Cafephilos › Forums › Les cafés philo › le café philo à la Maison Rousseau et Littérature – GENEVE › Séance 1 à la Maison Rousseau Littérature. De l’égalité naturelle à l’égalité morale, vraiment ? + compte rendu. Sujet du 06.10.2023
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1 octobre 2023 à 16h47 #6864Le café philo à la Maison Rousseau Littérature se tient tous les premiers vendredi du mois à 18h30
> vendredi 06/10; 03/11; 01/12; 05/01/2024, etc.Thématique de la première séance, ce vendredi 06.10.2023 à 18h30
Nous partirons d’une citation de l’ouvrage « Du contrat social » :
« Au lieu de détruire l’égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit. »
Du contrat social, p. 60 (fin du livre premier) GF Flammarion.Notre débat s’établira autour d’une ou des questions que nous suggère la citation.
Dans le principe, on questionne une citation de l’auteur à l’aune de nos savoirs d’aujourd’hui, sans oublier de la resituer, de temps à autre, dans son contexte d’alors.Règle du débat :
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu ;
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins ;
– Il n’y a pas de question taboue, ni d’attaque d’ad hominem ou ad personam.Quelques consignes :
– De sorte à encourager une circulation de la parole, on privilégie des interventions courtes sur un aspect de la question, et on avance progressivement au fur et à mesure des interventions ;
– De façon à limiter les risques de dispersion du sujet, qui sont inévitables, on essaie de relier son intervention à ce qui a été dit précédemment;
– De la modération : chaque participant est le bienvenu pour tenter de problématiser une dispute, pour résumer (synthétiser) où nous en sommes dans le débat, pour soulever une contradiction passée inaperçue ;De la conclusion.
Elle peut être l’objet d’un exercice particulier :
– On peut tenter une petite synthèse d’un aspect du débat.
– On peut dire ce qui nous a le plus interpellé, ce que l’on retient.
– On peut se référer à un auteur (dont Rousseau, mais pas seulement) et évoquer brièvement la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
– On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat et faire des propositions pour en améliorer les conditions (tout en veillant à soutenir une liberté et une égalité d’expression que l’on souhaite transcender par une exigence de la pensée mise en pratique par chacun).Lieu : Maison Rousseau et Littérature (MRL);
Grand-Rue 40. 1204 GENEVEDes ressources :
– Avez-vous lu le Contrat social ? Bruno Bernardi et Fabrice Brandli. Podcast n°1 de la MRL
> Du contexte politique et des institutions de l’écriture du Contrat social, que Rousseau a mis vingt ans à écrire secrètement, quelles étaient ses intentions ? Quels changements d’une rédaction à l’autre ? Quelles relations avec le contexte genevois ? Pourquoi son œuvre a-t-elle fait scandale ?
– Avez-vous lu le Contrat social ? Bruno Bernardi et Simone Zurbuchen. Podcast n°2 de la MRL
> La pensée politique de Rousseau a reçu toutes les qualifications : révolutionnaire, conservatrice, anarchiste, totalitaire, et bien d’autres… Au-delà des impostures et des lectures faussées, que nous dit la diversité des interprétations, même aberrantes, sur le sens de son œuvre ?
– Avez-vous lu le Contrat social ? Bruno Bernardi et Marceau Schroeter. Podcast n°3 de la MRL
> À l’ère de la mondialisation et de la crise environnementale, des migrations et des guerres, des fake-news et des réseaux sociaux, des remises en question de la démocratie: ce qu’a dit Rousseau de son temps parle-t-il au nôtre ?
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Origine du projet : quel contrat social pour le 21ème siècle ?La question est posée pour la thématique du concours international et interdisciplinaire lancé par la Maison Rousseau et Littérature en 2023 (lien ici). Nous la reprenons à notre compte pour ce projet d’animation d’un café philo à la MRL.
Nous interrogerons des propositions provenant de la diversité de l’oeuvre de Jean-Jacques, et tenterons de les questionner à la lumière de nos savoirs d’aujourd’hui et à la lumière des philosophes qui ont votre préférence. Nous ouvrons le débat et nous nous exposons aux défis de la diversité des publics et de la transversalité.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
– Le café philo à la Maison Rousseau Littérature à Genève, le premier vendredi du mois, c’est ici.
