Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet libre ce lundi 19.09.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse. Compte rendu en écriture : La poésie sauvera-t-elle le monde ?)

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #6361
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 19.09, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
      – De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)

      – Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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      Le compte rendu du sujet de la semaine passée : Le Courage de la Nuance » de Jean BIRNBAUM, présenté par Wedad, est ici.

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
      —————-

      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6362
      René
      Maître des clés
        Compte rendu de la séance du 19.09.2022
        La poésie sauvera-t-elle le monde ? (Jean-Pierre Siméon)

        Nous étions 6 ou 7 participants. Rémy s’inspire de l’ouvrage de Jean-Pierre Siméon : « La poésie sauvera le monde » pour en questionner l’affirmation, la poésie sauvera-t-elle le monde ?

        Des éléments de définition

        Quel est le rôle de la poésie selon l’auteur ?
         » réfuter par la langue toute clôture du sens, que la langue opère en dénommant pour identifier « .
        Une brève explication : la langue identifie les choses aux mots qui les désignent et, par là-même, en ferme le sens, que la poésie libère.

        Une autre formulation du rôle du poète, selon l’auteur : la poésie vise à subvertir la langue commune, à la charger d’intensité en portant à incandescence ses composantes ou à l’inverse, en la dénudant à l’extrême, pour qu’elle livre enfin autre chose, que le compte rendu tautologique des évidences.

        Une illustration : Là où la montagne dépasse du mot qui la désigne, se trouve le poète.

        La définition du Larousse, poésie :
        Art d’évoquer et de suggérer les sensations, les impressions, les émotions les plus vives par l’union intense des sons, des rythmes, des harmonies, en particulier par les vers.

        Les questions qui se posent :
        On comprend les limites dans lesquelles nous enferment les mots, quand le sens qu’on leur donne ne dépasse pas celui de nos habitudes de langage ou celui d’une définition trop littérale. Mais les sciences et la philosophie questionnent également le sens des mots, en quoi la poésie y apporterait-elle un sur – sens ?

        On comprend également que la poésie puisse être un recours, mais peut-elle être une fuite, un déni du réel, un refuge ? En quoi, dans ces conditions, peut-elle encore sauver le monde ?

        On comprend aussi que les logiques utilitaristes, l’idéologie consumériste, la gouvernance par les nombres (Alain Supiot, voir ici) aliènent le monde, tandis que l’acuité des crises que nous vivons (sanitaire, environnementale, économique, médiatique, géopolitique..) exigent des actions, et non seulement de la poésie, ce qui repose la question, en quoi la poésie peut-elle nous sauver ?

        Certes, il y a des désastres partout, de la corruption à tous les étages, mais en supposant que ceux qui nous gouvernement soient honnêtes, que les industries pharmaceutiques et les multinationales ne poussent pas le cynisme jusqu’à produire de fausses études pour vendre leurs produits (voir ici une interview de Blast Info) en quoi une société bien gérée et éthique aurait-elle encore besoin de poésie pour être sauvée ?

        Une réponse courte à la dernière question : une société bien gérée laisserait à chacun le libre cours de s’intéresser à tous les arts, dont celui de la poésie. Le but des sociétés serait alors d’apprendre, de découvrir, de mettre en pratique les arts, mais aussi de travailler à toute chose qui contribue à donner du sens et plus de couleurs à notre passage sur terre.

        Quel est le problème ?
        La proposition est audacieuse, mais est-elle mensongère, la poésie peut-elle sauver le monde ?
        A la différence des autres formes de « savoirs » et de philosophie, qui questionnent également le sens des mots, quel est l’apport si caractéristique de la poésie, qu’elle puisse « prétendre » selon (Jean-Pierre Siméon, ici), sauver le monde ? Elle est ce recours quand toutes les « aliénations », tous les calculs, toutes les raisons s’épuisent dans leur vanité, et ne conduisent qu’à du néant ou à des conflits inextinguibles. Le soldat dans la tranchée écrit de la poésie. Dans cette extrême où tous les espaces sont fermés, exigus, à deux doigts d’être enlevé à la vie, le soldat écrit de la poésie.
        La poésie apparaît ainsi comme la possibilité d’un retour sur soi, d’un appel au sensible, à une beauté perçue, elle est la possibilité de construire une intériorité.
        La poésie pourrait contenir un sens universel du beau, une esthétique qui réconcilie l’être humain avec lui-même. Elle peut être tout autant un refuge qu’une rencontre avec l’autre, comme avec soi. Elle est un lieu de rendez-vous de l’humanité.

