Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Pouvons-nous apprendre à mourir ? Présenté par Laura ce lundi 27.12.2021. Nouveau lieu : le Jet d’Ox, rue Simplon n°6 (Genève)

2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
  • Auteur
    Messages
  • #6162
    René
    Maître des clés
      Pouvons-nous apprendre à mourir ?
      « Philosopher c’est apprendre à mourir », Montaigne, Les Essais, (Livre I, Chapitre 19)
      Merci à Laura pour l’introduction du sujet.
      (Attention, nouveau lieu de rencontre, voir plus bas dans ce message. Merci)

      A premier regard, il n’existe pas d’autre sujet autant philosophique que la mort ; quelle discipline, mieux que la philosophie, peut en parler ? Elle s’est attachée à penser l’in-conceptualisation de l’espace et l’insaisissabilité du temps et, depuis l’antiquité, au mystérieux et singulier problème de la mort.
      Penser la mort s’avère une tâche difficile : nous ne pouvons pas en faire expérience directe. Mais à bien y penser, il y a un tas des choses dont nous pouvons parler sans en faire expérience. L’esclave stoïcien Épictète en témoigne en développant le thème de la liberté dans son Manuel. Cependant la mort d’autrui, d’un point de vue naturel, en tant que fin nécessaire de la vie ou d’un point de vue morale, en tant qu’aboutissement, c’est-à-dire, en tant que mission inachevée et inachevable, invite à nous questionner sur ses représentations et sur ses productions philosophiques. Ainsi, nous abordons un premier aspect de la mort, un moment inévitable, avant de discuter de la possibilité d’apprendre à mourir.
      Expérience de pensée. Imaginons surprendre la mort. On rentre dans la pièce où, soudainement, elle attend allongée sur un lit bien confortable, le moment du rendez-vous où elle doit intervenir sur Terre. Vous pensez qu’elle a beaucoup de travail, mais en réalité sa fonction est autre. Comme un chat endormi, mais avec un œil toujours ouvert, elle regarde ennuyée la montre du temps de tous les êtres de ce monde ; les modes, les arts, les civilisations, les époques, tout objet et tout être biologiquement vivant. Chacune des montres a une particularité : elle procède en sens inverse. La mort attend le moment de nous rendre conscients de son arrivée. Elle se réveille juste avant le décompte terminé, elle applaudit, elle remonte le minuteur et elle s’endort à nouveau.
      Nous avons, nous les humains comme les animaux, une crainte naturelle de la mort. Pourtant, c’est l’une des seules certitudes de notre existence ; un savoir si insaisissable, une croyance tellement insoutenable, qu’on ne se sent jamais vraiment concerné, sinon à l’instant même du décompte. Lors du réveil de la mort, l’expérience est si singulière, unique, propre, qu’elle ne pourra jamais être racontée. Ainsi, nous pouvons nous approcher de ce chat endormi sous plusieurs perspectives temporelles : avant de mourir, dans l’instant de la mort et après la mort.
      L’instant correspond au décès, au moment où nous sommes surpris par la fin du décompte qui, contrairement à la naissance, ne nous donne presque jamais un « avis de passage ». Par conséquent, si nous ne pouvons pas parler de la mort a postériori, nous pouvons toutefois concevoir la mort d’autrui, et nous le faisons avec autant de commisération et de tristesse que nous avions d’attachement pour ceux que nous perdons. Ainsi, il ne nous reste à considérer la mort que d’un point de vue « a priori ». De ce point de vue, nous pouvons nous demander si méditer sur la mort peut aider ? Pouvons-nous ne pas être surpris et obtenir une sorte « d’avis de passage ».

      Comment la philosophie peut-elle nous apprendre à mourir ?

