Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Notre sujet du 11.11.2013 : Faut-il toujours dire la vérité ?

8 sujets de 1 à 8 (sur un total de 8)
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  • #4729
    René
    Maître des clés

      Notre sujet du 11.11.2013 : Faut-il toujours dire la vérité ?
      La réponse de Kant :
      Soit, par exemple, la question suivante : ne puis-je pas, si je suis dans l’embarras, faire une promesse avec l’intention de ne pas la tenir ? Je distingue ici deux situations morales : demande-t-on s’il est prudent ou s’il est conforme au devoir de faire une fausse promesse ?
      A la vérité, je vois bien qu’il ne suffit pas seulement de me tirer d’un embarras, il me faut également considérer si ce mensonge ne va pas conduire à un désagrément encore plus grand que tous ceux dont je me délivre à l’instant ? Et comme, en dépit de ma prétendue finesse, les conséquences ne sont pas aisées à prévoir (par exemple, la perte de la confiance d’autrui peut m’être bien plus préjudiciable que le mal que je songe à éviter), n’est-il pas plus sage d’agir selon la maxime universelle : ne jamais rien promettre qu’avec l’intention de le tenir ? Certes une telle maxime n’en est pas moins fondée sur un calcul d’intérêts. Or c’est pourtant tout autre chose que d’être sincère par devoir, et de l’être par crainte des conséquences désavantageuses.

      Kant nous propose un exemple :
      Un maître donne l’ordre à son domestique de répondre, si on le demandait, qu’il n’est pas à la maison. Or, la police cherche le maitre en question, le domestique suit la consigne et répond que son maître n’est pas là.
      Il advient cependant que son maître sort, commet un grand crime, lequel, en fait, aurait été empêché par la police si le domestique avait dit la vérité.
      Selon les principes de l’éthique, demande Kant : sur qui retombe ici la faute ? A n’en pas douter, sur le domestique également qui, par le mensonge, a enfreint un devoir envers lui-même : sa propre conscience doit lui reprocher les conséquences.

      On trouvera le texte original (il s’agit ici d’un résumé perso) et la réponse à Kant de Benjamin Constant sur le blog Philosophia.

      #4730
      Fabien
      Maître des clés

        Pistes de réflexion:

        • Ne « pas dire » la vérité est-ce « mentir » ou est-ce « omettre de donner des informations »?
        • Peut-on penser les notions de « vérité » ou de « mensonge » au sens extra-moral ? (cf. Vérité et mensonge au sens extra-moral)
        #4734
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        Participant

          Pistes de réflexion:
          Ne « pas dire » la vérité est-ce « mentir » ou est-ce « omettre de donner des informations »?

          Ne « pas dire » la vérité est-ce également omettre de donner des informations ?
          Omettre des informations dans l’intention de « modifier » ce que saura en finalité mon interlocuteur est une forme d’altération de la vérité, n’est-ce pas ? Le but étant que mon interlocuteur ne « sache » pas les choses comme moi je les sais.
          Ex. : Je suis médecin : je révèle aux parents que leur enfant est gravement malade plutôt que de leur dire qu’il est quasiment en phase terminale.
          Dans ce cas, j’édulcore la vérité, même si ce n’est pas un mensonge qui vise à tromper mes interlocuteurs et à abuser d’eux.

          Dans l’exemple mentionné, je verrais trois problèmes :
          – Qu’est-ce qui fait « vérité » ou pas dans l’annonce ?
          – Quelle est la nature des intentions lorsque la vérité n’est pas dévoilée
          – De quoi la vérité (réalité) est-elle faite ?
          Autrement dit : que sait le médecin de la capacité des parents à assumer « la vérité », que sait-il des potentiels immunitaires de l’enfant, que sait-il de ce qu’il convient de faire à l’égard de l’enfant et des parents ?

          Maintenant, tout le monde n’est pas médecin, et tous les médecins n’ont pas un égal souci de la santé et du bien-être de leurs patients, n’est-ce pas ?

          #4735
          René
          Maître des clés

            Pistes de réflexion:
            Peut-on penser les notions de « vérité » ou de « mensonge » au sens extra-moral ? (cf. Vérité et mensonge au sens extra-moral)

            Bonjour,

            J’essaie de répondre à la seconde partie de la question… mais, à vrai dire, je saisis mal le concept de « vérité au sens extra-moral ». Après avoir lu les explications, cela ressemble à un concept pur en ce sens où sa contre partie du réel n’est pas saisissable, d’ailleurs aucun exemple ne l’illustre.
            En revanche, l’idée de « véracité » ne pose pas problème, on comprend qu’il s’agit du point de vue d’un observateur, donc de sa subjectivité, et ce, indépendamment de ses intentions (qu’il soit honnête ou qu’il se trompe simplement).

            S’intéresser à la nature même de l’énoncé pour en découvrir « la vérité », extra-morale éventuellement, est-ce une autre forme d’essentialisme ? La vérité serait, par essence, contenue dans l’énoncé de l’interlocuteur, et il suffirait de l’en dégager pour la révéler ?

            Je me demande si les questions de « vérité » dans nos relations avec autrui ou avec la société (les réseaux, les associations, le commerce, la loi, la politique…) ne sont pas davantage des « idéaux construits » ou tout simplement, des « projets humains » ? La question serait alors : quelle relation je construits en «vérité » avec le type de relation que je propose ?