– Le café philo des ados de Evelaure. Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)7 octobre 2023 à 12h28 #6875Compte rendu de la séance 1
De l’égalité naturelle à l’égalité morale, vraiment ?Nous étions une dizaine de participants.
Quelques questions qui ont parsemé notre parcours :
– Comment comprendre l’idée d’une égalité naturelle chez Rousseau ?
– Cette égalité relève-t-elle d’une utopie, car partout, nous voyons plutôt l’ambition l’emporter et la rivalité faire loi ?
– Cette égalité peut-elle faire « loi » dans notre monde d’aujourd’hui ?
– A défaut de faire loi, peut-elle servir de principe ou de repère pour éviter les abus ?
– Risquons-nous de sombrer dans le communisme ou une autre forme de dictature à vouloir trop d’égalité ?Rappel de la citation.
« Au lieu de détruire l’égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit. »Comprendre l’apparente contradiction de la citation :
« Au lieu de détruire l’égalité naturelle (…) à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes »
> La contradiction réside dans le fait de concevoir une égalité naturelle (qu’il ne faut pas détruire), tout en reconnaissant « l’inégalité que la nature a pu mettre entre les hommes ». Et Rousseau de confirmer dans la suite de la citation : ces derniers peuvent être inégaux en « force » et en « génie ».Une brève explication :
Rousseau observe bien qu’il y a une relative inégalité à l’état de nature, mais elle ne serait pas si importante qu’elle puisse justifier les abus et l’asservissement de l’homme par l’homme que l’on observe dans les sociétés instituées (en particulier sous l’ancien régime où l’être humain est sujet du roi – littéralement sous le roi et sa cour).
Ainsi, pour revenir à la citation, il s’agit de ne pas détruire une égalité naturelle, mais de proposer un pacte (un accord moral) qui compense le peu d’inégalité physique entre les hommes, pour qu’ils deviennent égaux par convention et de droit.
Dans le « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », Rousseau explique comment il parvient à distinguer deux types d’inégalité : naturelle (ou physique) et morale (ou sociale et politique). Il cherche à concilier les deux valeurs : la nature et le « corps social » (l’être humain faisant société).
Une problématique.
Il s’agit alors d’instituer par le droit (donc selon un accord de convention, une norme) un principe d’égalité, qui serait, selon Rousseau, celui qui prévaut dans la nature. La question alors qui peut se poser est : en postulant par le droit un rapport d’égalité, l’homme s’éloigne-t-il ou se rapproche-t-il de la nature ?Une problématique pour aujourd’hui.
A l’aube du XXIᵉ siècle, nous fondons le principe d’égalité sur le fait que nous sommes tous capables de « raison », de sens moral et d’un sens de la justice tel qu’on rechigne, en tant qu’être humain, à en asservir un autre (1). Nous savons également que les conditions du développement de l’être humain sont relatives à un environnement affectif, à son éducation, à son statut social et économique. Mais, et pour prendre la défense de Rousseau, toute sa philosophie ne se réduit pas au seul argument d’un fondement originel de l’égalité par la nature, elle-même identifiée à une origine lointaine. L’égalité, selon Rousseau, est aussi entendue comme la possibilité de jouir d’une liberté irrépressible (de se mouvoir, de penser, de s’exprimer, de créer, etc.), c’est-à-dire de ne se retrouver asservi par aucun de nos semblables (2). Une problématique pour aujourd’hui serait : dans un contexte de raréfaction des ressources et de réchauffement climatique, vaut-il mieux donner les moyens à l’être humain d’être libre et égal en droit à tout autre individu, ou est-il préférable de le contraindre au nom d’une expertise scientifique, médicale, administrative, etc, que l’Etat aura soigneusement sélectionnée selon ses propres critères ? Il ne restera alors au citoyen qu’à suivre les procédures qui auront été pensées pour lui, il ne lui restera qu’à faire confiance et à obéir. L’Etat décide de ce qui fait science, sans l’ouvrir à des comités scientifiques indépendants. Rousseau se serait élevé contre cet autoritarisme de principe.Brève mise en contexte historique.