      Quelques ressources

      Philosopher c’est apprendre à mourir », Montaigne, Les Essais, (Livre I, Chapitre 19) Wiki
      Philosopher c’est apprendre à mourir ». Le gai savoir. Raphael Enthoven.
      La mort. Grain de philo #18 par Mr. Phi. Vidéo de 16mn
      Apprendre à mourir : la méthode Schopenhauer» Irvin D. Yalom. Babelio
      – Vous souvenez-vous de Jacqueline Jenquel qui, à 74 ans, annonçait son souhait de mourir digne et en pleine conscience dans les deux années à venir, soit en 2020 ?
      > Retrouver sa vidéo de 4mn ici.
      > Son blog où elle tient une rubrique est ici.


      XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

      Un grand merci à Fabrice qui nous accueille dans la salle privée de son établissement, le Jet d’Ox, le lounge Bar situé dans le quartier des Eaux-Vives, rue Simplon n°6 (Genève). (Google map ici)

      Accueil dès 18h45 pour se mettre en place. Débat à 19h00

      Jet d’Ox, car chez Fabrice, il est possible de s’oxygéner avec un bol d’air Jacquier et ses essences de pin. Une atmosphère avec des essences naturelles, quoi de mieux pour lutter contre des infections ? Le dispositif existait avant la Covid.
      Merci d’honorer son accueil en prenant une consommation (si possible).

      XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

      Une tire-lire destinée à offrir une boisson aux étudiants et à ceux qui ont perdu leurs revenus durant la crise est à disposition. Plusieurs possibilités :
      – Y déposer une pièce,
      – remettre à Fabrice sa contribution pour une boisson à un participant,
      – pour ceux qui se trouvent à distance, notre compte tipee est ici
      notre compte Iban est ici
      le compte Paypal est ici.
      > Merci d’avance pour eux.

      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins. Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache non pas à affirmer son opinion, mais à expliquer la raison de sa pensée. On chercher à faire progresser le débat, c’est-à-dire, à en clarifier les enjeux, en mettant en lien son intervention et la question de départ et ce qui a été dit jusqu’à présent.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
      ————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
      > Lien vers notre forum anti-covid, anti complotisme ici.
      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
      > Notre proposition de débat contradictoire. On attend toujours des volontaires.

      #6165
      René
      Maître des clés

        Quelques idées retenues lors de cet échange…

        Nous étions une quinzaine de personnes.
        Merci à Marielle qui a accepté de distribuer la parole. En effet, cette responsabilité mobilise notre attention, il s’agit de la donner à ceux qui s’expriment le moins, ce qui n’est pas toujours facile, et cela se fait souvent au détriment de l’intérêt que l’on veut porter sur le débat.

        L’enjeu du débat n’est certes pas d’évoquer toutes sortes de généralités, de croyances ou de citations apprises à propos de la « mort », ni de se faire le professeur des autres participants. En effet, chacun, dans ce groupe, et c’est un postulat de départ, reconnait l’autre comme auteur ou apprenti- auteur de sa propre pensée.
        L’enjeu était donc de formuler pour soi, et d’en rendre témoin autrui, ce que signifie « apprendre à mourir », comment formuler et rendre explicite les enjeux de cet apprentissage ?

        Rapidement, nous réalisons bien que, ce que l’on peut hypothéquer pour ce qu’il y a « après la vie », ou « avant la naissance », relève d’une métaphysique. De fait, ce registre se prête mal à l’argumentation étayée par des observations, il se rapporte plutôt à un « imaginaire », à des systèmes philosophiques ou encore à des religions, plus ou moins instituées ou anarchistes.
        En revanche, on voit également que chacun privilégie un angle d’approche qui lui est spécifique pour questionner la « mort » :
        – Pour certains, c’est la littérature, pour d’autres, l’action engagée (le militaire, le samouraï, le héros, le citoyen dans l’action du moment…) ou encore, cela peut être la « philosophie », la méditation, le sport, l’aventure, etc.
        > La question étant : quel que soit le mode d’approche, celui-ci rapproche-t-il de l’expérience de la mort que nous pouvons en faire ? Il y a un double enjeu, celui de l’expérience proprement dite, et celui de sa formulation.

