Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Prostitution et Consentement, le consentement d’autrui donne-t-il tous les droits ? Présenté par Philippe le 02.12.2013 + restitution
- Ce sujet contient 8 réponses, 4 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 11 années et 2 mois.
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28 novembre 2013 à 16h38 #4757Prostitution et Consentement :
Le consentement d’autrui donne-t-il tous les droits ?
De quoi parle-t-on ?
On désigne par prostitution tout acte sexuel tarifé entre individus consentants. D’après l’Office Central de Répression de la Traite des Êtres Humains, il y aurait entre 18 000 et 20 000 prostituées en France. La fiabilité de ce chiffre est difficile à établir, car il se calcule par extrapolation à partir du nombre de mises en cause annuelles pour racolage dans la rue. La prostitution étant une activité largement dissimulée (et opérant de plus en plus via internet), on peut supposer que la popupation réelle de prostituées en France est bien plus importante. Pour donner un terme de comparaison, en Allemagne (où la prostitution en maison close est légale et l’activité de prostitution plus visible et assumée) il y a 400 000 prostituées déclarées.Si la population de prostituées en France est hétérogène – elle est constituée de femmes, d’hommes et de transexuels faisant leur métier dans des conditions très diverses : du transexuel étranger tarifant 40 euros la passe dans un bois à l’escort girl en règle tarifant 2 000 euros ou plus la journée –, on peut noter que 80 % des prostituées sont des femmes étrangères pauvres en situation irrégulière (majoritairement originaires d’Afrique, et plus récemment d’Asie) et pour la plupart subordonnées à des réseaux de proxénètes. La prostituée « traditionnelle » (terme retenu par le rapport ministériel de 2011 pour désigner la prostituée française, indépendante et faisant ce métier par choix) est donc largement minoritaire dans ce panorama.
Une proposition de loi sera examinée par l’Assemblée nationale les 27 et 29 novembre, qui vise principalement à changer cette réalité.
En quoi consiste le projet de loi ?
Le texte prévoit :
– La suppression du délit de racolage.
– Le filtrage des annonces d’escort girl provenant de sites étrangers sur internet.
– Une autorisation provisoire de séjour de 6 mois pour les femmes étrangères ayant cessé la prostitution.
– La mise en place d’un fonds d’aide de protection des victimes de la prostitution.
– La création d’une infraction sanctionnée d’une contravention de 1 500 euros pour les clients de prostituées, contravention doublée en cas de récidive. Les cliens seraient également contraints de suivre des stages de sensibilisation sur le modèle de ceux consacrés à la sécurité routière ou la prévention de l’usage des stupéfiants, dans l’objectif de les faire réfléchir sur les conséquences de leurs actes.Où est le problème ?
Au moment de la médiatisation de ce projet de loi, on a assisté en France à une controverse centrée sur la pénalisation des clients de prostituées. Celle-ci entraverait la liberté des hommes en bafouant leur « droit à la pute ». C’est en tout cas le point de vue développé par le « Manifeste des 343 salauds » (emblème féministe tourné en dérision : le « manifeste des 343 salopes », rédigé par Simone de Beauvoir en 1971 en faveur de l’avortement).Initié par Frédéric Beigbeder, signé par Eric Zemmour et publié par le magazine CAUSEUR, ce texte s’oppose au projet de loi car « chacun a le droit de vendre ses charmes et même d’aimer ça ». Il se conclue sur le détournement d’un slogan et d’un logo du détesté SOS racisme (monté comme emblême du « politiquement correct », étouffant la liberté d’expression en France) : « Touche pas à ma pute ! »
Le débat s’est ainsi vite focalisé autour de l’affrontement de deux camps :- Abolitionnistes : prônant l’abolition de la prostitution comme forme contemporaine d’esclavage et affirmant qu’il n’y a pas de prostituées « volontaires » car on constate l’existence des facteurs psychiques et sociaux (marqueurs de désaffiliation) conditionnant l’accès à la profession (pauvreté, violence sexuelle subie dans l’enfance, situation irrégulière) et qu’il n’y a pas de prostituée « indemne » sur la base de multiples témoignages de femmes retirées du métier (la profession les détruirait affectivement et comporte de graves risques sanitaires : une vie de prostituée laisse des séquelles).
