Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Yann Moix, les migrants et la politique à Macron, on en parle lors de notre prochain débat le lundi 05.02.2018 + compte-rendu.

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  • #5619
    René
    Maître des clés

      Débat à partir de vos questions liées à la lettre ouverte de Yann Moix à E. Macron.

      Extrait :
      « Monsieur le Président, vous avez instauré à Calais un protocole de la bavure »
      Par Yann Moix, écrivain – 21 janvier 2018

      Monsieur le président de la République, chaque jour, vous humiliez la France en humiliant les exilés. Vous les nommez « migrants » : ce sont des exilés. La migration est un chiffre, l’exil est un destin. Réchappés du pire, ils représentent cet avenir que vous leur obstruez, ils incarnent cet espoir que vous leur refusez.
      (…)
      J’affirme, M. le Président, que vous laissez perpétrer à Calais des actes criminels envers les exilés. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
      J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
      J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
      (…)
      Journalistes, policiers : avec vous, tout le monde a tort à tour de rôle. Les uns d’avoir vu, les autres d’avoir fait. Tout le monde a tort sauf vous, qui êtes le seul à n’avoir rien vu et le seul à n’avoir rien fait. On attendait Bonaparte, arrive Tartuffe.
      Soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres précis, et vous êtes impardonnable ; soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres imprécis, et vous êtes incompétent. Ou bien les directives sont données par vous, et vous nous trahissez ; ou bien les directives sont données par d’autres, et l’on vous trahit.
      Quand un policier, individuellement, ­dépasse les bornes, on appelle cela une bavure. Quand des brigades entières, groupées, dépassent les bornes, on ­appelle cela un protocole. Vous avez ­instauré à Calais, monsieur le Président, un protocole de la bavure.
      (…)
      Ces associations, monsieur le Président, font non seulement le travail que vous ne faites pas, mais également le travail que vous défaites. Quant à votre promesse de prendre en charge la nourriture, elle n’est pas généreuse : elle est élémentaire. Vous nous vendez comme un progrès la fin d’une aberration.
      La colonisation en Algérie, monsieur le Président, vous apparut un jour comme un « crime contre l’humanité ». Ne prenez pas la peine de vous ­rendre si loin dans l’espace et dans le temps, quand d’autres atrocités sont commises ici et maintenant, sous votre présidence. Sous votre responsabilité.
      (…)
      Faites, monsieur le Président, avant que l’avenir n’ait honte de vous, ce qui est en votre pouvoir pour que plus un seul de ces jeunes qui ne possèdent rien d’autre que leur vie ne soit jamais plus violenté par la République sur le sol de la nation. Mettez un terme à l’ignominie. La décision est difficile à prendre  ? On ne vous demande pas tant d’être courageux, que de cesser d’être lâche.
      (…)
      Le Défenseur des droits a dénoncé, lui aussi, le « caractère exceptionnellement grave de la situation », qu’il n’hésite pas à décrire comme étant « de nature inédite dans l’histoire calaisienne ». Une instance de la République, monsieur le Président, donne ainsi raison à ceux à qui vous donnez tort. Mais je vous sais capable de ne pas croire vos propres services, tant vous ­donnez si souvent l’impression de ne pas croire vos propres propos.
      Comme on se demande à partir de combien de pierres commence un tas, je vous demande, monsieur le Président, à partir de combien de preuves commence un crime.
      Accéder à l’original sur Libération ici.

      Procédure du débat
      – Donnez un sentiment, une impression par rapport à ce fait d’actualité lié à la lettre ouverte de Yann Moix,
      – puis suggérez une question.
      – Une ou plusieurs questions retenues feront l’objet de notre débat.

      Notre débat s’organisera autour de l’une ou plusieurs de vos questions.

      Ressources pour vous informer :
      Yann Moix oublie une partie de la réalité. Un article de Julien Pouyet dans Libération.
      Emmanuel Macron face à la guerre des tribunes. Article Le Monde.
      Yann Moix, invité des Matins de France Culture, partie 1
      Yann Moix, invité des Matins de France Culture, partie 2
      Moix, Macron et les intellectuels. L’esprit public. France Culture.
      La France maltraite-t-elle les migrants ? Du grain à moudre. France Culture.
      Les détricoteuses. France, qu’as-tu fait de ta tradition d’asile ? Vidéo Mediapart avec Avec Delphine Diaz, maîtresse de conférences en histoire contemporaine
      – Ci-dessous, sept portraits vidéo de Français qui accueillent des migrants. Offerts par Mediapart.
      – 1° Marie-Claire : « La première fois, pour aller vers eux, il faut vaincre la peur »
      – 2° Martine : « Aider, témoigner, c’est la seule chose que l’on doit faire
      – 3° Hubert : « L’hospitalité, j’ai longtemps vécu grâce à ça »
      – 4° Feïza: «Mon oncle est mort d’un contrôle au faciès»
      – 5° Alain: «Oui, il y a du racket, des passeurs. Mais sans nous, ça serait pire»
      – 6° Nathalie: «Les migrants sont des gens qui ont osé et c’est assez fascinant»
      – 7° Elisabeth: «Moi aussi, je me suis sentie longtemps en exil!»

