Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet libre ce lundi 18.07.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse + compte rendu: Des rapports entre justice et vérité.

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #6328
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 18.07, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent.
      – De fait, nous faisons philosophie par la capacité à questionner les raisons par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)
      – Nous avons remarqué que lorsque des participants avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle il pensait déjà, que cela facilitait parfois la prise de décision du sujet.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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      Le compte rendu du sujet de la semaine passée :
      Quels liens entre philosophie et spiritualité ? Cliquer ici.
      + Analyses de quelques arguments sur le thème de la démocratie participative, ici.
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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.

      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6331
      René
      Maître des clés
        Compte rendu du sujet choisi librement
        Des rapports entre justice et vérité

        Nous étions 8 personnes, toutes habituées à poursuivre une réflexion à la fois assumée et encore « vivante » (poursuivant sa quête), du moins, j’ose l’espérer. En effet, ne sait-on jamais jusqu’où se poursuit la volonté de questionner, et là où cette dernière prend congé d’elle-même ? Autrement posé, de quoi l’arrêt d’un questionnement se fait-il le nom ? Abandon, égarement, repli sur soi, excès de sagesse ? Faut-il être sage dans un monde devenu fou ?

        Quatre questions ont été proposées
        1° La vérité est-elle absolue et/ou relative ?
        2° Ma propre intolérance me gêne, jusqu’où l’intolérance est-elle éthique ? (sous-entendu, devenons-nous tout supporter au motif que la tolérance serait vertueuse ?)
        3° Peut-on s’habituer au danger ?
        4° Du rapport entre injustice et impuissance, devons-nous reconnaître notre impuissance devant tant d’injustice ?

        Un mot par rapport à notre méthode de sélection de la question retenue.
        On reconnait que la question se cherche, elle ne se traite pas sur un plan scolaire (comme à l’école), elle nous implique, en ce sens qu’on se sent concerné par le problème qu’elle soulève. On l’adresse autant à soi-même qu’on la partage avec d’autres participants. La recherche est exploratoire et comprend sa propre forme d’exigence, en ce sens que l’on évite la dispersion. Pour ce faire, on tente de relier son énoncé à ce qui a été dit précédemment.

        Par rapport aux quatre questions posées, chacun voit déjà les liens qui les relient entre elles. Par exemple, l’idée de justice doit nécessairement se référer à une idée de vérité, tandis que les questions d’intolérance et d’habitude au danger peuvent être subsumées sous la question d’une justice/dignité reconnue pour soi-même, et mise à l’épreuve dans sa rencontre avec le réel (le quotidien, les autres, la société en général).
        Reste maintenant à ne pas se disperser, et à toujours mieux préciser sa pensée, c’est-à-dire, à aller vers l’exemple si l’on est trop général (on ne voit pas/plus où sont les enjeux), et à revenir vers le général lorsque le particulier devient à son tour, insignifiant, prosaïque.

        Quelques problématiques évoquées.

        Existe-t-il une vérité qui ne soit pas le produit de la pensée humaine ?
        > Quelque chose préexiste à l’être humain, ce quelque chose peut être appelé « vérité » ou faire référence à « une » vérité. Dans ce cas-là, la vérité (ou ce qui fait vérité) dépasse l’être humain, la subjectivité de son point de vue.
        > Une proposition est faite : On peut distinguer la vérité du point de vue « religieux, puis celle qui prévaut en justice et que se forge le jury qui statue en son intime conviction, et encore celles des scientifiques qui se sont largement contredits (et les polémiques ne sont pas closes) à propos des traitements sur la covid. D’une certaine manière chacun se donne raison à l’aune de ses références.
        >> Une analyse contribue à un discernement nuancé et à une proposition : chacun de ces registres (religion, justice, science, santé) définit ses références qui, normalement, font relativement consensus au sein de chaque discipline. Il est possible qu’il n’y ait de vérité, que par consensus :
        > celle de mythes fondateurs ou de textes révélés (et rassemblés par les disciples pour le religieux)
        > celle du législateur pour la justice (vérité normative, morale, déontologique)
        > celui de la méthode et de la falsification pour la science (de l’examen possible de ce qui est vraisemblable, concordant avec l’énoncé).