        Le débat pourrait se clore ici. La question qui se pose est pourquoi cette poésie n’éclate pas au grand jour alors que tout s’assombrit ? Ou plutôt, pourquoi la floraison n’advient-elle pas de manière « visible », évidente ? Faut-il être au fond d’une tranchée, faut-il dérégler tous ses sens délibérément ou involontairement (Rimbaud, ici) pour trouver la « poésie » en soi ? La poésie, comme dernier recours dans le refuge de son âme ? Oui, pourquoi pas ? On pourrait la trouver peu avant le trépas, en soi.
        Toutefois, la poésie peut-elle se présenter comme premier recours, celui qui prévient d’ouvrir la porte à tous les désastres ? Ce recours qui permet de rencontrer l’humanité en soi comme chez tout autre ?

        Une réponse : l’absence de visibilité de la poésie dans notre monde ne dit pas qu’un mouvement d’éclosion n’a pas lieu. Aujourd’hui, ce dont notre société fait publicité, découle directement de la collusion entre ces grandes structures sociétales que sont les média-gafam, les gouvernements et la finance. Ces méga-structures invisibilisent le petit peuple, les nuanciers de notre société et l’infinie diversité de nos sensibilités respectives qui en font la richesse. D’ailleurs, Jean-Pierre Siméon observe que de plus en plus de jeunes s’adonnent à la poésie, tandis qu’ils démissionnent du monde qui les méprise et les enferme. Ainsi, nous pourrions poser la question : si nous étions éduqués à plus de « beauté », d’art et de poésie, le monde en serait-il meilleur ?
        Une réponse : Il y a lieu de le croire, tant nous savons intimement que, ce que nous sommes, repose dans sa majeure partie sur notre « éducation » et les premières influences reçues. Tandis que si toute la société n’était pas aussi systématiquement administrée par le rythme imposé de la compétition, par les objectifs à atteindre, par des programmes de rentabilité, par des courbes de performance, par la demande incessante d’avoir à satisfaire aux procédures et aux algorithmes de sélection, le monde, sans aucun doute, s’en porterait mieux.

        Une proposition pour conclure
        En ce qu’elle fait entendre une liberté première, la poésie peut et sauvera le monde, soit dans les replis de notre âme, lors d’un dernier souffle, donc en dernière instance, soit en première instance, parce qu’elle incarne la volonté et l’espérance de résistants déterminés, porteurs d’humanité. Ces derniers ne veulent pas se laisser aliéner par un programme, par des chaines de commande qui pointent autrui comme un rival, et déjà comme un ennemi.
        Voici ce que l’on peut demander à soi-même, que l’on soit un membre du gouvernement, un chef d’entreprise, un simple citoyen :
        > Lorsque je vote une loi, que je prends une décision, que je fais un choix qui m’engage, moi ou un collectif, puis-je me demander:
        – Quelle part de poésie, entendue comme part d’humanité libre, sensible, innocente, première, je laisse à l’autre ?
        – Par le choix que je fais, quelle part de poésie, je laisse à l’autre ?
        – Quelle part je lui laisse pour que soit donné à la rencontre la possibilité de se regarder l’un et l’autre, de se connaître, de se reconnaître et de s’inventer ?
        – Quelle liberté, poésie et espace se donner à chacun pour se voir cultiver les plus belles fleurs, les plus belles couleurs que l’on puisse offrir à la vie ?

        Epilogue
        Certains parmis nous considèrent, fatalistes, cyniques ou lucides qu’ils sont, que des « psychopathes » nous dirigent, du moins, l’idée ne leur paraît si étrange : des décisions sont prises au détriment de la vie d’autres êtres humains, et sans sourciller par ceux qui les prennent. Au contraire, ces dirigeants jubilent d’un orgueil qu’ils ne peuvent masquer. Un exemple, non tiré de l’industrie du sucre, du tabac ou de la pharmacie, l’interview de Pierre Hazan, spécialiste de la médiation des conflits armés (cliquer ici), nous éclaire sur des pratiques effectives.
        Ce médiateur sait ce que mettent dans la balance les dirigeants pour obtenir une entente sur un échange de prisonniers de guerre, sur l’ouverture d’un couloir humanitaire, sur les conditions d’un embargo, etc..
        Si vous l’écoutez, vous comprendrez l’évidence de la réponse à cette question : Que vaut l’homme lorsqu’il est réduit à des éléments comptables ? Il vaut moins que la marchandise contre laquelle il sert de monnaie d’échange.
        La poésie porte en elle tout homme, et n’en exclut aucun. Pour le reste (sur les valeurs de justice et de vérité), tout le monde se battra et en discutera à l’infini.

        « Deux choses remplissent le coeur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. Ces deux choses, je n’ai pas besoin de les chercher et de les conjecturer comme si elles étaient enveloppées de ténèbres ou placées dans une région transcendante en dehors de mon horizon ; je les vois devant moi et je les rattache immédiatement à la conscience de mon existence. »
        Kant. Critique de la raison pratique, Conclusion,

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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