Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Est-il raisonnable d’avoir peur ? Sujet du lundi 16.06.2014
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10 juin 2014 à 20h55 #5010Est-il raisonnable d’avoir peur ?
Peur : crainte, frayeur, mouvement par lequel l’âme est excitée à éviter un objet qui lui parait nuisible.
Définition de 1664 de l’académie française. Rapporté par Michel Porret (historien)Michel Porret distingue plusieurs types de peur :
– ancestral : peur de la mort.
– circonstancié : la peste ou la grippe HSN1
– lié aux ressources : la famine, le manque de ressources énergétiques
– lié au progrès, aux techniques : le nucléaire, la génétique, l’informatique
– le type sécuritaire : menace terroriste, la peur des indigents, de l’étranger.Bien entendu, derrière ces peurs collectives, on peut distinguer le registre des peurs personnelles, psychologiques : celles que l’on ressent en soi. Nous avons des façons particulières de les gérer ou de les subir, n’est-ce pas ? Peut-être y a-t-il des liens entre les peurs collectives et les peurs personnelles ?
Je rapporterai quelques propos de la conférence de Michel Porret pour introduire notre sujet : est-il raisonnable d’avoir peur ? Question que l’on peut entendre également comme : qu’apporte la peur à la raison ?
Ressources que j’utiliserai:
– Autres temps, autres peurs : les angoisses sociales du XVI à nos jours. Conférence de Michel Porret, Genève le 03.06.2014
– Une série d’émissions sur France-Culture
– Eloge de la peur. Boris Cyrulnik. Revue Cles12 juin 2014 à 16h02 #5014Si on distingue la peur de la phobie, alors il semble que la plupart de nos peurs ordinaires sont « raisonnables » (dans le sens où elles n’obscurcissent pas le jugement, voire sont susceptibles de l’orienter vers la décision la plus adéquate). Quand est-ce qu’une peur cesse d’être raisonnable pour sombrer dans la phobie ? Sans doute lorsque celle-ci s’égare dans son fondement (peur des pastèques) et/ou dans sa proportion (vertige debout sur une chaise). La peur cesse d’être raisonnable lorsqu’elle reste aveugle à l’expérience qui la nie (la pastèque ne mord pas). Ces quelques rudiments te laisseront sans doute sur ta faim, car je suppose que ton sujet réfère implicitement à cette question : vivons-nous dans un monde objectivement inquiétant ?
Pour reprendre tes exemples, je pense qu’on pourrait dire que la peur n’est jamais en elle-même « raisonnable ». Même dans le cas d’un phénomène objectivement inquiétant (par exemple, le réchauffement climatique – supposons qu’il soit avéré), ce qui est raisonnable ou déraisonnable c’est avant tout l’attitude que l’on adopte vis-à-vis de ce qui est identifié comme un danger ou un risque. Si je reste campé dans ma peur, que je ne m’informe pas pour m’assurer de la validité de son fondement et pour la proportionner, que je n’élabore aucune pensée au sujet de ce qui m’inquiète et que je ne pose aucune action adéquate (réduire mes émissions de CO2, cotiser pour Greenpeace, voter pour EELV, etc.), alors je ne suis sans doute pas « raisonnable ». Une peur « raisonnable » serait donc une peur qui n’est pas une phobie (son fondement et sa proportion sont adéquates) et qui laisse la place pour que se déploie le raisonnement et l’action justes. Peut-être pourrait-on même dire qu’une peur « raisonnable » est une peur dont la juste mesure permet la mise en route du raisonnement et de l’action. Si la peur est insuffisamment intense, on reste inerte, si elle l’est trop, on perd la raison. La question que tout ça pose est : L’humain doit-il avoir peur pour agir ? (on reproche souvent aux écologistes de brandir des catastrophes à venir pour mobiliser leur troupe, ce qui est perçu comme débilitant).
Bref, vaste sujet !
15 juin 2014 à 13h42 #5015Super ! Merci Philippe pour ces exemples, cette mise en situation du sujet. Cela donne des pistes pour penser.
A toute. -
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