Cafephilos Forums Les cafés philo Des cafés philo sur Grenoble De la parrêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, avec autrui, sous le regard de l’autre ? Sujet pour ce mercredi 8.01.2025 à 18h30 au Café des Arts. Grenoble.

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
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    Messages
  • #7670
    René
    Maître des clés

      Merci à l’équipe du Café des Arts (36, rue St-Laurent, Grenoble) d’accueillir une pratique des cafés philo dans leur bel espace (voir leur page Evenements ici)
      En pratique, on se retrouve le premier mercredi du mois à 18h30
      Merci de venir un peu plus tôt pour prendre sa boisson, se mettre en place de sorte à démarrer à 18h30)
      Durée des débats (1h30 environ)

      Sujet proposé pour ce mercredi 8 janvier 2025 :

      Question pour notre débat :
      De la parrhêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, vrai avec autrui, vrai sous le regard de l’autre ?

      Eléménts de définition : parrêsia
      composé de πᾶν, pan (« tout ») et de ῥῆσις, rêsis (« discours »)
      Parrhêsia, étymologiquement, c’est le fait de tout dire (franchise, ouverture de parole, ouverture d’esprit, ouverture de langage, liberté de parole).
      Les Latins traduisent en général parrhêsia par libertas. C’est l’ouverture qui fait qu’on dit ce qu’on a à dire, qu’on dit ce qu’on a envie de dire, qu’on dit ce qu’on pense pouvoir dire, parce que c’est nécessaire, parce que c’est utile, parce que c’est vrai.

      M. Foucault précise dans « Le courage de la vérité » que dire le vrai n’est pas suffisant pour qu’il y ait parrhêsia : « […] il faut que le sujet, en disant cette vérité qu’il marque comme étant son opinion, sa pensée, sa croyance, prenne un certain risque, risque qui concerne la relation même qu’il a avec celui auquel il s’adresse » (p. 12). Et c’est de ce risque que vient, en termes éthiques, la valeur de ce dire vrai : « D’où ce nouveau trait de la parrhêsia : elle implique une certaine forme de courage, courage dont la forme minimale consiste en ceci que le parrèsiaste risque de défaire, de dénouer cette relation à l’autre qui a rendu possible précisément son discours » (p. 13).
      M. Foucault peut alors donner de la parrêsia une définition synthétique, qui présente la notion dans le cadre d’un contrat de parole : « La parrhêsia est donc, en deux mots, le courage de la vérité chez celui qui parle et prend le risque de dire, en dépit de tout, toute la vérité qu’il pense, mais c’est aussi le courage de l’interlocuteur qui accepte de recevoir comme vraie la vérité blessante qu’il entend » (p. 14).

      Rappel de la question pour notre débat :
      – Peut-on être totalement vrai avec soi ?
      – Peut-on l’être avec autrui ?
      – Peut-on l’être sous le regard de l’autre ?

      Quelques ressources
      Le parler-vrai. Le journal de la philo. Géraldine Mosna-Savoye. France Culture.
      Le parrèsiaste ou le courage de la vérité. Article de Pensées du discours. Hypothèses.
      Michel Foucault, Discours et vérité, précédé de La Parrêsia. Article de STÉPHANE MASSONET. Ce que parler vrai veut dire.
      Un inédit de Michel Foucault : « La Parrhêsia ». Note de présentation. Article de Open édition.
      Michel Foucault, Dire vrai sur soi-même, Paris, Vrin, 2017, une recension par Alexandre Klein. Académie de Versailles.
      L’herméneutique du sujet. Article Universalis pdf.
      > Cliquer ici pour accéder à une carte mentale de l’Herméneutique du sujet + un résumé de l’article.
      Parrhésia et honte. Discours philosophique Un cours-vidéo de Letitia Mouze. Canal U.
      Foucault – Le courage de la vérité. 1984 – Cours audio du Collège de France
      Foucault. Le gouvernement de soi et des autres. 1983. Cours audio du Collège de France.

      Image-texte tirée de « L’herméneutique du sujet ». Foucault. Edit. Seuil.

      Quelques règles concernant nos échanges
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – Pas d’attaque ad hominem /ad persona.
      – On essaie de rendre compte des raisons de sa pensée et de faire évoluer le débat.
      – Chacun est le bienvenu, quels que soient sa formation, sa confession, son niveau de vie et ses références philosophiques.

      Mon approche des cafés philo.
      Elle est plutôt non-directive, centrée sur les questions des participants. Nous nous efforçons de faire évoluer le débat au fur et à mesure de nos échanges.
      Nous partons du principe que chaque participant est adulte, autonome, responsable de sa pensée et de ses dires, responsable de son comportement et curieux d’examiner aussi bien les raisons de sa pensée que de celles d’autrui.
      Dans l’idée, nous nous appuyons sur le fait que le partage de nos réflexions et d’une écoute compréhensive est susceptible d’être profitable à tous, autant qu’à soi-même.

