Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Une démocratie des individus (en gilets verts, jaunes ou rouges) est-elle possible ? Sujet en rapport avec les Gilets jaunes pour lundi 10.12.2018

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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  • #5718
    René
    Maître des clés

      Une démocratie des individus est-elle possible ?

      C’est en partie la colère des gilets jaunes qui me suggère la question même si, fondamentalement, la colère brute et la violence ne peuvent faire politique, car il n’y a ni raison ni proposition mise en discussion dans une colère.

      Autre question que l’on pourrait poser par rapport aux réponses du gouvernement :
      Pour apaiser une colère, faut-il en satisfaire les désirs ?

      Proposition pour notre débat : faisons un tour de table (pour ceux qui le souhaitent) autour de cet événement et des questions qu’il nous pose. Puis, construisons notre débat autour des questions qui retiendront notre intérêt. Si bien que, pour notre débat, on pourra partir aussi bien de nos questions, que de celle donnée en titre.

      Pour les ressources, deux extraits de texte et des liens à écouter ou à lire :

      « L’homme est un animal qui, du moment où il vit parmi d’autres individus de son espèce, a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses semblables, et, quoique, en tant que créature raisonnable, il souhaite une loi qui limite la liberté de tous, son penchant animal à l’égoïsme l’incite toutefois à se réserver dans toute la mesure du possible un régime d’exception pour lui-même. Il lui faut donc un maître qui batte en brèche sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable, grâce à laquelle chacun puisse être libre. Mais où va-t-il trouver ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l’espèce humaine. Or, ce maître, à son tour, est tout comme lui un animal qui a besoin d’un maître. De quelque façon qu’il s’y prenne, on ne conçoit vraiment pas comment il pourrait se procurer pour établir la justice publique un chef juste par lui-même : soit qu’il choisisse à cet effet une personne unique, soit qu’il s’adresse à une élite de personnes triées au sein d’une société. Car chacune d’elles abusera toujours de la liberté si elle n’a personne au-dessus d’elle pour imposer vis-à-vis d’elle-même l’autorité des lois. Cette tâche est par conséquent la plus difficile à remplir de toutes ; à vrai dire sa solution parfaite est impossible ; le bois dont l’homme est fait est si noueux qu’on ne peut y tailler de poutres bien droites. »
      Kant. Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique. 1784

      Autre extrait : La politique de l’individu. 2013, Fabienne Brugère. Philosophe.
      C’est entendu : nous vivons dans une « société d’individus ». On peut entendre ce diagnostic de plusieurs manières : d’un côté, l’individu serait un être absolument indépendant par rapport aux appartenances collectives ; de l’autre, on peut y voir le culte de soi et le développement de comportements narcissiques. Dans ces deux formes d’individualisme, l’individu ne trouve rien qui le dépasse pour lui imposer des cadres.
      Dès lors, comment inventer une politique fondée sur l’individu ? Car l’individu en société ne « tient » pas tout seul. Une politique de l’individu doit passer par le soutien : de manière générale, au niveau des politiques publiques, de manière locale, au niveau des politiques territoriales, et dans la liberté de se réaliser, c’est-à-dire d’être soi-même – ce qui suppose des politiques individualisées.
      Reconnaître la place des individus, c’est interroger les relations qui les unissent dans une même société. Si la gauche veut faire référence à la notion d’individu, elle doit au préalable s’interroger sur ces relations interindividuelles. Plus fondamentalement, la question du lien social doit devenir un objet politique, afin que les capacités et la protection de la vulnérabilité concourent à une véritable politique de l’individu.

      Les 4 formes de l’individu selon Fabienne Brugère :
      1° l’individualisme néolibéral fondé sur l’image de l’individu performant et riche ;
      2° l’individualisme moral qui pose le soi comme valeur indépendante des relations sociales ;
      3° l’individualisme narcissique, du culte de soi, théorisé par Christopher Lasch ;
      4° l’individualisme des modes de vie, avec pour slogan, « cultivons notre jardin ». Il privilégie des relations choisies (amis, collègues) sur le mode de l’élection. Cette société des modes de vie est particulièrement forte en France où l’on parle souvent d’un bonheur privé et d’un malheur public.
      Fabienne Brugère, un entretien dans les Inrock, accessible ici.

      Les invités du Matin.Emmanuel Todd, Thierry Pech et d’autres intellectuels sont invités chaque matin pour analyser ce mouvement. France Culture.
      Le dossier Colère jaune du Grain à moudre. France Culture.
      Fabienne Brugère invitée de Caroline Broué. France Culture.
      Ecart de salaire à l’impôt, comment réduire les inégalités ? Entendez-vous l’éco. France Culture.
      Fabienne Brugère, un entretien dans les Inrockuptibles.
      La dictature de l’ego. Christopher Larsh. Le journal de la philo.

      Schéma d’une anacyclose (cycle des régimes politiques, selon Polybe, 200 av. J.-C.)

      Selon Polybe, un cycle en six phases fait basculer la monarchie dans la tyrannie, qui laisse place à l’aristocratie, laquelle se dégrade en oligarchie, puis vient la démocratie, qui entend remédier à l’oligarchie, mais sombre, dans une sixième phase, l’ochlocratie, où il ne reste plus qu’à attendre l’homme providentiel qui reconduira à la monarchie.

      #5719
      Paul
      Participant

        La démocratie directe serait née dans l’Athènes antique. Était-ce une démocratie des individus? Selon les estimations des historiens et démographes, les citoyens étaient environ 30.000 au Ve siècle (avec une marge d’erreur appréciable), mais les esclaves étaient cinq à six fois plus nombreux (marge d’erreur encore plus large). Quant aux femmes, elles ne sont mêmes pas citées dans la plupart des études, sinon pour dire qu’elles ne peuvent être citoyennes, « étant mineures toute leur vie ».

        En conclusion, la démocratie des individus, voire la démocratie tout court, n’existent pas à Athènes.

        Pardon pour cette note un peu provocatrice, qui anticipe toute référence à Athènes pour ce qui est d’une « démocratie » des gilets jaunes.

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