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4 juillet 2019 à 22h48 #5778Atelier spirituel « le jardin de la pensée »
Janvier – Février 2019. Essai de synthèse
Thème : La TolérancePour Commencer
Contrairement au titre indiqué ci-dessus, ce « compte rendu de réunion » n’est pas une véritable synthèse mais plutôt une tentative de mise en ordre des propos tenus, tant au cours de la première rencontre (mise en commun) que de la deuxième (mise en ordre) ainsi que de réflexions intermédiaires survenues entre les deux.Qu’est-ce que la tolérance ?
– D’où vient le mot « tolérance » ? Latin tollere : soulever, porter ou, en termes marins, embarquer ; ou aussi (toujours en latin) tolerare (soutenir). En grec : ατλαϛ (Atlas= « le porteur » en grec) nom d’un Titan condamné à soutenir la voûte céleste pour l’éternité. – Après quelques essais, définir la tolérance dans sa généralité nous a paru tâche impossible ! On a finalement préféré la considérer sous des angles différents en espérant ainsi l’appréhender au moins en partieTolérance et non-violence –
Au vu de l’histoire « récente » il est tentant d’associer tolérance et non-violence. Deux exemples viennent immédiatement à l’esprit : Gandhi et Jaurès. La non-violence de Jaurès était considérée comme liée à son attitude pacifiste : en effet, dès son assassinat (31/07/1914), la guerre s’est déclarée. La première question qui vient est : cette guerre n’aurait-elle pas été déclarée quand même Jaurès serait resté aux affaires ? Et la seconde : quel lien entre pacifisme et tolérance ou entre tolérance et non-violence … – Une façon de voir, qu’on ne peut totalement récuser, est que, sauf à se situer dans un cadre philosophique d’abnégation de soi (cf. plus loin) la non-violence ne peut être érigée en principe au nom de la tolérance. En effet est-il légitime (tolérable) d’accepter d’être détruit ? – Pour définir la tolérance il peut être utile de raisonner « en creux » et donc de chercher à définir d’abord l’intolérance, telle qu’elle se manifeste dans les diverses situations de la vie .
Tolérance et intolérance
– L’intolérance la plus souvent évoquée est l’intolérance religieuse (ou plus largement civilisationnelle). Cf. par exemple le traité de la tolérance de Voltaire (la mort de Jean Callas), les luttes entre religions voire branches d’une même religion que l’on observe dans l’histoire y compris contemporaine. Exemple : protestantisme et catholicisme, en Europe dans le passé et encore maintenant en Irlande, luttes chiisme sunnisme dans l’Islam, etc. … encore faut-il noter que la religion peut n’être qu’un habillage pour d’autres dissensions, sociales, politiques ou économiques
– De nature voisine est (à des degrés variables suivant les engagements de chacun) l’intolérance pour les idées politiques de l’autre (lorsqu’elles diffèrent des nôtres !) et aussi ce que l’on pourrait appeler l’intolérance de classe : dans un milieu différent du notre on peut (au mieux) se sentir méfiant *1.
– Et à ces intolérances religieuses politiques et sociales il faut sans doute ajouter les intolérances ethniques, voire simplement internationales entre pays voisins. On ne tolère pas toujours ce qui est un peu différent.
– L’intolérance au quotidien : Intolérance plus ou moins marquée au mode de vie des autres, que la différence soit d’origine culturelle ou liée au milieu social et plus généralement sur la façon de mener sa vie au quotidien*2. Nous n’avons clairement pas toutes les mêmes façons de réagir face aux évènements de la vie mais nous tenons beaucoup à notre façon de faire.
– Ponts communs aux différentes formes d’intolérance
> L’intolérance induit toujours une réaction négative o L’intolérance se nourrit de préjugés
> L » intolérance se nourrit d’ignorance
> On peut se demande si certaines formes d’intolérance de ce type ne sont pas simplement l’expression de la peur (non exprimée) de l’être humain qui se sait mortel et a besoin d’être sécurisé en se rétractant sur un environnement familier
> Si la tolérance est le contraire de l’intolérance, sa source est donc dans l’intelligence de l’autre (de celui qui est différent).Tolérance et vertu
– A la question « La tolérance est-elle une vertu (et a contrario l’intolérance un vice) il y a plusieurs réponses possibles : oui si elle prend ses sources dans une philosophie de l’humain, non si l’on la définit « a minima » comme l’ensemble des règles qui permettent de vivre ensemble « (ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait point qu’ils nous fassent). Rien à voir donc avec le bien et le mal « a priori » mais pouvant être à l’origine de la définition d’un bien et d’un mal social. Dans cette optique la tolérance est un mode de vie qui préserve chacun de l’autre (distance de sécurité !). Vue ainsi, la tolérance résulte simplement d’un intérêt bien compris.
– Pour dépasser cette opposition oui/non on peut définir plusieurs niveaux de tolérance, le premier étant une tolérance du quotidien, indispensable pour vivre ensemble et le second une tolérance « supérieure », de nature ethique ou métaphysique, qui dépend de la philosophie de l’humain que chacun d’entre nous peut développer.