        Une proposition intermédiaire s’annonce :
        Peut-être faut-il distinguer, les faits (ce que l’on décrit) de :
        > la façon dont les faits sont perçus (la perception est déjà une interprétation sur le mode de l’immédiat).
        > l’interprétation élaborée à partir de ce qui est observé,
        > la vérité tirée des observations et qui peut prendre la forme d’une règle, d’un principe général, d’une théorie, d’une loi.
        De ce point de vue, la vérité est toujours un construit plus ou moins sophistiqué, qui est passé par plusieurs étapes (perception, interprétation, construction, consensus). Dit autrement, la « vérité » ou ce qui fait vérité ne découle pas d’un perçu immédiat.

        Si l’on ne prétend à aucune vérité, où va-t-on ?
        Cette proposition de Benoît est intéressante… alors que l’on conviendrait en son âme et conscience qu’il n’y a pas de vérité directement accessible, il nous faut concevoir des ordres de priorité pour s’orienter dans nos prises de décision, sinon, où va-t-on ?
        Questions qui se posent si aucune priorité (d’éventuelles vérités pour soi) n’était envisagée : A l’aune de quelle influence orienterions-nous nos pas ? Pour quelle raison nous lèverions-nous le matin ? Qu’est-ce qui fait vérité pour soi ? Autrement dit, à quoi obéissons-nous ?

        Conclusion intermédiaire : l’idée de vérité peut être posée comme  » PRINCIPE ».
        Définition de « principe » : ce qui vient en premier, qui est cause de ce qui découle.
        Un élément de connaissance : « l’homme est principe et générateur de ses actions, comme il l’est de ses enfants » Éthique à Nicomaque III) = cause à partir de quoi une chose naît, en gouverne le fonctionnement et le développement.
        Un élément de discernement : Comment parvenons-nous à des principes premiers ? Comment les justifier alors qu’ils sont indémontrables ?
        Réponse inspirée d’Aristote : Nous les mettons en place selon un principe d’induction (prendre en compte le réel, des observations), à partir desquels sont observées des régularités, sans pour autant les théoriser (en expliquer la loi), mais que l’on tient pour principe, car il s’impose comme tel pour élaborer le moindre élément de penser : si aucun principe premier n’est posé (par exemple, le principe de non-contradiction qui veut qu’on ne peut dire une chose et son contraire), on ne pourrait élaborer aucune pensée structurée et structurante. Un principe se pose en raison de la fécondité intellectuelle (heuristique) qu’il permet, on peut alors lui opposer un argument par l’absurde, qui rend compte que, sans principe, rien n’a de sens.

        La vérité des autres rend-elle l’idée de vérité, relative à toutes les propositions (chacun la sienne) ?
        On sait que la vérité d’un « jugement » rendu par la justice, n’est que relative à une enquête, à un jury, à des textes de loi, néanmoins, on définit ce jugement comme une vérité. La mère du condamné connaît une autre vérité. Aucune des vérités, quoique relative à chacun-e, n’en est pour autant, « relativiste » (égale aux autres). En effet, chacun parle à hauteur d’une singularité humaine, qui vaut celle de tout autre.
        Il y a ici deux dimensions de l’égalité, celle qui signifie une moyenne, une médiocrité où tout se vaut, celle qui souligne l’unicité de chacun (un rapport de qualité), et met en avant un principe de « reconnaissance » à l’égard du singulier de chacun. Personnellement, je préfère défendre ce principe d’une reconnaissance, plutôt que celui d’une moyenne générale, qui conduit à une médiocratie.

        La vérité en science
        Les conflits « scientifiques », depuis la Covid, sont causes de trois grands maux dans notre société :
        1° Ils laissent penser qu’il n’y a pas de science, mais que des conflits d’intérêts, des biais cognitifs, du relativisme. Or il y a des « vérités » scientifiques (un principe de raison, des paradigmes – Kuhn) qu’il nous faut savoir contextualiser au problème posé pour en mesurer la pertinence.
        2° L’absence supposée de « vérité scientifique » renforce la propension du gouvernement à faire usage d’autoritarisme, à se compromettre dans l’abus de pouvoir (voir ici, l’article de Pierre Lascoumes, L’économie morale des élites dirigeantes. La Vie des Idées), et à oublier le projet « démocratique » dont il est normalement le garant (sous nos latitudes).
        3° Les populations tendent à croire qu’on ne peut rien faire de mieux que ce que le gouvernement décide. C’est comme si elles étaient convaincues qu’un principe d’autorité supérieur devait nécessairement trancher et s’imposer à tous, puisqu’il est impossible de satisfaire tout le monde. (Voir, Du conformisme des populations, le second paragraphe ci-dessous)

