Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet libre ce lundi 20.02.2023 + compte rendu : L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie » Bergson.

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #6493
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 20/02/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
      – De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)

      – Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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      Le compte rendu du sujet de la semaine passée, suggéré par Gérard : L’écriture peut-elle être une consolation ? Cliquer ici

      Pour ceux que cela intéressent, une conférence du psychiatre Ansgar Rougemont-Bücking, chercheur et spécialiste des thérapies faisant usage de psychédéliques. Cliquer ici.

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
      —————-

      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6511
      René
      Maître des clés
        Compte rendu du sujet du 20.02.2023
        « L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie » Bergson.

        Nous étions une dizaine de personnes + un jeune étudiant allemand en voyage (sac-à-dos) qui a été informé de notre activité via internet.

        Trois sujets proposés :
        – Une citation de Bergson : « L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie »
        – A-t-on encore besoin de sacré aujourd’hui ? + sous-question : qu’advient-il des tabous ?
        – La pédopsychiatrie enregistre des records de consultations et d’atteintes à l’équilibre mental des mineurs en raison de la privation des relations durant la covid. Qu’est-ce que la valeur de l’autre (et des interactions) pour que la santé mentale en pâtisse autant ?

        Sujet retenu : L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie »
        Bergson.
        Les deux autres sujets sont reportés.

        Proposition pour le débat en deux temps : comment comprendre la citation et quelles sont les questions que son interprétation soulève ?

        Comprendre la citation
        La vie ne peut être comprise « naturellement » (avec notre logique), en conséquence, la marque de notre intelligence se révèle par l’incompréhension que nous avons de la vie en général.
        De fait, c’est une marque d’intelligence que de se rendre compte de ses limites : elle ne peut saisir toute la vie.
        L’énoncé présuppose que la vie est « intelligente », d’une intelligence autre que celle dont nous sommes capables avec nos « raisonnements ».

        Premières questions et réactions.
        Si nous ne sommes pas intelligents, pas assez pour comprendre la vie, qu’est-ce qui nous permet de supposer que la vie serait « intelligente » ? Il y a là, un saut interprétatif (une projection ?), mais pas de conséquence nécessaire. Conscient de notre manque d’intelligence, par compensation, nous souhaitons, dans notre for intérieur, qu’une intelligence supérieure (celle de la nature ou autre) constitue une sauvegarde, un recours.
        Conséquences supposées par certains participants de notre carence cognitive : Les limites de notre intelligence nous invitent à être toujours en quête.
        Contre-argument : Si notre intelligence est limitée, pourquoi s’efforcer à comprendre ? On peut préférer se résigner et se gausser dans le laisser-aller, l’ironie, le cynisme, le vulgaire.
        Une troisième voie est proposée (Mickael) : Il s’agit plutôt d’opérer pas à pas, de ne pas conclure rapidement, de se méfier des théories sur la totalité de la vie, de sorte à avancer prudemment et au fur et à mesure de découvertes réfléchies, attentives, humbles.
        Il s’agit donc bien, par omission ou impensé, de présupposer une intelligence à la vie, sinon, dès le départ, il n’y aurait pas été question d’intelligence et d’incompréhension par rapport à la vie.

        Qu’est-ce que l’intelligence ?

        Nous ne sommes pas passés par toutes les définitions de l’intelligence, bien qu’elles aient été sous-entendues et caractérisées : aptitude à créer/déceler/lire des logiques (des schémas de compréhension, des paradigmes de pensée) sur différents registres : émotionnel, rationnel, pratique, intersubjectif, musical, verbal, etc.
        Mais de quelle intelligence Bergson voulait-il parler ? C’est toute la question, or personne n’est ici expert de Bergson (voir une capture de texte plus bas). Néanmoins, nous savons qu’il évoque l’intuition, une forme d’intelligence non procédurale, dont la conscience fait preuve lorsqu’elle entre en intériorité, notamment pour saisir la « durée » (une expérience de la durée en soi). Cette expérience est une manière d’éprouver le temps par une perception toute intérieure, expérience-perception qui donnerait accès, selon Bergson, à l’être de la conscience (à une manifestation de l’être de la conscience). En conséquence, selon la philosophie de Bergson, en conscience-présence de la durée (de son être), la conscience pourrait ainsi saisir la durée des autres vivants et choses.
        J’ai ainsi fait référence à l’énaction et à Vinciane Despret (dont j’avais posté des liens ici), car j’en tire un parallèle avec ce que je comprends de l’intelligence de Bergson.