      Ce que le café philo n’est pas :
      Le café philo n’est pas un lieu de propagande, ni il n’est celui d’une mise en spectacle de soi ou encore celui où on se pose comme donneur de leçons et l’on vient répété ce que l’on sait déjà. L’effort porte bien sur une réflexivité mise en partage, on y assume les hésitations d’une pensée qui se cherche.

      Une biographie.
      – Rédaction d’un mémoire de maîtrise sur les cafés philo dans le cadre d’un diplôme de pratiques sociales (Collège Coopératif Rhône-Alpes / Université Lyon 2)
      – Administrateur du site des cafés philo.
      – Animation du café philo d’Annemasse depuis les années 1995 (voir ici les derniers comptes rendus)
      – Mon approche s’inspire de celle de Michel Tozzi (voir ici sa définition), sans y être aussi formelle (c’est une visée) et elle s’adresse surtout à des adultes (non à des enfants)
      – Actuellement (septembre 2024), j’entame un parcours de licence en philosophie (UGA Grenoble).
      – L’année passée (2023), j’ai entamé un DU sur les pratiques philosophiques.

      ————————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #7674
      René
      Maître des clés

        Un compte rendu de notre échange. Question pour notre débat :
        De la parrhêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, vrai avec autrui, vrai sous le regard de l’autre ?

        Nous étions entre 25 et 30 personnes, le débat était plutôt de bonne qualité, voire parfois assez complexe…mais Il est resté ouvert.
        Un grand merci à Nadia pour la distribution de la parole. Il est intéressant de noter les règles qu’elle a souhaité préciser : parole donnée dans l’ordre des demandes, priorité aux moins-disants, notamment, de genre, lorsque les femmes s’expriment moins. Nadia interviendra si des personnes coupent les autres ou parlent sur autrui.* (Voir note à propos de l’animation de ce café philo)

        Quelques échanges retenus

        Rappel de la question :
        De la parrhêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, vrai avec autrui, vrai sous le regard de l’autre ?

        Le « tout dire », est-ce parler vrai ?
        Le « tout dire » exprime plutôt la non-discrimination dans un flot de parole, le « parler-vrai » implique de se sentir concerné par ce que l’on dit. La question du courage s’invite alors dans le débat. En effet, se sentir concerné exprime l’idée d’une prise de risque, celle de dire ce qui nous tient à cœur, c-a-d, d’assumer ce que l’on dit, d’en rendre compte.

        Mais la question du « tout dire » soulève à elle-même des problèmes de fond :
        – celui du mythe de la transparence : jusqu’où peut-on tout dire ? Sommes-nous transparents à nous-mêmes ? (Savons-nous vraiment ce qu’il y a au fond de soi ?)
        Mais, par ailleurs, l’appel à vouloir tout dire dans une relation semble répondre du besoin de s’éprouver dans un rapport de confiance totale avec l’autre.  Ainsi, une partie du débat s’est orienté vers les questions du soi, de l’identité, des conditions par lesquelles le sentiment de soi, voire le « soi » existe.

        Un autre aspect du débat s’est orienté vers les questions du risque d’être soi dans le rapport à l’autre. S’il est vrai que l’on devient soi par le regard de l’autre, que se passe-t-il dans le devenir soi, le devenir de la relation et le devenir de l’autre ?

        Enfin, entre ces deux pôles, du soi et de l’autre qui s’élaborent l’un par l’autre, se tenait la question de la « vérité », de la possibilité de notre corps et de notre parole de faire vérité, d’exister comme vérité, de s’imposer comme « vérité ».

        Ce sont essentiellement les trois pôles autour desquels s’est construit notre débat.

        Or chacun de ces pôles posent de nombreuses questions :

        Notons que les choses se présentent de façon complexe en soi, car elles sont données comme un tout à la conscience. C’est donc par des opérations de discernement que nous distinguons le « soi », l’autre et ce que nous nommons la vérité (qui, en fait, renvoie à ce que nous percevons de soi, de l’autre et de la vie en général).
        > Ainsi, nous appréhendons le soi, autrui, la vie par des « filtres » (une culture, des mots, un langage, des biais cognitifs, voire par une « philosophie » > entendue comme une vertu par laquelle, on exerce son discernement dont on rend compte (notamment dans nos débats).

        Je vais retenir trois interventions pour ce débat :
        celle où il est dit : nous nous appréhendons sous forme de récits;
        2°, la question qui demande : pourquoi notre débat s’est-il focalisé sur la question de l’existentialisme (qui, en réalité, renvoie à une question de liberté).
        Et 3°,  je terminerai avec cette autre question : qu’est-ce que l’harmonie ?