- Libertaires : revendiquant le caractère privé de la prostitution, le fait qu’il existe des prostituées aimant leur travail et qu’on ne veut pas le reconnaître parce qu’il est tabou de dire qu’une femme peut aimer gagner sa vie par le sexe, qu’on est libre de faire ce qu’on veut entre adultes consentants sans que l’Etat ait quelque légitimité que ce soit à y mettre son nez et que les hommes ont des pulsions que seul l’accès à la prostitution permet de canaliser (sans elle, ils seraient des violeurs en puissance : il vaut mieux mettre des prostituées à leur disposition que les lâcher dans la nature avec leur frustration).
Que faire de tout ça dans un Café-philo ?
Pour prendre un peu de hauteur vis-à-vis de ce débat portant d’une part sur le droit des hommes à pouvoir disposer d’une prostituée et d’autre part de la possibilité de consentir à cette profession lorsqu’on est une femme, on peut poser une question philosophique vis-à-vis de laquelle le cas de la prostitution constituera un exemple, auquel nous pourrons revenir dans le cours de la discussion :
Le consentement d’autrui donne-t-il tous les droits ?
ou Le droit se réduit-il à l’obtention du consentement ?Quelques liens en rapport avec le dossier sur la prostitution :
– Le manifeste des 343 salauds : http://larealiteenface.overblog.com/2013/11/le-manifeste-des-343-salauds.html
– Le rapport dinformation ministériel de 2011 (très complet) : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3334.pdf
– Article du Monde axé sur la pénalisation des clients : http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/11/22/sanctionner-les-clients-de-prostituees-qui-est-pour-qui-est-contre_3511571_3224.html
– Témoignage d’une prostituée retirée du métier : http://www.midilibre.fr/2013/10/07/la-prostitution-un-univers-impitoyable-de-violences,766659.php
– Blog recueillant plusieurs témoignages de prostituées : http://prostitution.blog.lemonde.fr
– Sociologie de la prostitution (les facteurs d’entrée dans le métier) : http://www.laviedesidees.fr/Sociologie-de-la-prostitution.html28 novembre 2013 à 21h47 #4758En quoi consiste le projet de loi ?
– La suppression du délit de racolage.
– Le filtrage des annonces d’escort girl provenant de sites étrangers sur internet.
– Une autorisation provisoire de séjour de 6 mois pour les femmes étrangères ayant cessé la prostitution.
– La mise en place d’un fonds d’aide de protection des victimes de la prostitution.
– La création d’une infraction sanctionnée d’une contravention de 1 500 euros pour les clients de prostituées, contravention doublée en cas de récidive. Les cliens seraient également contraints de suivre des stages de sensibilisation sur le modèle de ceux consacrés à la sécurité routière ou la prévention de l’usage des stupéfiants, dans l’objectif de les faire réfléchir sur les conséquences de leurs actes.Merci Philippe d’avoir réuni toutes ces informations.
Une simple réaction par rapport au texte de loi, les quatre premières mesures sont tout à fait favorables aux prostituées qui seraient victimes de leurs métiers, l’infraction, quant à elle, punit les hommes et prévoit un stage (une leçon de « morale »?) portant sur les conséquences de leurs actes ?
Questions ?
Est-il mal de s’offrir les services d’une prostituée ?
Est-il préjudiciable pour elles qu’elles vendent leurs services ?
Est-il préjudiciable pour elles qu’elles soient exploitées par des proxénètes sans scrupule ?
Sur quoi porte la leçon (le stage) en fait, sur quel thème veut-on faire réfléchir les clients des prostituées ?28 novembre 2013 à 21h54 #4759Oui, en fait la partie pénalisante de la loi est la plus remise en cause. Précisément parce qu’elle est incohérente : pourquoi maintenir la légalité de la profession, si c’est pour la rendre de facto impossible par ailleurs ? Personnellement, je réprouve les positions abolitionnistes, qui se positionnent à partir d’une vision misérabiliste de la profession et stigmatisante des clients. En revanche, je trouve que le texte ne va pas assez loin concernant les Prostituées exploitées par des réseaux. Le problème étant qu’il semble difficile d’établir dans quelle mesure les prostituées dans des réseaux sont des « victimes » (si elles sont là où elles en sont, elles l’ont peut-être choisi même si elles le regrettent parfois amèrement après coup ?).
