Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet : Pourquoi est-il si difficile de choisir ? Introduit par Gérard ce lundi 03.04.2023 + compte rendu.
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31 mars 2023 à 17h51 #6568Pourquoi est-il si difficile de choisir ?
Thème inspiré librement par la phrase de Jean-Paul Sartre : « Ne pas choisir c’est encore choisir ».
Merci à Gérard pour son introduction ci-dessous.Cette phrase a pu être interprétée avec une connotation quelque peu négative, selon l’idée que nous sommes condamnés à faire des choix dans un monde absurde et sans lois, et donc qu’il est préférable de s’auto-déterminer afin de ne pas se voir imposer d’autorité des choix non désirés. Mais aussi dans un sens plus neutre, voire positif, dans le sens qu’il n’y a ni bon ni mauvais choix, mais seulement ce qui s’impose à nous ou ce que nous imposons à autrui et que la vie appartient à ceux qui choisissent de la vivre avec conviction.
Nous ne parlerons ici, ce soir, que des choix individuels (par opposition aux choix politiques qui impactent notre destin collectif), les petits choix de la vie quotidienne et les plus grands qui impliquent un impact sur notre avenir… (certains ont des difficultés à choisir entre 2 variétés de confiture mais pourront, paradoxalement, plus facilement engager leur avenir professionnel ou personnel…)
Une grande variété d’expériences est possible :
– Pour de nombreuses personnes, faire un choix relève d’un calvaire menant à faire une liste des « pour » et des « contre » et à les contempler pendant des jours,
– Il y a une hiérarchie des choix depuis les plus simples comme choisir un vêtement, une voiture, son plat du jour, jusqu’à ceux plus complexes comme choisir un emploi, une relation amoureuse, dire ce que l’on pense. A quoi attribuer la facilité ou la difficulté à choisir ?
– Choisir, est-ce « faire le deuil de tous les autres choix possibles » ?
– Peut-on estimer qu’il n’y a ni bon ni mauvais choix ?
– Le monde est-il si absurde que les choix retenus importent peu, voire pas du tout ?Autres questions : Sommes-nous « libres » de nos choix ou nous sont-ils imposés :
– Par les circonstances ?
– Par notre inconscient (acte manqué qui nous a fait rater l’avion…) ?
– Par nos émotions négatives (j’aurais tant voulu assister à cette soirée mais je ne supportais pas la perspective de revoir mon ex…) ?
– Par intérêt secondaire (je n’ai assisté à cet événement que parce que j’avais la garantie que telle personne y assisterait également…) ?
– Par disposition positive (je vais à toutes les sorties possibles)
– Par notre conjoint, notre famille, nos enfants ?
– Etc…Que faire, a posteriori, si nous avons fait un mauvais choix ?
– Se culpabiliser ?
– Travailler à corriger la situation ?
– Voir le bon côté de la nouvelle situation qui se présente ?
– Lâcher prise et se promettre de faire mieux la prochaine fois ?Quel que soit notre profil, notre style de vie, notre métier, notre situation familiale, etc…, la vie s’ingénie à nous proposer des choix, et probablement, à reproduire les mêmes erreurs ou à s’attacher aux mêmes critères. En fonction de différents paramètres, nous réagissons tous différemment. Certains vont ressentir de l’excitation à devoir constamment faire de nouveaux choix et vont les rechercher alors que d’autres vont s’organiser une vie qui leur permettra de limiter le nombre de choix à un strict minimum, car ils trouveront le bonheur dans le calme d’une vie paisible et sans surprise.
Dans quelle mesure notre disposition à choisir exprime une liberté et non une aliénation, un conditionnement ?
Une ou deux ressources liées à Sartre :
– Nous sommes condamnés à être libres. Sartre. Par le Précepteur. Durée 18mn.
