Y a-t-il un profil psychologique du terroriste ? Sujet du lundi 11.01.2016, + un bref compte-rendu

[René]

Y a-t-il un profil psychologique du terroriste ?

La notion de profil psychologique est fortement corrélée à celle d’un déterminisme selon lequel, un type d’éducation et d’environnement familial serait propre à définir une structure psychique et un type de personnalité. S’agissant du terrorisme des djihadistes français, que pouvons-nous dire aujourd’hui ? On en parle lors de notre prochain débat, je rapporterai quelques informations prises dans les ressources ci-dessous. A nous de dégager les présupposés de nos idées, d’élargir les appuis de nos réflexions et d’extraire les questions à poser.

Ressources
– Vidéo de 4 mn, une typologie du terroriste selon Didier Lauru, psychiatre, auteur de : De la haine de soi à la haine de l’autre (2015)
– Une conférence de Asma GUENIFI Psychologue clinicienne, auteure d’une étude sur les profils psychologiques des islamistes radicaux (durée + les questions 1H12)
– Documentaire sur France 3 (l’enfance des terroristes Français (le témoignage des éducateurs, enseignants, des proches..)
– Documentaire sur France 5, Engrenage, témoignages d’ex-convertis avec (notamment) Dounia Bouzar, anthropologue spécialisée dans l’analyse du fait religieux.
– Documentaire sur Arte : La chambre vide. Les parents des enfants terroristes regroupés en association.
– Mediapart reçoit Gille Kepel, débat/interview.
– Olivier Roy : Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste. Article du Le Monde du 24.11.2015.
– Réponse à Olivier Roy dans Rue89.
– Scott Atran, anthropologue, spécialiste du terrorisme, dans les Matins de France Culture

Pour comparer/relativiser
– Pourquoi les terroristes sont des ingénieurs ? (Slates 2010 sur les terroristes islamistes)
– Psychologie du kamikase, par Dr Ahmed El Hamdaoui dans Libération (2013)
– Le tueur d’Ottawa, terroriste ou déséquilibré ? Article du Le Monde 24.10.2014
– Les tueries de masse (au moins 4 personnes tuées) Article de Temps Réel (02.10.2015). Aux USA, les tueries de masse tuent plus que les terroristes + cartes graphiques.
– Profils des tueurs de masse, Article du Le Monde (02.10.2015) , avec cartes graphiques.

[René]

Compte-rendu, subjectif nécessairement, mais l’essentiel y est B)

Ambiance
– Entre 35 et 40 personnes étaient présentes.
– 4 ou 5 nouveaux participants, des jeunes surtout, assistaient pour la première fois à un café philo.
– Le débat était riche, réfléchi, les participants s’écoutaient et se respectaient. La richesse des interventions ne donnait pas l’impression d’une trop grande dispersion bien que, sur le moment, il aurait été difficile de faire une synthèse.

Quelques idées énoncées + quelques précisions à propos de sciences humaines.
– On s’accorde à penser qu’il n’y a pas forcément un profil type concernant la psychologie du terroriste, mais on refuse l’idée qu’il puisse n’y avoir aucune « cause », ni composantes psycho-sociales relatives à ce phénomène social.
– Si aucune explication ne vaut « excuse », entendue comme une diminution de la responsabilité du terroriste, la recherche de corrélations vise à examiner si des constantes familiales, sociales, éducationnelles, politiques… seraient concomitantes de la production de certains comportements. (Voir par exemple, les causes du suicide chez Durkheim, la reproduction des classes sociales chez Bourdieu, ou les logiques de l’idéal-type chez Weber)
– Il est raisonnable de considérer qu’un ensemble de facteurs concourent à rendre un individu « fondamentaliste », extrémiste ou terroriste.
– Par ailleurs, il semble nécessaire de ne pas mettre tous les terroristes dans le même « sac », en ce sens que les « terroristes français » ne semblent pas avoir les mêmes motivations que ceux venant d’Irak, du Pakistan, ou d’Egypte.
– En psychologie, chacun répond d’une logique individuelle spécifique que l’on met en lien avec l’environnement proche (la famille), en sociologie, l’individu répond d’un cadre social élargi (son groupe social d’appartenance), , en anthropologie sociale, on recherchera des constantes sur une échelle encore plus large, mondiale éventuellement.

Des causes éducationnelles évoquées
– Les terroristes français proviennent en majorité du milieu de la banlieue. Bien entendu, les chiffres sont trop faibles pour construire des statistiques fiables.
– On se demande comment des parents peuvent ne pas voir la « radicalisation » de leurs enfants. De nombreux parents ne connaissent pas réellement leurs enfants mais, précisément, cette méconnaissance est-elle le produit d’une forme d’éducation où il y a peu de dialogue et d’écoute dans les familles ?
– Des témoignages d’adolescents de familles d’immigrés de seconde génération sont évoqués, ces adolescents se montrent révoltés contre leurs parents qu’ils trouvent trop « soumis ».
– On se demande si les garçons ne sont pas trop « héroïsés » par des mères, et dans une société qui, par ailleurs, discrimine, humilie ces garçons ? Les études sociologiques indiquent que les immigrés de seconde et troisième génération sont plus discriminés que leurs parents.

La modernité
– Internet, la globalisation, la crise économique, les printemps arabes, les inégalités sociales, l’absence de politique d’intégration, la religion de l’islam qui tarde à se séculariser… de nombreux facteurs sont pointés et, de l’avis de tous, aucun ne suffit à expliquer à lui seul la radicalisation, le fondamentalisme, et encore moins le terrorisme.
– On se demande si on ne vit pas dans une société trop complexe, trop libre, sans repère ? Le retour du religieux témoignerait-il d’un besoin de justice, de spiritualité dans une société qui ne fait plus rêver ?
– Les structures « verticales » (descendantes et autoritaires) s’amenuisent, nous faut-il apprendre à être libre ? La liberté est-elle productrice d’angoisse ?
– On imagine qu’un monde qui crée tant d’inégalité produirait, d’une manière ou d’une autre, du terrorisme. Aujourd’hui, il se fait au nom de la religion de l’Islam, mais demain, on imagine qu’un monde aussi injuste et discriminant que celui d’aujourd’hui produirait également une forme de terrorisme.
– Enfin, aucune société n’est à l’abri de la pathologie mentale de quelques individus, mais toutes doivent s’interroger sur le type de maladie/comportement social qu’elles produisent. Par exemple, pourquoi se suicide-t-on beaucoup chez les paysans en Inde, pourquoi les USA détiennent-ils le record des crimes de masse au sein des pays de l’OCDE, et pourquoi les musulmans aujourd’hui sont-ils les premières victimes en nombre des attaques de terroristes, eux aussi musulmans ?

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