Au final, je m’aperçois qu’il serait judicieux que j’oriente immédiatement la discussion sur la question philosophique (consentement et droit) afin qu’on ne s’attarde pas trop sur le projet de loi. Rétrospectivement, je me dis que la prostitution n’est pas un si bon exemple…
29 novembre 2013 à 1h16 #4760Je pense aussi que cette loi est totalement contradictoire et pénaliser les clients est absurde et je n’en vois pas la portée éducative. En Suisse, cela fait très longtemps que la prostitution est reconnue comme une acitvité professionnelle, déclarée aux fisc etc . Cela n’a pas posé de problèmes durant de nombreuses années et a plutôt protégé les femmes exerçant cette activité.
Je sais par des personnes travaillant dans des associations venant en aide aux prostituées, que le visage de la prostitution a totalement changé ces dernières années. Les femmes viennent par l’intermédaire de réseaux, souvent d’origine hispanophone,
et sur fond de crise, les clients tentent de brader les tarifs de façon tout à fait indécente,.
Il faudrait, à mon avis, plus réfléchir à des lois qui tiennent compte des changements actuels de la société ( je suppose que cela ne se passe pas qu’à Genève) plutôt que d’en faire un débat moral. On parle peu de cette ciminalité organisée et des moyens pour l’enrayer mais on se focalise sur la sanction du client. C’est vraiment l’arbre qui cache la forêt.29 novembre 2013 à 13h05 #4762Il faudrait, à mon avis, plus réfléchir à des lois qui tiennent compte des changements actuels de la société […] plutôt que d’en faire un débat moral. On parle peu de cette criminalité organisée et des moyens pour l’enrayer mais on se focalise sur la sanction du client. C’est vraiment l’arbre qui cache la forêt.
Il y a longtemps que les politiciens me dégoutent tant ils sont à cotè de la plaque, manipulateurs et finalement, néfastes à l’esprit citoyen (d’où le désistement des électeurs, ce qui laissent le champ libre aux simplistes).
Je proposerai pour ce thème de mettre de côté les incohérences de la loi afin de donner une priorité aux problèmes humains soulevés. (On parlera des simplistes-extrémistes une autre fois)D’après l’introduction de Philippe, je retiens trois grands thèmes :
– il y a la condition humaine et spécifique des personnes qui se prostituent (estime de soi, contradiction des comportements),
– il y a ce rapport au corps, à la relation, à l’intimité et les aspects marchants qui y sont associés,
– il y a enfin la « question générale », la dimension sociétale et politico-philosophique de ce problème : Le consentement donne-t-il tous les droits ? Dit autrement : une société basée sur le consentement des personnes peut-il suffire à faire société ? Et si oui, à quel type de société (avec quelle idée de l’être humain) cela peut donner lieu ?)J’écarte ici la question du proxénétisme car la loi l’interdit déjà, et par ailleurs, cela pourrait éventuellement relever du droit du travail et de l’exploitation d’autrui. Je ne mentionne pas non plus les stratégies des groupes de pression, car c’est une manière basse de faire de la politique.
30 novembre 2013 à 19h12 #4763Merci Philippe pour avoir documenté et posé le problème.
Il y a deux semaines, nous avions abordé la discussion lors du dîner post café-philo.
Ce qui m’intéresse le plus dans ce sujet, c’est :
– est-ce désuet ou malvenu de sacraliser socialement les rapports humains?
– la société doit-elle garantir/permettre une liberté absolue des corps humains entre adultes consentants?
– si ce qui choque est le lien entre la sexualité et l’argent, serait-il acceptable d’inventer une monnaie différenciée pour les rapports de domination sexuelle (ex. un rapport sexuel contre 2 heures de massage ; contre le droit de mettre une claque…)Blague mise à part (enfin pas vraiment) voici le lien vers le dernier « billet de François Morel » sur France Inter sur le sujet qui m’a bien plu : http://www.franceinter.fr/reecouter-diffusions/436631
Mon point de vue est que la société doit traduire laïquement le fait que la sexualité n’est pas un rapport marchand comme les autres. Je ne vois pas la sexualité comme étant intrinsèquement sacrée. Ceci étant dit, j’aimerais que ce soit la société qui lui donne cette particularité.