– Une interview de Jean-Paul SARTRE sur Radio-Canada). Durée 57mn
– Des citations de Sartre sur Babelio. Cliquer ici.————————
Le compte rendu du sujet de la semaine passée : Faut-il exclure ce que l’on peut inclure ? Cliquer ici————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)7 avril 2023 à 4h39 #6584Compte rendu du sujet : Pourquoi est-il si difficile de choisir ?Nous étions une quinzaine de personnes… des anciens qui reviennent + une nouvelle personne.
Gérard n’a pas lu son introduction, mais a reposé le problème sartrien, à savoir : sommes-nous aussi libres que Sartre semble le prétendre ? Ce qui, finalement, a très bien résumé sa préparation écrite.
Le compte rendu :
Certes, il y a des déterminations socio-psychologiques et politiques, Sartre ne l’ignore pas, mais, en raison de notre « mauvaise foi », face à l’angoisse de la liberté, nous avons la possibilité de feindre l’ignorance, de nous complaire dans une naïveté confortable. On peut s’inventer mille excuses pour justifier notre inaction face à une situation qui, pourtant, crée du malaise et dépasse les bornes d’une éthique soutenable sur le long terme. Tant que nous pouvons éviter de nous confronter à la nécessité de faire nos propres choix et d’en être pleinement responsables, nous préférons soutenir que nous ne sommes pas libres, mais plutôt contraints par la société, nos croyances ou par le rôle que l’on se donne. Ajoutons à cette ligne argumentative, le sentiment de liberté totalement individuel et parfaitement décomplexé induit par notre modèle de société consumériste. Mais, selon Sartre, sans Dieu, sans excuse, notre liberté repose sur un néant, d’où l’angoisse d’exister.
Un premier tour de la question :
Les participants autour de cette table conçoivent bien les enjeux de la question. Lorsque des choix à faire sont en jeu, chacun entrevoit qu’un calcul d’intérêts opère sur plusieurs niveaux (pour quels besoins et selon quelles valeurs), à l’horizon de quelles temporalités (court, moyen et long terme) et selon quels niveaux d’engagements (personnel et financier). C’est donc une pesée sur la balance bénéfice-risque, si l’on doit parler comme des utilitaristes ou des économistes, qui a lieu. Toutefois, cette rationalisation a quelque chose d’artificiel, et elle ne traduit pas pleinement l’intensité d’être à laquelle nous renvoie la vie à des instants T : dire ou ne pas dire la vérité, quitter ou rester avec son compagnon, donner la vie ou se réserver, tromper son ami ou pas, sauver une vie ou se détourner, s’informer ou rester dans l’ignorance…Nous n’évoquons qu’à peine l’idée de se laisser manipuler par son inconscient, par des fakes news, par la société consumériste et/ou par nos « biais cognitifs ». Tout cela entre en considération dans l’orientation de nos choix, mais peut-être rattaché à la mauvaise foi que Sartre dénonce. Ci-dessous, je m’attache à rendre compte de trois ordres d’ enjeux : intrasubjectif, collectif et enjeux de valeurs, et selon trois exemples évoqués par des participants.
Question : quand, ne pas choisir, revient à laisser les événements, le temps ou les circonstances choisir pour soi, est-ce se déresponsabiliser ?
En principe, nous ne pouvons pas être tenus responsables des choix que nous ne faisons pas. Par exemple, ne pas voter, ne pas quitter un ami maltraitant, apprécier le confinement lors d’une pandémie, cela ne nous rend pas responsables des actions du candidat élu, du comportement de l’ami maltraitant, de la propagation d’un virus et de la communication des autorités (qu’elles soient médiatiques, scientifiques et/ou gouvernementales). En effet, les élections politiques ne se jouent pas à une voix près, le maltraitant tient ses raisons en lui-même et, s’agissant de la science virale, qui peut en juger ? Néanmoins, l’absence de positionnement (n’avoir pas voté, rester dans le giron d’un maltraitant, ne s’être pas informé/formé à des questions scientifiques, politiques, médiatiques, nous expose à une responsabilité par défaut : celle de subir les conséquences d’une ignorance, d’un silence, d’un non-choix. Deux questions se posent pour reformuler la dispute :
Payons-nous ce non-choix, d’une manière ou d’une autre ? En conséquence, portons-nous, malgré tout, une part de responsabilité dans la non prise de position ?A nouveau, la question de la responsabilité des actes non posés ne nous revient pas, mais notre silence nous prive de la légitimité de nous plaindre. Se taire, quand rien ne va, qu’est-ce que cela dit de l’humanité qui est en nous ?
