Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre ce lundi 26.09.2022 à 19h00 chez Maitre Kanter. Annemasse. Compte rendu : La peur est-elle à l’origine de nos comportements ?
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22 septembre 2022 à 17h52 #6363Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
chez Maitre Kanter, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 26.09, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
– De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)– Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
– Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée : La poésie sauvera-t-elle le monde ? Jean-Pierre Siméon, suggéré par Rémy.————————————-
Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)29 septembre 2022 à 16h07 #6372Ce que la peur fait faire ou ce que l’on croit qu’elle nous fait faire.
La peur est-elle à l’origine de nos comportements ?De la peur.
Marie-Thérèse a proposé ce thème et différentes questions ont été suggérées :
– La peur est-elle bonne conseillère ? Est-elle positive ? Faut-il contrôler ses peurs ? Relève-t-elle du réflexe conditionné ? Peut-on construire sur la peur ? Faut-il ne plus avoir peur ? Tous nos actes ont-ils pour origine la peur ? Etc ?
Mais les premières propositions lancées à la volée nous laissent pantois. Peut-être sont-elles trop évidentes, trop connues ou trop générales pour emporter une adhésion spontanée ? La « vérité », entendons sur un plan phénoménologique : ce qui est profond, crucial et nous touche, ne se laisse pas immédiatement saisir dans le premier mouvement d’un échange. Il manque la situation-problème qui nous révèlera les enjeux de la peur, ce qu’elle nous fait faire ou dire.Un exemple est proposé :
Il a souvent été dit que le gouvernement a eu peur durant la pandémie. D’après ces commentateurs, c’est ce qui explique ses fautes, ses mensonges, ses contradictions et l’enchainement de décisions prises sans préparation.
Toutefois, la question se pose : le gouvernement a-t-il eu peur ou a-t-il voulu faire peur aux populations ? En effet, faire peur et avoir peur sont antinomiques : dans un cas, on attaque et on menace, dans l’autre on fuit, on se protège.
Un autre argument, mais similaire à celui qui précède, a été proposé : le gouvernement a eu peur de se voir reprocher de ne pas en faire assez. Par réaction, il achète des millions de doses de vaccins, interdit aux médecins de traiter et rend obligatoire la vaccination de sorte à sauver les populations malgré elles, en dépit de leur indiscipline et de leur manque de confiance en la médecine. D’après ses défenseurs, ce point de vue justifie l’autoritarisme du gouvernement par rapport aux populations, qu’il estime ingrate par principe.Machiavel est-il parmi nous ?
Pour Machiavel, le gouvernement se reconnaît trois ennemis : l’ennemi étranger, dont on peut toujours suspecter une attaque, les partis d’opposition qui ourdissent en permanence une prise du pouvoir et la population, véhémente par nature et qui, manipulée par les deux premiers, menace toujours de se révolter.
Par ailleurs, si le gouvernement a peur, mais qu’il se montre « menaçant », qu’il terrorise les populations, peut-on considérer que la peur est au premier mobile de ses motivations ?Il est délicat, sinon dangereux, d’expliquer l’autoritarisme et la charge de l’agresseur pour justifier ses actions sur l’agressé. En effet, cela revient à justifier ses actes par la faute d’autrui, autrement dit, à se déresponsabiliser. Mais cela revient aussi à renverser l’ordre des valeurs : c’est la victime qui est dangereuse par la peur qu’elle suggère à celui qui est détenteur du pouvoir. Ce n’est plus la prévention ou la légitime défense qui font loi, mais une logique de guerre préemptive : agresser l’autre avant qu’il ne prenne l’initiative de le faire (Thucydide), comme si les rapports de pouvoir étaient équivalents entre l’agresseur et l’agressé.
En bref, fait-on dire à la peur que l’on prête aux autres ce que l’on projette de ses propres peurs : j’ai peur du désordre, je prête au gouvernement cette même peur, donc je comprends qu’il agisse par anticipation et qu’il se protège du public en se montrant répressif à son égard ?
Une autre interprétation des faits.
On pourrait renverser le raisonnement et estimer que le gouvernement n’a pas eu assez peur pour s’entourer, non pas des conseils de cabinets privés, mais de toute la communauté scientifique dans son ensemble, de toutes les instances de veille déjà existantes, des associations de soignants, de comités citoyens. En bref, si le gouvernement avait eu des peurs pertinentes et cohérentes avec les responsabilités qui lui incombent, il aurait pris soin de s’allier les populations, non de les brimer et de les infantiliser.Et une autre question survient : attend-t-on d’un gouvernement qu’il ait peur, alors qu’il dispose du monopole de la violence, de toutes les administrations à ses ordres, qu’il légifère sur ordonnance et via un conseil de défense, tandis que tous les contre-pouvoirs (Parlement, Sénat, Conseil d’État) sont devenus des « chambres d’enregistrement » de l’exécutif. (Voir ici, le journaliste Cemil du Le Média : les contre-pouvoirs n’existent plus)
Changement d’angle d’analyse, sortons de la polémique
Il apparait dans les faits que tout le monde ressent de temps en temps la peur, le gouvernement comme le reste de la population, mais le danger pressenti de chacun n’est pas celui de tout le monde. Dans les théories sur les émotions, il est reconnu qu’elles sont à la base de nos motivations, mais convient-il de leur donner toutes les raisons, y compris lorsqu’elles ne sont plus pertinentes avec la situation à traiter ? (voir ici notre compte rendu : Dans quelle mesure nos émotions nous égarent ou nous informent ?)Reprenons, ici, ce qui se joue dans notre débat.