        Nous appréhendons-nous sous forme de récits ?
        Deux observations, ici, celle autour du « nous » qui signifiait « tout le monde ». Le participant l’entendait ainsi : tout le monde sans exception, s’appréhendent sous forme de récit. Ce qui a soulevé d’autres questions :
        – y compris les personnes qui passent aux aveux, celles qui livrent ce qui leur est intime ?
        – y compris les personnes qui se scarifient, qui souffrent dans leur corps ?
        Dans le premier cas, il semble que l’on fasse preuve d’honnêteté avec soi-même, et que l’on renonce à se protéger derrière des excuses, avec des récits et des histoires, tandis que dans le second cas, il semble que l’on se trouve dans l’incapacité de se mettre à distance de soi pour se protéger de souffrances qui s’éprouvent à même la chair.

        Certes, nous comprenons qu’il y a entre soi et soi-même des « intermédiaires » (des sensations, des perceptions, des symboles, des sentiments…), mais peut-on dire que ce sont des « récits » (des fables ou des histoires) ? En effet, un récit s’entend comme quelque chose de construit, avec un début, un déroulement et une fin où l’on se monte un « film ». Pour le dire autrement, s’il y a une vérité effective de « soi », elle est avant tout un moment d’ébranlement de soi et, il est possible que ce moment ne s’appréhende pas sans crainte.
        Seconde question : les intermédiaires ci-dessus (sensations, perceptions, symboles, sentiments, etc) contiennent-ils du sens en eux-mêmes ? Que disent-ils de soi ? Autrement dit, il est possible qu’il y ait plusieurs « couches » avant d’accéder à ce « soi », et que ces couches soient faites de différentes matières (structures/langages) se présentant sous la forme de sensations, d’impressions, voire de vide, d’angoisses, etc..). Pour l’instant, il est difficile de dire si ces perceptions de soi, ces phénomènes se présentent comme la matière du soi ou comme ce qui empêche d’accéder à soi ou d’être « soi » ?

        Pourquoi notre débat s’est-il focalisé sur la question de l’existentialisme ?
        La parole vraie suppose un rapport de vérité à quelque chose en soi ou à une situation, à des faits que l’on peut décrire. Or, ce qui est « soi » (à l’intérieur de soi) échappe à un saisissement complet et définitif de ce qui nous compose : d’une part, nous ne sommes pas la cause de « nous-mêmes ». Nous sommes nés de parents, ils nous précèdent et notre identité se constitue qu’en s’étayant sur un environnement relationnel qui lui précède également. Et, d’autre part, nos introspections sont limitées, tout comme notre mémoire, tandis que les mémoires de la jeune enfance sont engrangées sous forme d’affects, d’impressions, de sensations, si ce n’est de modèles comportementaux incorporés. Or, la plupart d’entre nous avons du mal à décrypter ses zones, à les faire parler, voire à les reconnaître (les accueillir), à les penser. Subsiste alors des décalages entre ce que l’on est, ce que l’on aimerait être, ce que l’on croit être. Ces décalages gagnent en complexité dans la rencontre avec autrui, lui-même confronté également à cette même complexité.
        Et là, il a été question de « liberté » : peut-on s’arracher à nos déterminismes pour se penser librement ? Pour se détacher de nos déterminismes, tout en sachant contourner les limites de la raison, celles de nos perceptions, de sorte à atteindre/toucher à quelques vérités nous concernant ?

        Et de l’harmonie ?
        L’expérience a été rapportée de cette professeure de chant : Trouver sa voix. Cette professeure invite ses élèves à trouver leur voix, mais non à travailler une voix technique qui serait par la suite, artificielle, inauthentique, normée selon la mode du moment. Dès lors s’éprouve chez celui/celle qui parvient à trouver sa voix, une rencontre, un alignement de soi à soi-même. L’expérience peut avoir son intérêt en ce qu’elle est une manière, ponctuelle, certes, mais forte, de s’éprouver selon un accord à soi-même et, probablement dans un rapport à l’autre.
        Nous ne voulons pas, pour l’instant, questionner la valeur de cette expérience, mais seulement, l’apprécier dans sa « subjectivité ». La question qui se pose est de savoir si cette expérience « d’unité » à soi-même, voire d’harmonie peut s’étendre aux autres aspects de soi et jusqu’où elle peut être partagée ?
        L’accord à soi-même sur le plan de la voix, peut-il susciter le goût de le rechercher sur d’autres plans : la raison, les sentiments, des sensations, des impressions, des situations, des événements et leurs interprétations, etc. ? Cet accord et cette recherche sont-ils susceptibles de nous donner des repères pour tracer des chemins qui nous permettent de nous entendre sur ce que peuvent être le soi, la vérité, l’authenticité et la valeur d’une parole vraie ?

        Fin du compte rendu.
        Chacun est le/la bienvenu-e pour préciser sa pensée, poser des questions, exprimer ce qu’il/elle retient du débat et/ou des idées ci-dessus.

        ————————————-
        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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