1 décembre 2013 à 22h32 #4765Caro, je trouve ta proposition plutôt originale et intéressante; sauf que les deux heures de massage ou la paire de claques (soyons généreux…) se situent déjà dans l’ébauche, superficielle j’en conviens, d’un début de relation. Et c’est bien ce que à mon avis, ne souhaitent pas les hommes qui vont voir une prostituée. Ils le disent, eux-mêmes. Ainsi, ils ont l’impression de ne pas tromper leur femme ou leur compagne. C’est bien une relation d’objet et non de sujet à sujet.
2 décembre 2013 à 14h24 #4766Bonjour à tous,
Je pense à la relation à l’objet : est-ce une relation à l’objet lorsque deux personnes s’entendent pour partager une expérience « atypique », précisément car elles ne souhaitent pas « s’identifier » entièrement à cette expérience, en dépit des fantasmes les incitant à la vivre ?
Il me semble que l’autre est un objet lorsqu’on le traite comme une fin (l’utiliser pour parvenir à ses fins) sans avoir requis son avis.
Je trouve intéressant aussi la proposition de Caro, les partages qui impliquent un rapport à soi-même, au physique, à son intimité pourraient être symbolisés par une autre monnaie que l’argent (la société pourrait y penser: les associations, les religieux, les groupes éthiques, les sciences humaines…) : cela soulignerait le sens par lequel on donne vie à certaines de nos relations.
Par ex. doit-on nécessairement payer un psychanalyste pour qu’il nous écoute ? En quoi le psy se distingue d’une prostituée ou d’un marchand ? Peut-il être payé autrement que par de l’argent ? (je ne parle pas d’un retour au troc, mais il me semble que les échanges qui impliquent des relations humaines fortes gagnent à être symbolisés sur différents plans.)7 décembre 2013 à 19h39 #4775Restitution sous formes d’interventions reformulées du débat : (A vous d’ajouter des interventions que j’aurai omises ou de me signaler celles que j’aurai mal reformulées – pour les plus pressés, allez directement à la conclusion 🙂
Rappel de la question générale : dans quelle mesure le consentement entre les personnes doit-il prévaloir sur le droit ?– Oui, le consentement est plus fort que le droit.
– Avant de légiférer, on devrait organiser des débats publics.
– Concernant le « déterminisme », les neurosciences, les sociologues, les facteurs environnementaux attestent de plus en plus que nous sommes déterminés.
– Concernant la prostitution, il n’y a pas que les femmes qui sont concernées, donc la question doit être étendue aux relations qui impliquent des rapports de domination-soumission-asservissement.
– Notons que les pédophiles savent très bien manipuler les enfants pour obtenir leurs consentements. Le consentement pose donc problème s’il était le seul critère ayant valeur de Droit.
– Au consentement et au droit, j’aimerai mettre en regard la liberté. La liberté peut entrer en conflit avec le Droit mais par ailleurs, si chacun jouit d’une certaine liberté, c’est bien parce qu’il y a des Droits. « La liberté s’arrête là où commence celle des autres » mais si le consentement dépasse le droit, il y a des chances pour qu’il contraigne aussi la liberté.
– Le consentement est-il (finalement) « libre » ?
– Imaginons une société où le consentement vaut Droit, alors les gens qui ont le pouvoir pousseront ceux qui ne l’ont pas à consentir. Ex. le travail du dimanche est librement consenti aujourd’hui et dans certains cas, mais il deviendra obligatoirement consenti pour toutes les embauches à venir si le consentement devait faire Droit.
– « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».Henri Lacordaire (1802-1861)
– Le monde de la prostitution est diversifié, il va des femmes victimes jusqu’à celles qui choisissent de faire des passes occasionnelles, alors que la loi s’adresse à la société dans son ensemble.
-Depuis l’antiquité, on n’a pas traité le problème, on s’en prend au client pour en fait atteindre les proxénètes.
– Combien de consentements sont « pervertis » par des situations d’emprises ou d’inégalités trop déséquilibrées. L’honneur d’une société est d’instaurer des droits qui protègent les plus faibles.
– il y a une hypocrisie du droit prétextant protèger les femmes, mais pourquoi ne pas faire une loi qui protège directement les femmes ?