Ce n’est pas la peur qui est le problème, mais ce que l’on fait dire aux choses. Nous ne sommes pas en train de parler de la peur, mais d’y projeter tout ce que l’on imagine à son propos. Si les émotions sont des indicateurs et, parmi elles, la peur signale un danger, le reproche général qu’on peut faire à l’émotion, est celui d’empêcher la raison. Or, dans notre débat, il se pose la question d’une inversion : au principe de l’émotion (la peur), on lui donne toutes les raisons.Deux angles d’analyse se détachent dans notre groupe
1° Celui qui défend qu’il y a de la peur à l’origine de tous les comportements et de toutes les pensées, et qu’il convient d’avoir un regard empathique pour en parler, regard qui est presque incompatible avec l’approche analytique de la philosophie. En effet, celui qui a peur aurait besoin de se confier, d’être sécurisé, voire de parler de ses peurs, de s’exprimer éventuellement dans un groupe de parole.
2° L’autre point de vue se veut plus « pragmatique » et analytique (voire traditionnel), il s’agit d’opérer avec méthode : qui a peur, en raison de quoi ? Comment par sa peur (ou sa colère ou toute autre émotion) l’autre justifie son action ? Autrement dit, quelle fin visait l’action ? Visait-elle l’apaisement de l’émotion, sa régulation ou encore, une résolution du problème ? Ce qui n’est pas la même chose : le problème à résoudre doit s’expliquer par les raisons qui en motivent les actions, et non par l’émotion. Il s’agit de rendre « raison » (d’expliquer par la raison) le cheminement de sa pensée (et non forcément de se donner raison). On se distancie de la chose pensée.Une conclusion et un avis
On ne va pas le nier, il y a des instances de veille à notre conscience et elles « clignotent » quasiment à notre insu. Mais dès qu’il y a une « perception » (même inconsciente) d’un danger possible, réel ou supposé, de nombreux automatismes sont enclenchés en vue de nous protéger (philosophie de la perception. Merleau Ponty). Et, nous connaissons tous des personnes qui organisent leur vie pour ne vivre qu’en « sécurité ».
En dehors de ce comportement extrême, et dans la vie courante, on reconnait qu’il convient d’être « sécurisé » en soi (d’avoir une certaine confiance en soi) pour affronter le regard de l’autre, pour parler en public, pour répondre de ses responsabilités, pour assumer sa parole.
Dans un café philo, les deux approches, à la fois empathique et analytique peuvent et doivent se conjuguer (ce serait ma position). De fait, elles ont pu s’exprimer (il me semble) ce soir. Les questions qui se posent à l’issu de notre débat seraient celles-ci :
– Jusqu’où l’empathie peut-elle s’exprimer/s’expérimenter dans un café philo (qui n’est pas un café thérapeutique ou un groupe de parole anonyme) ?
– L’empathie, elle-même, rend-elle compétent du point de vue de la raison ? Autrement dit, lorsque deux personnes ou un groupe parviennent à se comprendre sur le plan de leur affect, sont-ils alors plus à même d’exercer avec pertinence les facultés de leur raison ?
– Y a-t-il un transfert de compétence du côté de l’affect vers la raison et, inversement, de la raison vers les affects ou ces registres (affect et raison) se travaillent-ils indépendamment l’un de l’autre ?
– Du côté philosophique (entendons, celui de rendre compte des raisons de sa pensée, de ce dont on est conscient par soi-même ou par le truchement des auteurs que l’on a lu), jusqu’où peut-on exposer sa pensée sans s’exposer ? Jusqu’où la pensée peut-elle révéler ses contradictions ou les impensés dont elle s’aveugle ?
– Le café philo oblige-t-il à rendre conscient les ressorts de sa pensée ?Une réponse à la dernière question : Non, dans un café philo, nul n’est tenu de répondre ou d’aller plus loin qu’il ne le souhaite dans l’exposé de sa pensée. Un principe de liberté, mais aussi de « reconnaissance » (par la reformulation notamment) est au coeur de notre pratique (de notre éthique).
Cela dit, nul ne peut être protégé, dans un lieu public, d’une question qu’il eut aimé ne pas entendre. -
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