Depuis Thomas Hobbes (1588 -1679), l’homme s’interroge sur l’idée d’une loi naturelle, par opposition à une loi divine. Il s’agit en effet de fonder un droit qui ne soit plus divin, mais humain, car Dieu semble ne pas intervenir dans les affaires politiques, humaines, tandis qu’il laisserait par ailleurs l’homme libre. De fait, il revient à l’être humain de définir ce qu’il est en raison et, partant, de s’appuyer sur ce que la nature lui « montre ». La difficulté consiste à observer ce que la nature nous donne à voir, tout en reconnaissant ce qui est spécifique à une nature humaine (à une anthropologie), qui se fonde en société.
Mise en contexte par rapport à Rousseau (1712 – 1778)
Rousseau répondait à un concours de l’Académie de Dijon qui posait une question de droit politique. « On peut concevoir deux types d’inégalités : l’inégalité naturelle, dont le nom seul montre qu’il est vain d’en chercher l’origine, et l’inégalité sociale, instituée par l’homme. C’est elle dont il faut trouver la source, hors de l’histoire, puisqu’elle l’a fait naître. Hors de l’histoire, c’est-à-dire dans un hypothétique état de nature, degré zéro du progrès, naissance virtuelle dont seul le cœur d’un homme juste peut garder la mémoire ou celer la chimère. »
Rousseau répond à ce devoir et retrace l’aventure de l’humanité depuis une origine hypothétique, dont il sait, comme l’Académie, qu’elle n’est pas la réalité (il est vain de la rechercher), mais il postule néanmoins la possibilité de la (re)trouver, ou de ne pas se laisser tromper (celer la chimère).
Ainsi, Rousseau part de l’hypothèse d’un homme naturel qui ne connaît ni le bien ni le mal. Il réfute ainsi le vice attribué par Hobbes à l’homme de la nature. Selon Rousseau, l’homme de la nature est infra-moral, sa pensée est composée d’opérations simples, il n’a que peu de besoins, qu’il parvient facilement à satisfaire. Ses passions sont celles de la nature : la nourriture, le sexe et le repos sont les seules choses bonnes pour lui et ses seuls maux sont la douleur et la faim. Le sauvage est un être naïf, autosuffisant et pacifique. Cependant, le sauvage ressent de la pitié, source d’empathie, contrairement à l’homme civilisé dominé par l’amour-propre et l’égoïsme. L’homme naturel est ainsi équilibré par ses deux tendances, la pitié (qui le pousse vers les autres) et l’auto-conservation (qui l’isole). Dans l’état civil, Rousseau propose que les lois et les vertus soient les guides structurant de ces deux instincts.
Ainsi, l’inégalité est à peine perceptible dans l’état de nature. En de nombreux points, le sauvage ressemble aux animaux, à l’exception de sa faculté à se perfectionner. Cette perfectibilité sera la source de sa sortie de l’état naturel et la cause de son malheur, selon Rousseau.Quelques références :
1) Pour Rousseau, la pitié est « naturelle », même les animaux en témoignent entre eux, elle ne relève donc ni de la raison et de ses calculs, ni de la morale sociale :
« Je parle de la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes ; vertu d’autant plus universelle et d’autant plus utile à l’homme qu’elle précède en lui l’usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes même en donnent quelquefois des signes sensibles. »
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes/Première partieNotons que les éthologues s’accordent pour dire que les animaux grégaires (grands et petits mammifères notamment) partagent des relations de soutien désintéressé, par « pure affection ». (Frans De Waal)
2) « Il y a dans l’état de nature une égalité de fait réelle et indestructible, parce qu’il est impossible dans cet état que la seule différence d’homme à homme soit assez grande pour rendre l’un dépendant de l’autre. »
Emile, Livre IV.
« Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. (…) Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter tout moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté ».
Du contrat social. Livre I, chap. IVUne ressource : SIAM Jean Jacques Rousseau
Société Internationale des Amis du Musée – Jean-Jacques RousseauIllustration ci-dessous, une capture de texte du Contrat Social (livre I, chap. IV)
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
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– Le café philo des ados de Evelaure. Annemasse.
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