– Notons que même la tolérance du quotidien, basique et sans prétention philosophique, n’est pas acceptée par tous (la tolérance zéro a le vent en poupe) et forme à elle seule un sujet de réflexion (même en faisant abstraction de toute notion de bien et de mal)
– L’idée est émise que la tolérance se distingue de la bienveillance (qui implique des valeurs éthiques, comme : vouloir le bien d’autrui). Dans cette optique la bienveillance implique la tolérance mais l’inverse n’est pas vrai. (Je peux respecter mon voisin sans lui vouloir du bien !) Une opinion inverse serait que la tolérance engendre naturellement la bienveillance. Toute la question est finalement de savoir si la tolérance prend sa source dans la bienveillance ou si elle en est seulement une condition nécessaire.Implications philosophiques
– La question est posée de savoir si la tolérance peut former la base d’une philosophie (dite « relativisme ») fondée sur la négation de toute vérité ultime. Cette vision s’oppose efficacement au fanatisme mais, poussée à bout, peut conduire à affirmer que toutes les vérités se valent, ce qui ne plait guère au tenants des diverses religions. Si cependant la vérité existe mais qu’elle nous est inaccessible, la tolérance consiste à reconnaitre que nous ne la connaissons que sous un angle, le nôtre, et que le point de vue d’autrui doit aussi être pris en compte (illustration: comme une haute montagne est vu différemment depuis les différents sommets qui l’entourent).
– Allant plus loin, l’un de nous suggère que la tolérance est l’origine d’un processus de détachement conduisant à une réalité supérieure. Ainsi, dans cette optique et au nom de la tolérance on pourrait en venir à nier sa propre personne, l’accomplissement se trouvant dans le renoncement et l’abnégation individuelle, le détachement prenant place dans le cadre d’un altruisme fondateur d’une identité collective. C’est une vision à la fois christique et bouddhiste que nous n’avons surement pas fini d’approfondir !!Autres sujets abordés
– Les limites de la tolérance :
> La tolérance ne saurait être absolue. par exemple le fanatisme et l’intolérance sont intolérables !
> Tolérer ce n’est pas « la boucler ». Il convient d’accepter les différences, non de les gommer
– Sujets simplement effleurés
> Être tolérant vis-à-vis de soi-même. Faut-il être tolérant avec soi-même ? (tolérance dirigée vers l’intérieur). L’auto-intolérance n’est-elle pas destructrice ? Et détruire le beau qui est en chacun de nous n’est-ce pas désolant ?
> Quelle relation peut-il y avoir entre tolérance et pardon ?– Remarque post-finale (!).
Une attitude tolérante débouche sur l’acceptation de différences que l’on peut soit accepter sans aller plus loin, soit utiliser pour dépasser les points de vue initiaux. C’est en particulier le cas lorsque la tolérance est perçue comme une abnégation de soi au profit de l’intérêt commun, mais pas seulement. Ainsi la prise en compte des différences peut permettre de dépasser une première perception pour atteindre un niveau de réalité supérieure. Dans cette optique le compromis entre le noir et le blanc (« juste milieu *3») n’est pas le gris mais la couleur !Note *1 : A l’inverse j’ai été frappé par l’esprit de tolérance qui a présidé à une session du « grand débat » à laquelle j’ai participé, malgré les différences de fond sur la façon d’appréhender les problèmes posés.
Note *2 : Ces différences portent souvent sur de petites choses ; habitudes vestimentaires, façon de conduire sa voiture (plus ou moins cool, plus ou moins vive !) ou plus généralement façon de mener sa vie, etc… chacun pourra compléter.
Note*3: Selon Aristote, rechercher le « juste » milieu consiste à fuir à la fois l’excès et le défaut. C’est une notion différente de la médiocrité qui est de se placer entre un grand et un petit, ou à égale distance entre le bien et le mal, ou entre le feu et les pompiers etc. Le « juste milieu » est central dans le confucianisme et la philosophie chinoise en général. Notons aussi que la Chine: est “l’empire du milieu”.
7 juillet 2019 à 19h37 #5791Merci. c’est super. je vais essayer de faire la même chose sur les autres sujets… dans la semaine. Ce Week end nous etions (apprentis philosophes et musiciens du groupe ) mobilsé(e)s pour le festivale de musique alpine de Bogève, pas loin de chez vous, pour jouer, chanter, danser … et penser!
Ca tombe bien, notre prochain sujet « philo » c’est « pourquoi la musique »! demarrage fin aout …
cordialement
Bernard20 février 2020 à 21h08 #5836Bonjour Batya et Merci pour votre intervention
Oui, nous nous étions bien sûr posé cette question : peut-on tolérer l’intolérable ? La réponse était Non ! Pour tout le monde . Mais surgit aussitôt la question suivante : comment définir l’intolérable (par exemple faut-il faire la guerre pour espérer empêcher la guerre? et là encore ça dépend des conditions : à la maison, dans notre voisinage ou plus loin). Et c’est sur cette définition de la limite acceptée, sinon acceptable que les gens ont des appréciations différentes même si dans un groupe humain homogène, un consensus semble s’établir naturellement. Je remarque à titre personnel que l’on voit souvent émerger une doctrine de l’indignation facile : on ne fait rien pour empêcher l’intolérable (et d’ailleurs pourrait-on ?) mais on s’indigne du plus profond de son fauteuil.
Voila ce que je retiens des pensées émises dans notre petit groupe. Mais comme je ne suis pas du tout sur d(être fidèle, je vais leur repose votre question la semaine prochaine lors de notre réunion mensuelle, même si nous nous somme actuellement sur un autre thème pas facile du tout : « l’Art et la Bonté » (et ce n’est pas une faute de frappe !)Cordialement
Et a votre dispo pour continuer le débat
Bernard, pour « le jardin de la pensée »11 août 2020 à 0h08 #5878La tolérance , c’est aussi accepter et de comprendre autrui suivant ses circonstances de son vécu ou de son contexte psycho-social .
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