi, jusqu’à ce que ce dernier, devenu trop étroit, cède la place à un nouvel ordre ?Si cette perspective de cycle a cours, combien de guerres et de victimes faudra-t-il compter avant d’apprendre à vivre ensemble, dans un monde aujourd’hui « fini » (qui connait ses limites) ? Pendant ce temps, la course industrielle et aux profits financiers maximisés se poursuit, avec pour conséquence directe, le réchauffement climatique qui s’emballe, et l’idée que l’on (l’humanité) n’apprend rien.
On pourrait conclure ainsi, un apprentissage a lieu, puisque les sociétés, les civilisations changent, se modernisent techniquement, politiquement et selon certaines contraintes (ressources) et valeurs. Mais la direction et les valeurs ne sont pas données à l’avance, elles peuvent, le plus souvent, se rapporter à une lutte, à des rapports de force entre « structures » du pouvoir (ou des administrations) qui contraignent des libertés ou, à l’inverse, qui les accompagnent, encouragent les interactions, les médiations, une structuration du penser ensemble.
Les questions qui peuvent se poser, par rapport à l’apprentissage en situation de crise sont :
> A quel coût (humain, de souffrance, de repli, d’errance…) ai-je envie d’apprendre ?
> Peut-on réduire ce coût, si oui, selon quels risques et conséquences ?
> Lorsque je choisis de ne pas apprendre, quel doit en être le prix pour l’éthique, pour la liberté, pour mon confort personnel, pour la paix avec mes voisins et dans le monde ?
> De quelle liberté je dois me faire le nom comme citoyen et comme individu pour embrasser le plaisir, la joie d’apprendre en continu et la perspective d’être dans un monde qui donne envie de vivre ?
Une idée de l’universel doit-elle être repensée ?
Si oui, à quelle condition peut-elle émerger du monde en train de se faire ?Autres références :
– Penser le complexe, avec Edgar Morin. Une série de vidéos fort bien faites ici. Image ci-dessous.
– Publié par Jancovici, une étude: Remettre en question l’idée que les humains ne sont pas conçus pour résoudre le changement climatique. Un slide share du Département d’étude sur l’environnement de l’Université de New York.
– Les 12 excuses de l’inaction sur le climat, et comment y répondre. Article ici. Illustration ci-dessous.
– Un contre point de vue : COP26 : Modi contre Greta, ou le cave se rebiffe. Un article de Mtyesmancie et mathématiques.
> Les climatosceptiques sont caricaturés, néanmoins, l’argument le plus sérieux ne porte pas sur la négation du réchauffement climatique, mais sur le dégré d’implication des activités humaines qui en serait à l’origine : le dérèglement climatique a bien lieu, mais c’est la libération du méthane dans l’atmosphère qui le précipite.
> A partir de ce point de vue « sceptique », tous les efforts doivent porter sur un solutionnisme technico-scientifique pour résoudre la question.
>> Mais dans le deux cas : sceptiques ou pas à propos des causes premières de la dérive climatique, la question de la transition « sociale et économique » n’est pas pensée, pas davantage celle du degré d’implication de l’activité humaine, et qui conditionne directement la manière de coordonner un développement à l’échelle nationale et internationale. Eventuellement, voir ici Brest Weinstein en dialogue avec Norman Fenton.
– Ou voir ici,Le changement climatique, un ALIBI ? C ce soir. janvier 2022. Un extrait de l’émission où, comme d’habitude, on n’apprend jamais rien, mais il ne faut pas ignorer le « climat informationnel » que l’on nous fabrique.Image extraite de : Penser le complexe. Edgar Morin
Illustration des 12 raisons invoquées qui expliquent notre intertie devant le climat.
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
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