            #4736
            Fabien
            Maître des clés

              J’avoue que ma deuxième piste me laisse aussi perplexe, je ne dois pas avoir le bagage pour réellement pouvoir apporter des élements de réponse, surtout lorsque je lis réponse de Ricoeur.
              Pourtant le sujet m’a fait penser à un chapitre d’un ouvrage de vulgarisation de la pensée de Nietzsche que je viens de finir. La notion de vérité et mensonge y dépasse le champ de l’éthique (prise dans le sens de notre sujet de lundi prochain, c’est-à-dire quand les hommes sont en interaction les uns avec les autres) pour être interprétée à l’aulne de nos actions ou encore de la vie même.
              Si l’on s’accorde sur le fait que nous allons mourir, quoique nous fassions dans notre vie n’a pas réellement de poids face à cette « vérité » ultime. Nous pouvons donc nous réfugier dans le « mensonge » (par ex. de la religion, d’une carrière, etc.) afin de donner un sens à nos vies.
              En retournant totalement le point de vue, le mensonge est plus intéressant parce que plus « difficile », « créateur ». Si je prends l’exemple d’un artiste qui essaie de reproduire une nature morte, quelque soit les qualités artistiques du résultat, il y a ajout d’une « couche de faux à la réalité » qui est plus « intéressante » que les éléments réels qui forment cette nature morte.
              Enfin… Je suppose que nous sommes loin, très loin du sujet d’origine.

              Parmis les question que tu soulèves René, « quelle est la nature des intentions lorsque la vérité n’est pas dévoilée [ou qu’il y a mensonge] » est me semble-t-il LA question qui permet de juger de la valeur morale d’un mensonge ou d’une vérité. (Y a-t-il nuisance ou au contraire préservation d’autrui?). Tu l’auras compris, j’aurai tendance à être conséquentialiste.

              #4737
              René
              Maître des clés

                Si l’on s’accorde sur le fait que nous allons mourir, quoique nous fassions dans notre vie n’a pas réellement de poids face à cette « vérité » ultime. Nous pouvons donc nous réfugier dans le « mensonge » (par ex. de la religion, d’une carrière, etc.) afin de donner un sens à nos vies.
                En retournant totalement le point de vue, le mensonge est plus intéressant parce que plus « difficile », « créateur ». Si je prends l’exemple d’un artiste qui essaie de reproduire une nature morte, quelque soit les qualités artistiques du résultat, il y a ajout d’une « couche de faux à la réalité » qui est plus « intéressante » que les éléments réels qui forment cette nature morte.
                Enfin… Je suppose que nous sommes loin, très loin du sujet d’origine.

                En fait je trouve cette ouverture vers le mensonge à soi-même très forte. Pour le coup, le monde est « représentation », il n’est éventuellement qu’un « pare-à-vent ».
                Moralement, on pourrait donc poser la question ainsi : faut-il toujours (se) dire la vérité, la dire pour le moins à soi-même ?
                Sinon, effectivement, si la vérité est la perspective de mon anéantissement, laquelle serait inhibitrice de l’appétit de vivre, alors vivre est difficile et créateur. Mais appellera-t-on cette création mensonge ?

                #4746
                René
                Maître des clés

                  Quelques questions retenues lors de l’échange avec les partipants :
                  – Je raconte l’histoire du Père Noël à mes enfants, et je ne considère pas pour autant que je leur mens, et donc finalement, n’y-a-t-il pas autant de contextes que de vérités ? Ce qui conduit à pouvoir dire une chose et son contraire sans se contredire. (Rire de l’audience)
                  – Cela pose la question : le mythe pourrait-il être un mensonge ? Je penserai plutôt pour dire que le mythe qui veut se faire passer pour réel est mensonger.
                  – La question peut être alors : n’y-a-t-il pas que des mythes ?
                  – La Vérité (avec un grand V) est-elle un mythe ?
                  – Dans l’exemple du serviteur et du maître, il y a le mythe du serviteur qui obéit à son maitre (et donc ne lui ment pas), et à côté de cela, il y a le mythe de l’ordre public (la police). Chacun s’estime dans la vérité.
                  – Le mensonge est-il alors un rapport à la fidélité (loyauté envers les personnes) plutôt qu’un rapport aux faits ?
                  – Kant estime que l’homme doit s’efforcer à être bon, et donc dans la vérité. Mais la vérité est-elle toujours morale et bonne ?
                  – Mentir par calcul d’intérêts conduit à la non maîtrise des conséquences de ses mensonges, est-ce pour autant dire la vérité par noblesse ou par prudence ?
                  – Les calcules sont souvent par nature à sommes nuls, ce que l’on croit gagner d’un côté, on le perd de l’autre.
                  – etc.
                  Et vous qu’avez-vous retenu ?

                  #4747
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                  Participant

                    En faisant le choix de dire la vérité, on peut se dédouaner du mal que l’on fait sous prétexte de le faire au nom du principe vertueux de dire la vérité.
                    Alors que mentir avec « bienveillance » (pour sauver autrui ou pour prendre soin de lui) est un risque et un engagement beaucoup plus responsable.

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