– que veut-on sauver, les prostituées ? Je rappelle que le rapport employeur-salarié n’est pas égalitaire. Quant à celui qui veut se faire manger par un autre, c’est une question de gestion du suicide, qui a les compétences pour aider un autre à se suicider ?
– Il ne s’agit pas d’interdire la prostitution mais de responsabiliser l’homme ou la femme qui en utilise les services. Les métiers qui impliquent le corps ne peuvent pas être comparé au salaria. Rares sont les femmes qui sortent indemnes de la prostitution.
– Si l’histoire montre qu’on n’a jamais su arrêter la prostitution, cela ne signifie pas qu’on n’y parvienne jamais.
– Les gens disent qu’ils iront ailleurs si la prostitution est interdite en France.
– Le consentement est vraiment pour moi la base du droit, j’ai la meilleure position pour savoir ce que je veux. Par ailleurs, penser à la place d’une personne qui ne sait pas ce qu’elle veut, ne la rend pas plus forte ou déterminée. Je maintiens le consentement comme une base de la liberté.
– Je doute de la possibilité d’une société de n’être basée que sur du consentement. Dans la Grèce antique, l’interdiction de la contrainte par corps des endettés a compté comme les premiers pas vers la démocratie (Solon –640 à – 558 av. J.-C.). Le plus faible paie toujours le prix fort du consentement libre ; dans un monde en compétition et ouvert, c’est un nivellement par le bas.
– D’après leurs témoignages, l’interdiction « indirecte » de la prostitution va considérablement compliquer le travail des professionnels de la santé et des services sociaux.
– Avant guerre il y avait des maisons closes qui étaient bien gérées, après guerre, elles furent interdites pour convenir à la morale ambiante, après quoi tout ce beau monde est entré en clandestinité. On pourrait remettre au goût du jour la question des maisons closes.
– On ne parle pas assez de la misère des hommes qui doivent fréquenter les prostituées, je l’ai vu à l’armée où je gérais un BMC (bordel militaire contrôlé).
– la misère des femmes est-elle mineure par rapport à celle des hommes ?
– entre gagner sa vie à nettoyer les toilettes (et autres boulots dégradant et pénibles) et mieux gagner sa vie avec un temps de dégradation moindre (la prostitution), le choix est vite fait si on ne veut pas le moraliser.
– Ce qu’on ne peut empêcher, il faut l’encadrer pour que cela se passe dans les meilleures conditions. Le droit peut être mobilisé pour des personnes qui consentent à des situations qui leur sont nuisibles.
– C’est dommage que le débat soit clivé entre les abolitionnistes et les libertaires, les hommes et les femmes, la misère existe pour tout le monde. On devrait faire des loi avec les personnes concernées.
– Il faut distinguer le consentement (Histoire d’O) et l’asservissement (Sade)
– On peut opter pour la thèse où le droit supporte le consentement. En Chine, la prostitution est interdite, mais dans les salons de coiffure, on vous offre la possibilité d’avoir des filles discrètement. Les peines et les risques encourues sont très lourds pour tout le monde, on pourrait penser à mieux articuler Droit et consentement.
– Nos sociétés a été organisées sur la base de rapports de force et par des hommes, cette loi corrige le résidu machiste qui en résulte.
– On s’accorde tous pour dire que cette loi est hypocrite car elle l’autorise en Droit mais elle l’interdit en fait (en punissant le client).
– S’il y a un lieu où il ne doit pas y avoir de morale, c’est la sexualité. La loi protège le couple, or dans les couples, des hommes violent ou prostituent leurs femmes, je ne vois pas comment la loi peut changer les choses.
– Les nains étaient contre la loi du « lancer de nain » or ils s’amusaient bien et arrondissaient leur fin de mois.
– Cette loi a fait jurisprudence, le lancer de nain a été interdit car on a été estimé que cette pratique portait atteinte à la dignité humaine.
– Comment articuler la loi et le consentement de façon à ce que l’on soit ni dans l’un ou dans l’autre ?
– Est-ce que la loi doit s’immiscer partout, doit-elle protéger les personnes contre elles-mêmes ? La loi pose des cadres, c’est à d’autres instances sociales d’amortir les imperfections de la loi.