        1° Pour la question des vérités scientifiques, il y a des « vérités scientifiques », en raison du fait que le contexte de leurs découvertes et des méthodes utilisées peuvent être « examinées, affinées et réexaminées à l’aune des résultats obtenus. Il importe également de reconnaître que, si les faits sont « neutres », les décisions politiques (celles qui touchent autrui en général) ne sont jamais neutres, elles induisent un rapport à des valeurs en orientant/contraignant les comportements et en définissant des politiques publiques La question qui se pose est : quelles valeurs le politique favorise-t-il, et qui favorise-t-il par les choix sanitaires, sociaux, financiers, lobbystes pour lesquels il opte ? Ces questions se posent dans une démocratie qui, idéalement, veut assumer un anarchisme délibératif. (Voir ici, Penser la démocratie réelle, de Politikon. Vidéo de 16mn)

        2° Du conformisme des populations. Le conformisme apparant des populations n’équivaut pas à un consentement. On nous rebat les oreilles avec l’expérience de Milgram, mais on omet l’idée que les participants étaient très perturbés par les choix qu’ils faisaient de « torturer » par de fausses décharges électriques, le comédien complice de l’expérience. De fait, ce sont bien dans ces « zones grises » (ce que chacun se dit dans sa tête) que réside une part de liberté, d’hésitation et plus loin, de détermination d’un peuple à faire valoir sa singularité, sa sensibilité, sa créativité. Cette zone grise, le gouvernement et les médias (+ les gafam) la bafouent au lieu de faire appel à une intelligence collective et coopérative. Le gouvernement abuse de son autoritarisme en se protégeant derrière le secret défense et en légiférant par ordonnance.

        Si vérité et justice naissent de nos « consensus », la question se pose des conditions et du contexte desquels un consensus en émerge. Le débat laisse se dessiner quatre tendances (ou leçons que chacun tire à l’égard de ce consensus).
        Reprenons : il y a un consensus autour des thèmes de la vérité et de la justice, dont nous sommes les témoins en tant que public (puisque ce consensus a lieu indépendamment de la volonté de chacun). On voit ce consensus évoluer/s’adapter/se modifier selon la pression des époques, des lieux, des milieux socio-culturels et politiques desquels ils proviennent. A partir de là, les tendances/les leçons qui se dessinent de la part des participants présents, sont :
        1° Tout relativiser, puisque tout change. Commandement suivi : adaptons-nous aux changements de notre temps.
        2° Accepter notre impuissance, et cultiver un détachement, une sagesse stoïque. Leçon déduite : alors que la sagesse de chacun s’accroit, elle profitera à tout le monde, et (avec un peu de chance) le monde deviendra un peu plus sage.
        3° Se protéger du monde et cultiver son jardin, sa sauvegarde personnelle. Commandement correspondant : Sauve qui peut, moi d’abord (puisqu’on ne peut compter sur rien ni sur personne = relativisme généralisé).
        4° s’indigner, se révolter, rester actif, trouver quoi faire, trouver des manières d’agir de sorte à poursuivre une aventure de l’humanité où l’on ne désespère pas d’une possible évolution de nos manières de nous gouverner. Commandement suivi : rester vivant et proactif dans les interactions, parler, faire parler, questionner, rechercher, ne pas désespérer des possibilités de se transformer par les interactions que nous partageons avec autrui.

        En conclusion : Il s’agit bien de comportement, et non de raison
        1° l’idée de s’adapter (d’en suivre le mouvement) dans un monde devenu fou est une sorte de folie, que dénonce Barbara Steigler.
        2° Travailler sur ses représentations à la manière des stoïciens, pourquoi pas ? Mais cela ne sauve que soi-même, et les quelques-uns qui vont se reconnaître dans cette pratique du travail sur soi.
        3° Le repli sur soi, sa petite maison, son petit confort résulte d’un comportement de « peur » ( ou d’ignorance). Pourquoi pas ? Si l’on ne sait pas dépasser ses peurs (ni conjurer son ignorance)… et jusqu’au moment où il nous faudra y faire face.
        4° S’indigner, se révolter et rester proactif… ? Reste à définir précisément en rapport à quelle argumentation, quelle éthique, quelle « visée », quelle philosophie on se met en mouvement ?

        Selon une approche de la psychologie évolutive (non nécessairement celle que l’on résume au darwinisme social), la « vie » favorise plutôt la rencontre… car c’est par elle que les individus et les espèces se transforment.


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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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