        Le ou les expériences rapprochées de la mort.
        > Celui qui est confronté à la maladie, à l’isolement, à des angoisses existentielles, à s’engager en philosophie ou dans une action plus ou moins héroïque, dans l’accompagnement de mourants, dépasse-t-il son appréhension de la mort, en prolonge-t-il la fuite dans son action, dans d’infinies spéculations ? De quelle manière en conjure-t-il sa butée ? (La question des NDE, Near Death Experience avait été traitées ici, voir notre compte + schéma)
        >>> On constate qu’il est parfois difficile de juger de l’action d’autrui, si ce n’est impossible. Que savons-nous en effet de ce qui se passe en lui-même ? Que savons de ce qui se passe en soi. Il est difficile de rendre « conscient » à soi-même des mobiles profonds d’où émergent nos actions.

        De fait, je trouve intéressant l’option, dont certains participants ont témoigné, de ne pas trop spéculer sur les philosophies adoptées par chacun devant la question de la mort, mais de porter son attention sur l’expérience de la perte d’un être cher : à quelle expérience la perte de l’autre renvoie-t-elle ? Et, inversement, de s’imaginer les êtres chers nous perdre, à quelle expérience le déplacement de cette pensée nous renvoie-t-il ?
        > La question de la mort est ainsi déportée en partie hors de soi, pour être mise au coeur de notre rapport à l’autre. A partir de là, la question qui se pose semble être : quelle vie je laisse derrière moi à l’égard des autres ? Quel témoignage de vie suis-je pour les autres, pour ceux que j’aime, pour ceux qui m’aiment, pour mes proches ? Quel témoignage ou quel exemple de vie l’autre a-t-il été pour moi, et moi pour l’autre ?
        > Ainsi, la question porte moins sur le souci infini de soi, sur le prolongement indéfini de sa propre vie, sur ce que l’on peut redouter en fin de vie, ou encore sur le regret projeté de ce que l’on n’imagine bientôt ne plus pouvoir vivre. La question de la mort porte, à partir de ce déplacement, sur un rapport à la vie dans la qualité dans nos interactions avec les autres.

        Deux ou trois idées retenues et qui stimulent ma pensée.
        > Les « gens » semblent être poussés par un instinct de survie et, alors qu’ils semblaient parfaitement assumer le fait de mourir, cet instinct les pousse à se dépasser et à lutter contre la maladie, contre les adversités du moment du risque de mourir (maladie, âge avancée, handicap ou autre).
        > Second élément de réflexion, les comportements de bravade devant la mort, y compris sur un plan collectif : la société de surconsommation dans laquelle nous vivons, l’idée d’une humanité augmentée ou d’un transhumanisme, la course à la domination, etc., cette fuite en avant peut témoigner de cette incapacité à se représenter la mort, la sienne comme celle des autres. Il ne s’agit pas nécessairement d’un déni d’une peur de la mort, mais d’un impensé, d’une liberté « sans contrainte » livrée à la seule jouissance d’exister. La mort n’est pas pensée, tandis que la question éthique à l’autre s’est muée en une idéologie « positiviste ».
        > Troisième élément de réflexion. Aujourd’hui, les impératifs de la raison nous invitent à « croire » en des « projections », des devenirs « raisonnables » et éthiquement viables (qui prennent en compte l’autre, l’environnement). En effet, on ne peut se permettre de croire en de nouveaux prophètes, d’attendre après de nouveaux miracles, d’espérer à partir des possibilités infinies du progrès technique. Non, aujourd’hui, la raison impose d’examiner les conditions de possibilité d’un projet possible pour l’avenir des sociétés, mais aussi pour l’environnement et ce, quel qu’en soit le ou les auteurs, les influenceurs et les promoteurs des projets. Tout doit être mis sur la table et examiné pas à pas, méthodiquement.

      2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
      • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.