      #5624
      René
      Maître des clés
        Compte-rendu de séance

        Nous étions peu nombreux, une dizaine de personnes environ. Le froid ou le manque d’intérêt pour le sujet expliquent peut-être cette apparente désertion. Mais le débat n’en resta pas moins intéressant. Une personne nouvelle était présente, elle s’est exprimée plusieurs fois. Réginald s’est essayé pour la première fois à la distribution de la parole.

        Quelques éléments du débat.
        – Personne ne semblait convaincu par la tirade de Yann Moix. Ce polémiste « professionnel » est vu comme un semeur de zizanies, plutôt que comme un humaniste boulversé par une empathie soudaine.
        Son empathie est peut-être sincère, n’allons pas la lui ôter, mais alors il se pose plusieurs questions :
        – Jusqu’à quel point le polémiste est pris dans un jeu de rivalité avec le président pour faire le show ?
        – Yann Moix fait-il preuve d’un engagement humaniste ? Si oui, où, comment ? Se contente-t-il seulement d’aboyer ?
        – Que sait-il de ce qu’il filme (le contexte des actions de la police) ?
        – Que sait-il des actions de la ville de Calais, des associations, de la politique liée à la gestion des réfugiées (migrants, exilés,…)
        – Et, nous, autour de cette table, en tant que participants, que savons-nous ? On ne peut pas dire que l’on sait beaucoup de choses (franchement). Mais nous avons le sentiment que les choses sont complexes.
        – Et notre ignorance, nous maintient-elle dans un silence, un non choix faute de pouvoir vraiment penser les choses ?

        Aider les migrants (réfugiés légaux, illégaux, économiques, réfugiés de guerre, persécutés,…), oui mais comment, et pourquoi ?
        – Les aider à traverser la manche puisqu’ils veulent aller en Angleterre ? Problème, des accords nous lient à l’Angleterre, ils stipulent de ne pas laisser entrer les migrants.
        – Les aider en fonction de nos intérêt ? C’est-à-dire à les trier selon des critères d’admissibilités (diplômés, insérables dans la société, …) Mais qu’advient-il des victimes politiques, économiques ou climatiques ? Ce qui pose la question des critères. Par ailleurs, le tri est long, les « migrants » ne correspondent pas aux cases dans lesquelles on souhaite les mettre. Les moyens accordés pour cette gestion ne correspondent pas à la demande du terrain. Ce tri est perçu comme cynique, sans qu’on sache vraiment s’il a des chances de fonctionner. Enfin, la France est liée par des accords internationaux portant sur le droit des migrants.

        Un « non-pensé »
        – On raisonne comme si ces personnes en déplacement avaient le choix. On oublie que c’est le monde entier qui est en crise. Ces personnes risquent leur vie. De part le monde, elles sont de plus en plus nombreuses à s’exiler. Savons-nous prendre prendre en compte que toutes les frontières bougent (frontières symboliques du privé et du public, frontières instables des pays en conflit, frontières que les marchandises et les finances ne semblent plus connaître, frontières identitaires que les réseaux sociaux bouleversent.)

        Le problème de l’identité

        Les identités se construisent dans l’enfance, à l’école. L’identité crée des habitus qui se heurtent avec les nouveaux venus motivés par d’autres habitus. Jusqu’à quel point le problème des « migrants » ne seraient pas un problème de moyens, mais une perturbation liée à nos identités ? On s’est posé la question.
        Enfin, il y a un halo autour de la notion des « migrants, halo du terrorisme, halo de la crise économique, halo de la précarité grandissante, halo avec les générations passées d’enfants d’immigrés qui génèrent encore des tensions… si bien qu’il semble difficile de poser le problème autrement que dans un flou… qui empêche de se positionner clairement.

        Derrière un approche que l’on souhaite « raisonnée » et raisonnable, il est possible que l’on inhibe notre « humanité », notre rapport à l’autre (le principe de considération selon Corine Pelluchon). Et cela pose une autre question : saurions-nous vivre dans un monde où seul le calcul de son intérêt propre serait pris en compte ? Est-il temps de repenser au bien commun, à ce qui nous lie à l’autre, et non à ce qui sépare de l’autre ?
        Comment repenser les valeurs, les règles, les principes, les lois dans un monde qui devient global ? C’est un peu la question qui se pose à notre monde d’aujourd’hui. Peut-être avons-nous besoin de voir, de savoir que nous ne sommes pas les seuls (ici et lors de nos débats), à nous poser ces questions.

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