– Cette loi ne sera jamais appliquée, Sarkozy l’avait déjà votée. Ce sont des diversions pour amuser les citoyens.
– On punit le client, mais la prostituée devra quand-même payer son passeur. On veut donc éliminer les passeurs en s’attaquant aux clients et en pénalisant les prostitués. C’est le syndrome du lampadaire, on agit là où il y a de la visibilité.
– Pourquoi tant d’hommes ont besoin de payer pour ça ? (question d’un homme)
– C’est notre faute certainement (réponse d’une femme)
– Les hommes ont effectivement honte de devoir payer leurs relations sexuelles
– Il y a des hommes qui se vantent des prostitués qu’ils s’offrent, donc on ne peut pas généraliser.
– Marie-France Hirigoyen, qui a beaucoup travaillé sur le harcèlement moral, décrit plusieurs types de consentements (dont le passif), la loi peut être un marchepied pour les consentements mal articulés.
– Le consentement a à voir avec la dignité, laquelle est très personnelle : des nains aiment se faire lancer, d’autres pas. Pourquoi ne pas protéger une prostituée qui souhaite faire son métier, de même que celle qui ne veut plus le faire ? Dès qu’on fait des lois trop « définies », on enferme les choses. Les lois devraient poser des cadres généraux et viser la protection des personnes.
– Je vois quatre éléments qui sont : le consentement, le droit du travail, la sexualité et la morale. Le consentement dans le droit du travail n’est pas accepté (la loi s’impose), dans d’autres domaines, le consentement est suffisant. Reste la question, comment la morale s’articule-t-elle avec la sexualité, autrement dit, comment le droit peut-il s’en occuper ? Il y a un lien entre ces quatre éléments.
– La Suède a le réseau mafieux le plus faible d’Europe car ils ont été découragés. En Allemagne, les maisons closes sont autorisées, mais elles deviennent des repères privés interdit à la police.
– Le principe de dignité est intéressant : au nom de quel principe on pense la loi ? De le penser en terme de dignité invite à poser la question : en fonction de quel image de l’être humain pense-t-on une loi, et quels cadres souhaite-t-on donner à la société ?
– Je ne crois pas qu’on puisse mettre sur le même niveau les activités qui impliquent l’intimité du corps et tout autre emploi.
– être docile, c’est renoncer à soi.
– J’entends le besoin de sexe mais la pulsion est une pulsion pour aller vers l’autre pour créer une relation, et non pour l’acheter ou acheter du sexe. Le statut de la relation doit être valorisé et non considéré comme une marchandise.– Conclusion : En général en philosophie, on traite d’une question qui met en jeu deux notions qui nous tiennent à cœur, on ne peut en éliminer une pour consacrer l’autre : le droit et le consentement mutuel entrent en conflit.
L’idée était de voir comment redéfinir le consentement d’une part et, d’autre part, quels sont les critères que l’on peut octroyer au Droit pour résoudre ce conflit ?
1) Quelles sont les conséquences néfastes d’un consentement à tous prix, et donc qui évacuent le Droit ?
On a vu : le consentement qui porte atteinte à la dignité, à l’image de la femme. Le fait que le consentement engage davantage que les deux personnes qui consentent, cela engage celles qui consentiront demain et ailleurs. Le consentement ne protège pas les faibles.
2) Concernant le Droit, la question peut se formuler ainsi: quelles sont les conséquences néfastes d’un Etat qui viendrait s’immiscer, par le Droit, dans des relations que l’on considère comme privées ?
On a évoqué : l’entrave à la liberté, le fait que la prostitution puisse être un travail comme un autre (ne pas moraliser), La dignité est une affaire personnelle, l’Etat n’a pas à s’en mêler.Mais nous n’avons pas redéfini le consentement. On pourrait faire la proposition suivante :
– Le consentement qui peut s’opposer au Droit est un « consentement libre et éclairé ».
– Quant au Droit, on pourrait demander : quels sont les critères qui lui permettent d’aller au-delà du consentement ? Est-ce pour restaurer de la dignité, est-ce pour venir au secours des personnes faibles, est-ce dans les cas où l’image de l’être humain est atteinte ?Débat introduit et conclu par Philippe.
Restitution : René -
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