Est-ce se terrer, s’enfoncer, s’isoler, se replier ? Est-ce parce que l’on se sent impuissant, démuni ou incompétent ? Est-ce parce que l’on se sent paralysé par la peur ? Est-ce parce que l’on préfère s’adonner à des calculs d’intérêts, en attendant que l’orage passe ? Est-ce qu’on se fait lâche ? Ce sont bien des questions que Sartre se pose et nous pose. C’est donc au niveau des idées de l’homme que nous nous faisons, au niveau d’un humanisme « universel » que le philosophe plante le décor : quelles que soient les circonstances, l’homme est libre (est condamné à être libre), ce qui pose une question beaucoup plus fondamentale que celle du calcul d’intérêts : de quelle humanité te signes-tu par les choix que tu fais ?Reprenons :
Ne pas voter, ne pas quitter un ami maltraitant, apprécier le confinement lors d’une pandémie, cela ne nous rend pas responsables de ce qui advient, car nous n’en sommes pas les auteurs. D’un autre côté, la part de ce qui nous incombe en termes de conséquences est si infime, sinon improbable, qu’une autre action de notre part n’aurait pas eu un impact considérable sur la situation globale, du moins le croit-t-on, car il est impossible de prédire ce que les choses auraient été si elles avaient été autrement.Toutefois, parmi les trois exemples cités, celui de la maltraitance, sort du lot. Si je me fais maltraiter, je suis directement impliqué et je subis les conséquences de mon non-choix, c’est-à-dire, la continuité de la maltraitance. Mais supposons que j’agisse. Je pars ou je dénonce à la police ou au service social l’indélicat personnage, certes, je m’écarte d’un éventuel danger et, c’est fort bien.
Mais poursuivons : vais-je rencontrer un type d’ami similaire, l’ex ami va-t-il faire subir à d’autres mon calvaire ? Vais-je me complaire ou rester traumatisé dans un statut de victime ? La police ou les services sociaux vont-ils suivre cette affaire ? Rien n’est moins certain : le calcul d’intérêts est toujours « probabiliste » et il n’est pas impossible qu’il y ait une raison « personnelle qui m’ait attachée à un personnage maltraitant, ni que lui-même n’ait pas été victime d’un environnement social peu favorable à son développement, si ce n’est de maltraitance dans son enfance. De fait, la question qui se pose est celle qui met en résonance l’humanité en moi : je ne suis pas la seule dans ce cas.
Il en est de même pour la question du vote, de la pandémie, des fakes news, du rapport au pouvoir. De quelle humanité je me fais en laissant faire ? La réponse de Sartre serait : d’aucune, je reste dans l’inexistence de l’en-soi, les rôles dont je pense que la société m’assigne ou ceux dont je tire précisément un intérêt, mais uniquement pour moi.
A contrario, si je porte en moi les valeurs de l’humanité que je souhaite incarner, alors je m’oblige à en savoir davantage, je dépasse le cadre de ma seule existence, je commence à mettre en dialogue ce que je crois savoir et je reconnais à l’autre (à l’opinion contraire) la valeur de sa raison, s’il souhaite la soutenir dans le cadre d’une immanence existentialiste, et néanmoins humaniste.
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Deux ressources + le livre audio:
– Sartre, L’existentialisme est un humanisme. Une vidéo de 9mn, plutôt bien faite pour son contenu (moins pour la mise en scène)
– Sartre : c’est quoi la liberté ? Les excellentes vidéos de Kosmos. Durée : 18mn
– L’existentialisme est un humanisme, Jean-Paul SARTRE. Livre audio intégral. Ecouter ici.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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