        L’énaction.
        L’énaction (ou cognition incarnée) est conçue comme une intelligence qui s’inscrit dans la biologie du vivant et ses comportements, lesquels sont vus comme actions. Intelligence-action qui, de la cellule à l’être humain, en passant pour tout le vivant, développe des compétences d’auto-organisation. Ces dernières ne sont pas uniquement cognitives ou réflexives, elles sont également perceptives, neurologiques, intuitives et action, interaction, complexité en création. C’est un nouveau cadre épistémologique.
        Deux slides pour en résumer l’idée, ci-dessous :

        Mais quelles conclusions tirer d’une intelligence pré-conceptuelle ou d’une éthique proto cellulaire ?
        Quelques questions-réponses que nous avons partagées ce soir :
        – Faut-il penser à une loi de la nature ?
        Non, mais seulement à des potentialités cadres qui ne prédéfinissent pas ce qui va advenir, mais laisse la potentialité créative du vivant et de l’environnement libre d’eux-mêmes.
        – L’énaction est-elle téléologique ?
        Non plus, la liberté reste ouverte, mais se trouve contrainte par un ensemble de feedback provenant autant du « vivant » (des virus, des bestioles plus grosses ou/et des autres humains) que de l’environnement. C’est le hasard et la nécessité de Jacques Monod et selon lesquels, la nature répond des contraintes biologiques objectives qui la structurent, mais restent tributaires du hasard des rencontres qui peut l’orienter vers des modes d’adaptation inédits, créatifs, inattendus… bien que comprenant des prédéterminations à différentes échelles.
        – Mais quel est l’intérêt d’intégrer l’idée qu’il y a de l’intelligence dans la cellule, en tout vivant, dans l’environnement et que nous sommes, comme être humain, une part intégrante de ce vivant ? Cela invite à déplacer nos cadres conceptuels (nos paradigmes de pensée), à nous décentrer de nos projections/attentes habituelles.
        Ex. nous savons que nous nous mettons en danger, comme espèce humaine, en portant atteinte à la biodiversité en raison de notre mode de vie. L’étude des conditions de vie de la biodiversité, et par conséquent des interactions entre les espèces et l’environnement, revient à lui supposer des logiques, à extrapoler notre place à celle de tout vivant.
        En présupposant ces logiques/formes de raisonnement ou d’intelligence, dont on peut se révéler incapable d’en interpréter avec pertinence les signes, on peut néanmoins formuler des hypothèses et rester ouverts à des potentialités, à des « éventualités », en raison même du fait que nous ne savons pas tout. En conséquence, il ne faudrait pas nous renfermer et empêcher la créativité en soi, il ne faudrait pas se fermer à l’idée de trouver d’autres modes (raisons) de vivre que ceux avancés par une société consumériste à bout de souffle. Il nous faut au contraire nous autoriser à expérimenter, à explorer d’autres façons de vivre, de penser, d’agir, d’échanger, etc. le tout de façon à être non hégémonique par rapport aux autres vivants.
        – Peut-on donner un autre nom qu’intelligence à cette dynamique en interaction-action qui parcourt la vie ?
        Question restée sans réponse.

        Terminons ce compte rendu par quelques références (extraits de textes + un lien).
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        Extrait du lexique de : Apprendre à philosopher avec Bergson. Dimitri Tellier. Editions Ellipses.

        Une citation :
        « Beaucoup de chercheurs en sont venus à considérer qu’on ne pouvait pas comprendre la cognition si on l’abstrayait de l’organisme inséré dans une situation particulière avec une configuration particulière, c’est-à-dire dans des conditions écologiquement situées. On parle de situated cognition, en anglais, ou embodied cognition, cognition incarnée, ou encore d’enaction un néologisme que j’ai introduit il y a une dizaine d’années. »
        Francisco Varela, neurobiologiste, épistémologue, inventeur de l’énaction, directeur de CNRS dans « Invitation aux Sciences Cognitives ». Seuil, 1988)

        Deux vidéos : Qui a inventé la nature ? Phillippe Descolat invité de Laura Raim dans les Idées Larges.
        Une expérience à propos de l’intelligence collective qui prouve qu’un collectif, ce n’est pas nécessairement bête. Par le chercheur-créateur de Fouloscopie.

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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